Accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur (PPR)
Publié le 27 novembre 2025Nous sommes aujourd’hui au pied du mur pour empêcher la mise en application d’un accord commercial d’un autre siècle, d’un autre monde. Cet accord entre l’Union européenne et le Mercosur est couvé depuis vingt-cinq ans par les fondamentalistes du libre-échange, mais son obscure gestation n’aura pas empêché d’en révéler la dangerosité pour le climat, pour notre souveraineté alimentaire, pour notre agriculture et pour nos éleveurs. Ces négociations ont été guidées durant un quart de siècle par l’opacité, le mensonge et le contournement de toutes nos règles démocratiques. Rien n’aura été épargné aux démocrates, pas même le blocage arbitraire, il y a une semaine encore, de l’examen d’une résolution soutenue par 145 députés européens de 21 États différents, dont l’objet était simplement de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour vérifier la conformité de l’accord avec le droit européen.
Encore une manœuvre ! Une manœuvre de plus pour faire taire les oppositions. Une manœuvre de plus pour permettre à Ursula von der Leyen de se rendre au Brésil, le 20 décembre prochain, avec un accord commercial définitivement adopté par une majorité qualifiée d’États membres. Une ultime manœuvre qui fait suite à la violation par la même Commission de son mandat, avec la décision de dissocier le volet commercial de l’accord de son volet politique pour se prémunir du veto des États membres et du vote des parlements nationaux. Voilà la conception que la Commission se fait de la démocratie. Après avoir tout lâché aux États-Unis sur les droits de douane, les stratèges de la DG commerce – direction générale de la Commission – sont plus déterminés que jamais à sacrifier notre agriculture et toutes nos protections environnementales sur l’autel de quelques intérêts sectoriels.
L’assiette mondialisée qui sera servie aux Européens sera particulièrement indigeste : 99 000 tonnes de viande de bœuf, 190 000 tonnes de volaille, 180 000 tonnes de sucre supplémentaires ouvertes à l’importation sans droits de douane ou à taux très faibles. Le tout arrosé de produits phytosanitaires, d’antibiotiques et d’hormones de croissance interdits en Europe, et il faudra naturellement fermer les yeux sur la déforestation et les atteintes aux droits des populations autochtones.
Certes, nous ne découvrons pas aujourd’hui ce qu’incarne cet accord : un capitalisme mondialisé et mortifère porté depuis des décennies par les néolibéraux de tout poil, qu’ils agissent à l’OMC, à Bruxelles ou à Paris. Mais nous en connaissons encore mieux qu’hier les résultats : course au moins-disant social et environnemental, désindustrialisation, dépendance stratégique.
Qu’a fait notre pays ces dernières années pour en bloquer la conclusion ? La vérité, c’est que le président de la République et ses gouvernements successifs n’ont cessé de jouer sur deux tableaux : d’un côté, une opposition de façade pour tenter d’apaiser les craintes légitimes de nos agriculteurs et, de l’autre, un soutien discret à l’accord, jamais assumé publiquement. Si beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer un renoncement, un revirement, voire un reniement ne s’agit-il pas plutôt de la démonstration de la grande fidélité idéologique du président de la République aux dogmes libéraux ? Car la France aurait pu se lancer dans la recherche active d’une minorité de blocage pour empêcher la conclusion de cet accord.
Elle ne l’a pas fait. Elle a préféré privilégier ces derniers mois tantôt l’emballage des fameuses clauses miroirs, toujours absentes du texte de l’accord, tantôt de vraies fausses protections autour de l’activation d’hypothétiques clauses de sauvegarde. Cette tentative d’enrobage politique de la dangerosité de l’accord ne cache pas en revanche le dangereux mécanisme de rééquilibrage qui, lui, figure bien dans le texte. Ce mécanisme permettra aux pays du Mercosur de réclamer des compensations si l’Europe ose adopter de nouvelles normes environnementales ou sanitaires contraignantes.
Chers collègues, si la politique commerciale de l’UE est en roue libre, elle ne doit pas nous empêcher d’agir. Nous ne pouvons accepter qu’elle sacrifie nos agriculteurs, nos normes sanitaires, nos engagements climatiques, sociaux et environnementaux sans réaction. Cette proposition de résolution invite le gouvernement à chercher la voie d’une minorité de blocage au Conseil et à saisir la Cour de justice de l’Union européenne. Bien évidemment, les députés communistes et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine la voteront. Mais le gouvernement et le président de la République sont-ils, oui ou non, prêts à refuser ce passage en force et à saisir la Cour de justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)