Interventions

Budget de la Sécurité sociale

Nlle lect. PLFSS pour 2020

Face à la mobilisation exceptionnelle, depuis plusieurs mois, des personnels hospitaliers, le Gouvernement a annoncé dans l’urgence, pour la quatrième fois en quatorze mois, un plan pour les hôpitaux, qui subissent l’austérité depuis de trop longues années – vous avez raison sur ce point : le problème ne date pas d’aujourd’hui.

Nous attendions tous des mesures d’ampleur pour l’hôpital public. Malheureusement, madame la ministre, votre plan, c’est une goutte de Bétadine sur une fracture ouverte : on se penche certes sur le malade, mais ce n’est pas un tel remède qui va le soigner.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Non, mais ça pique !

M. Fabien Roussel. Les revendications du collectif Inter-Urgences, du collectif Inter-Hôpitaux et des syndicats sont pourtant claires : ils attendent une augmentation de l’ONDAM de 4 % – pour faire simplement face à l’évolution naturelle de la demande de soins de nos concitoyens –, ainsi que des hausses de salaires de 300 euros nets et la réouverture de lits d’hospitalisation.

Force est de constater que vos annonces ont raté leur cible. Vous prévoyez de réinjecter 300 millions d’euros dans les hôpitaux en 2020, tout en continuant à leur demander 700 millions d’euros d’économies. Vous ne faites donc qu’alléger un fardeau que vous avez contribué à faire peser. Depuis 2017, 3,3 milliards d’euros d’économies ont été demandés au service public hospitalier.

Vous annoncez par ailleurs un saupoudrage de primes pour les soignants et les médecins plutôt qu’un dégel de leur point d’indice. Seuls certains d’entre eux seront concernés, par le biais de primes accordées de manière discrétionnaire par les directions ou de compléments de rémunération pour ceux travaillant en région parisienne.

Enfin, vous ne prenez aucun engagement en matière de réouverture de lits et de créations de postes, alors que nombre de services hospitaliers fonctionnent en sous-effectif et demandent des lits pour accueillir les patients.

Si nous en sommes là, c’est bien à cause de votre obstination – partagée par l’ensemble du Gouvernement – à réduire les dépenses publiques, à taper sur le coût du travail et à alléger la fiscalité du capital. Rappelons-le : le montant des exonérations de cotisations patronales prévues pour cette année atteint 66 milliards d’euros, soit 13 % du budget de la sécurité sociale.

Vous privez également le budget de la sécurité sociale de 3 milliards d’euros en décidant de ne pas compenser certaines de ces exonérations. Cette somme équivaut au déficit du régime général. Vous créez ainsi artificiellement du déficit pour préparer nos concitoyens à de nouveaux sacrifices sur les retraites ou les prestations sociales. Ainsi, en 2020, les retraites supérieures à 2 000 euros – comme les allocations familiales, d’ailleurs – seront sous-revalorisées au regard de l’évolution de l’inflation.

Parlons enfin de la dette, madame la ministre et monsieur le ministre de Bercy : vous reprenez 10 milliards d’euros, alors que la dette des hôpitaux s’élève à 30 milliards. Pourquoi vous arrêter au milieu du chemin ? Vous expliquez que la reprise de 10 milliards d’euros de dette permettra aux hôpitaux d’économiser 800 millions d’euros de charge d’intérêts par an. Si vous repreniez la totalité de la dette hospitalière, ce seraient donc 2,4 milliards d’euros que nous pourrions récupérer pour investir dans les hôpitaux ! Pourquoi ne pas aller au bout et ne reprendre qu’un tiers de la dette ? Vous m’opposerez qu’une reprise totale conduirait à augmenter la dette de la France. Et alors ? Il s’agit de soigner la France et ses hôpitaux ! Un tel argument vaut d’autant moins que l’argent n’a jamais été aussi peu cher qu’en ce moment, grâce aux prêts à taux d’intérêt négatifs.

Nous avions déjà souligné, en première lecture, les quelques bonnes mesures contenues dans le texte. L’indemnisation du congé de proche aidant en fait partie. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a d’ailleurs fortement contribué à mettre en avant cette mesure dans le débat public. Il s’agit d’une première avancée sociale pour des millions de personnes aidantes. Cependant, au regard du reste du texte, cela fait bien peu dans la balance !

Le budget de la sécurité sociale traduit le niveau des droits sociaux que la nation accorde à ses concitoyens pour faire face aux aléas de l’existence. Le projet de loi de financement pour 2020, s’il est voté en l’état, ne dérogera pas aux deux précédents : il affaiblira notre système de santé et consacrera votre renoncement à trouver des financements pour améliorer le quotidien des Français.

Alors que la colère sociale monte dans le pays à la veille de la mobilisation du 5 décembre, vous choisissez malheureusement de faire de notre modèle social la variable d’ajustement de votre politique en faveur des plus fortunés.

Madame la ministre, chers collègues de la majorité, nous vous invitons à revoir votre copie une bonne fois pour toutes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

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