Après les procès en irresponsabilité qui nous ont été intentés pour avoir refusé de voter le projet de loi de finances, voilà qu’il faudrait à tout prix voter un projet de loi, pourtant rejeté un an auparavant, au motif qu’il nous amènerait à rembourser plusieurs milliards d’euros de subventions à l’Union européenne au titre des plans nationaux de relance et de résilience. Il est vrai que depuis longtemps maintenant, face à l’Europe, vous avez fait le choix d’abdiquer en rase campagne, comme le montre la liquidation actuelle du service public du fret ferroviaire.
Cela n’a jamais été le projet des députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES qui, depuis Maastricht, se sont toujours opposés aux poussées néolibérales venant de Bruxelles. Le pire, c’est que vous vous êtes vous-mêmes mis dans cette impasse alors qu’il est clair que nous pourrions revenir sur ces règles et contraintes parce que notre pays est un grand pays dans l’Union européenne. Autant vous dire, messieurs les ministres, que ce type de pression ne saurait avoir un quelconque effet sur le vote des députés de notre groupe.
À première vue, c’est un attelage curieux rassemblant majorité présidentielle, droite républicaine et extrême droite qui a permis en commission l’adoption du texte. Est-il si étrange toutefois ? Lorsqu’il s’agit d’affaiblir la protection sociale, de détruire des services publics, de supprimer les impôts des plus aisés, l’alliance des droites est toujours de sortie car c’est bien de cela qu’il s’agit avec cette loi de programmation des finances publiques, loi budgétaire qui, malgré son caractère non contraignant, vise bien à compresser les dépenses publiques.
Permettez-moi de sourire devant le hiatus qui se fait jour. D’un côté, vous affirmez, comme cela a été le cas en commission, que ce projet de loi n’est pas contraignants, et l’autre, vous nous promettez que son rejet nous ferait subir la onzième plaie d’Égypte. La vérité, c’est que vous souhaitez corseter les projets de loi de finances à venir et enlever au Parlement la possibilité de faire des choix différents de ceux des canons libéraux.
On comprend mal, messieurs les ministres, pourquoi nos concitoyens n’expriment pas plus de gratitude devant des résultats que vous estimez toujours flamboyants. Il est vrai que vous oubliez que la pauvreté explose, que 40 % des familles modestes disent ne pas pouvoir faire trois repas par jour et que les étudiants font la queue devant les associations caritatives pour manger.
Jamais, je dis bien jamais, même au pic de l’austérité durant ce qu’on a appelé la crise des dettes souveraines, une si faible croissance en volume des dépenses publiques n’a été inscrite dans un texte. C’est donc bien de l’austérité que vous instaurez, austérité d’autant plus dure que les lois de programmation comprennent des dépenses contraintes. C’est le cas pour les dépenses consacrées à la police, à la justice, à la défense ou à la recherche, lesquelles représentent 40 % du périmètre total des dépenses. La Cour des comptes a d’ailleurs estimé ce supplément de dépenses déjà prévues entre 5 et 6 milliards d’euros.
Dans ces conditions, où donc irez-vous chercher les nouvelles économies pour atteindre vos objectifs ? Le ministre s’est déjà félicité d’avoir effectué des milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs et il s’apprête à le faire encore avec le projet de loi en discussion. Avec la réforme des retraites, on devrait approcher 10 milliards d’euros d’économies. Jusqu’où irez-vous dans la destruction de notre système de protection sociale ? L’hôpital public est d’ores et déjà aux abois. Les urgences ferment la nuit certains week-ends, et ce partout dans l’Hexagone et dans les outre-mer. Pourtant, la croissance de l’Ondam reste à peine au-dessus de l’inflation et ne permettra pas de répondre au défi du vieillissement et des besoins de santé.
Que dire aussi des collectivités territoriales que vous ne cessez de mépriser, comme vous l’avez montré par votre obstruction à notre proposition de loi organique visant à indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ? Nos collectivités sont assommées par l’envolée des prix de l’énergie. Heureusement, messieurs les ministres, le futur recours au 49.3 ne devrait pas conduire à réintégrer l’article 16 rejeté en commission, puisque vous avez dit que vous fonderiez sur le texte adopté par cette dernière.
La chasse aux économies à laquelle vous vous livrez ne conduira, vous le savez, qu’à poursuivre la destruction de nos services publics et de notre pacte social.
Pourtant, un autre chemin est possible : celui qui consiste à faire participer chaque contribuable à sa juste proportion, en vertu de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
J’ai remis hier, avec mon collègue Jean-Paul Mattei, un rapport d’information relatif à la fiscalité du patrimoine. Les solutions alternatives à votre politique mortifère existent : contribution des hauts revenus, hausse de l’imposition des revenus du capital, encadrement des dépenses fiscales. Oui, messieurs les ministres, il faut changer l’architecture fiscale pour retrouver de la progressivité et de la justice.
Enfin, comment terminer sans évoquer la blessure démocratique que constitue le 49.3 sur ce premier texte ? Débuter ainsi la session est irresponsable et augure mal de la véracité du respect du Parlement et de la démocratie. Bien entendu, nous voterons contre ce projet de loi si nous en avons l’occasion, ce dont je doute. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)