Interventions

Budget de l’État

PLFR pour 2019

Vous nous présentez ce soir un projet de loi de finances rectificative qui n’est assorti d’aucune nouvelle mesure fiscale, gage selon vous d’une « gestion saine basée sur des hypothèses sincères ». Nous pourrions gloser à l’envi sur la sincérité des dites hypothèses et sur le décrochage entre la projection initiale, celle d’une croissance à 1,7 % et le chiffre désormais retenu, mais peu probable, de 1,4 %. Nous pourrions dénoncer le fait que la France ne respectera pas cette année la sacro-sainte règle des 3 % de déficit au sens de Maastricht.

Aucun de ces sujets n’intéresse cependant nos concitoyens, pour la majorité desquels votre autosatisfaction n’est pas de mise. Du reste, chacun peut constater que les maigres embellies économiques auxquelles vous faites allusion ne doivent rien à votre politique et tout à des éléments de conjoncture tels que la baisse des prix du pétrole ou le très faible niveau des taux d’intérêts, qui aident grandement votre gouvernement à tenir le cap budgétaire qu’il s’est fixé.

Votre gestion comptable des deniers publics tourne à vide et n’a d’autre ambition que d’atteindre des équilibres toujours plus précaires. Le jour même où vous déposiez ce PLFR sans relief, le Secours catholique publiait de son côté son rapport 2019 qui dresse un portrait frappant de la pauvreté en France. En 2018, les 66 000 bénévoles de cette association ont ainsi accueilli 1 347 000 personnes, dont 631 000 enfants. Ces chiffres corroborent ceux de l’INSEE qui, à la mi-octobre, observait une hausse de 0,2 point du taux de pauvreté entre 2017 et 2018 : pas moins de 9 millions de Français vivent désormais sous le seuil de pauvreté. De même, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités, a connu sa plus forte progression depuis 2010.

Quelles actions concluantes avez-vous conduites pour réduire le taux de pauvreté et les inégalités ? Aucune. Vous avez au contraire joué depuis le début la carte du « ruissellement vers le haut » et de la concentration des richesses plutôt que de leur juste redistribution. Tandis que les pauvres s’appauvrissent, les riches s’enrichissent.

Le bilan de l’année 2018 dressé par le cabinet de conseil Proxinvest est sans appel. Il révèle en effet que les patrons du CAC 40 ont vu leur salaire augmenter de 12,4 %, leur permettant de toucher en moyenne l’équivalent de 277 SMIC. Un triste record.

Les quelques mesures annoncées à l’issue du mouvement des gilets jaunes n’y changent évidemment rien. Notre pays s’enfonce toujours plus dans le marasme sur fond de délitement de la solidarité, d’abandon des services publics, d’absence d’ambition industrielle.

Le changement de paradigme qu’impose la crise sanitaire, sociale et environnementale n’est toujours pas au rendez-vous. Avec une obstination dangereuse, vous vous refusez à rebattre les cartes de la politique européenne et à imposer à nos partenaires de sortir les dépenses de santé du calcul du déficit, de débattre du rôle que peut jouer la Banque centrale européenne dans le financement de la transition écologique, de réorienter la politique agricole commune ou de favoriser les indispensables mutations industrielles – pour ne citer que quelques exemples.

Dans ces circonstances, l’exercice que vous nous proposez apparaît à la fois inconsistant et vide de sens. En raison de l’incroyable décalage qu’il représente une fois encore par rapport aux attentes du pays, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

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