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Budget de l’État

PLF pour 2026

La France est un pays riche. La France est un grand pays, un beau pays qui a porté et continue de porter les valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) La France n’est jamais si grande que lorsqu’elle ouvre des voies nouvelles, comme ce fut le cas en 1789 ou avec le programme du Conseil national de la Résistance au sortir de la guerre. (Mêmes mouvements.)
Dans ce monde où les guerres et l’impérialisme sont brutalement de retour, où s’accélèrent le dérèglement climatique et l’extinction de la biodiversité, où les replis nationalistes se conjuguent avec les intérêts d’une petite caste de financiers, dans ce monde-là, notre pays doit proposer un chemin différent de celui qui a échoué et qui fracture notre pays.
Or le PLF pour 2026 est un parangon non de vertu mais de continuité médiocre des précédents exercices, incapable de répondre aux besoins sociaux et humains les plus essentiels. Quelques exemples : vous continuez de détruire notre diplomatie alors que la France devrait œuvrer pour la paix, vous diminuez les moyens d’émancipation en rabotant les crédits de l’éducation, de la culture, de l’enseignement supérieur et du secteur associatif, vous rognez sur l’avenir en comprimant les soutiens à la bifurcation écologique et aux collectivités locales, vous abandonnez nos territoires ultramarins dans une dépendance qui rappelle les plus belles heures de la domination coloniale. Et que dire de la santé ? C’est un drame à territoire ouvert, avec des hôpitaux –⁠ y compris des centres hospitaliers universitaires (CHU) – qui n’arrivent plus à recruter et des départements où l’absence de régulation de la médecine de ville sonne désormais comme une faute politique qui finira devant les tribunaux, parce que nos concitoyens vont ester en justice pour inaction politique.
Le PLF et le PLFSS pour 2026 comportent des reculs terribles. Vous faites les poches aux classes modestes et moyennes –⁠ retraités, étudiants, apprentis, travailleurs, allocataires des minima sociaux et même personnes handicapées –, adoptant une posture où, au bout du compte, l’irresponsabilité le dispute au dogmatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre dogmatisme, partagé avec l’extrême droite, est celui d’une caste qui se veut intouchable, quitte à agiter les peurs les plus malsaines. La peur comme mode de gouvernance n’est pas une idée neuve mais vous l’utilisez sans vergogne, bien aidés par vos amis des agences de notation.
« Rendez-vous compte, nous a dit un ancien premier ministre, chaque seconde, la dette s’accroît de 5 000 euros ». Il a raison : c’est un problème. Le problème, cependant, ne tient pas au montant mais à une simple question : à quoi et à qui sert la dette ? Elle sert aujourd’hui à financer des baisses d’impôts pour les plus riches et à engraisser ces derniers grâce aux intérêts de la dette. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) C’est du gagnant-gagnant pour ces vrais assistés ! Pourtant, quelque chose monte des tréfonds du pays : l’exigence de justice fiscale, qui veut que chacun paie sa juste part. Or, nous le savons tous –⁠ c’est largement documenté –, alors que 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, les patrimoines des ultrariches ont plus que doublé en six ans.
Je me permets une petite citation : « Il est vrai que […] nous constatons, notamment lors des contrôles fiscaux, qu’un certain nombre de contribuables, au patrimoine réel très élevé, affichent des revenus fiscaux de référence qui les rendent, pour certains d’entre eux, éligibles au RSA ou au logement social. » Ce n’est pas Gabriel Zucman qui a dit cela le 12 juin dernier : c’est bien vous, madame la ministre, devant le Sénat. (Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics, acquiesce d’un signe de tête.) Oui, les plus fortunés savent échapper à l’impôt, savent masquer leurs revenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) Ça suffit ! La taxe sur les holdings n’est même pas un pis-aller de la taxe Zucman. Monsieur le premier ministre, vous avez perdu la bataille culturelle, comme dirait Gramsci. Ne fracturez pas plus le pays en refusant l’évidence : acceptez l’impôt plancher pour les personnes possédant plus de 100 millions d’euros. (Mêmes mouvements.)
D’autres débats auront lieu durant cette semaine ; je pense à la niche Dutreil, véritable outil dévoyé qui permet à des fortunes financières de se cacher derrière le boulanger ou la PME pour faire de l’optimisation fiscale agressive. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Redonnons à ce dispositif sa fonction essentielle, qui est de permettre aux artisans, aux commerçants, aux PME, une transmission facilitée dans un cadre familial, au lieu d’être un outil d’optimisation.
Je pense également aux 211 milliards d’aides aux entreprises, documentés par le rapport sénatorial de mon ami Fabien Gay. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ce dernier met en exergue l’impérieuse nécessité de mettre fin aux abus de certaines exonérations de cotisations sociales patronales, qui bénéficient d’abord aux multinationales, ou de la niche du crédit d’impôt recherche.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’engagent dans cette discussion budgétaire avec l’optimisme de la volonté, mais aussi, malheureusement, avec le pessimisme de la raison, devant votre obstination à faire que tout change pour que rien ne change. « Ce n’est pas le doute mais la certitude qui rend fou », disait Nietzsche. Pour conclure, je veux livrer à la sagacité de tous nos collègues, mais surtout de ceux qui siègent à gauche de notre hémicycle, les mots prononcés par Marceau Pivert au printemps 1936 : « Les masses ne se contenteront pas d’une modeste tasse de guimauve portée à pas feutrés au chevet de la mère malade ». Je vous souhaite une bonne explication de cette citation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)
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