Interventions

Budget de l’État

PLF pour 2023 : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

L’activisme agricole dont fait preuve la majorité depuis plus de cinq ans ne saurait cacher la faiblesse de ses résultats. Ce n’est malheureusement pas ce budget en trompe-l’œil qui inversera le cours des choses : l’augmentation des crédits y est certes significative, mais elle tient essentiellement aux engagements pris en matière d’assurance agricole, dans un système qui – vous en conviendrez vite – ne garantira pas la pérennité de l’ensemble des exploitations face aux aléas climatiques, et encore moins face à l’ensemble des risques environnementaux et sanitaires. Un véritable régime public d’assurance, de gestion et de prévention des risques reste à bâtir.

Si cette augmentation du budget est bienvenue après des années de disette, elle ne suffira pas à inverser la pente dangereuse sur laquelle vous avez engagé l’agriculture française, faute d’avoir engagé ces dernières années les réorientations structurelles indispensables au renouvellement de nos capacités productives.

Dans les domaines les plus déterminants, votre libéralisme assumé bloque tout changement en profondeur. Il ne suffit pas de se draper dans les oripeaux de la souveraineté alimentaire à Paris pour combattre les méfaits du libre-échange à Genève, où siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ou pour affronter les « serial dealers » bruxellois à Wellington ou à Canberra. Je pense en particulier aux éleveurs ovins et bovins dont l’activité repose sur l’herbe, comme dans le Massif central.

N’y a-t-il pas une énorme hypocrisie à vouloir empêcher la décapitalisation accélérée des cheptels, tout en les soumettant à une concurrence déloyale toujours plus forte ? Notre débat budgétaire se doit d’aborder le cadre général qui détermine les grandes évolutions de l’agriculture française et européenne pour les années à venir. Mais c’est sans doute à l’insu de votre plein gré que vous continuez à accompagner la mise en concurrence de nos productions… Les accords de libre-échange s’enchaînent, sans ratification par les parlements nationaux. Le premier acte politique doit être de sortir le secteur agricole des accords de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

Le deuxième acte doit consister à adopter une politique de protection stricte de nos productions, au regard de leur qualité et du caractère vertueux de leurs conditions d’élaboration.

Pour cela, il faut imposer un cadre européen sur les principes de réciprocité et d’égalité des normes. Nous en sommes très loin, et je regrette que les efforts engagés par la présidence française de l’Union concernant les clauses miroirs soient en passe d’être rangées dans les tiroirs par la Commission, qui continue de se réfugier derrière le droit commercial de l’OMC. (M. Dominique Potier applaudit.)

Ma deuxième inquiétude tient à l’inefficacité des outils d’intervention en matière de fixation des prix.

Manifestement, les avancées contractuelles permises par les lois Egalim 1 et Egalim 2 – la loi de 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et celle de 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs – ne suffisent pas à régler la question du partage de la valeur ajoutée. Je l’ai souvent dit : seule une remise en cause profonde des rapports de force dans la chaîne de valeur peut véritablement changer la donne. Pour cela, il faut que l’État et les premiers concernés – c’est-à-dire les agriculteurs eux-mêmes – interviennent directement dans la formation des prix et des marges.

L’exemple de la filière laitière est particulièrement instructif, puisque la France est le pays européen où les prix d’achat sont les plus bas : fin août, la tonne de lait s’y vendait entre 430 et 450 euros, contre 520 euros dans l’Union européenne. Si l’on ne couvre pas les coûts de production, la flambée des prix de l’énergie, des intrants et de la ration alimentaire accélérera encore le déménagement laitier du territoire. Il faut encadrer strictement le prix du lait par une régulation continue, car le recul du cheptel laitier occasionne toujours une jungle des prix.

Mon collègue Sébastien Jumel me faisait observer combien le prix du lait dans le pays de Bray était à géométrie variable, au bon vouloir des transformateurs, avec des disparités qui plombent certains élevages.

Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les enjeux majeurs de formation et d’installation mais le temps manque. Aussi, je conclurai en déplorant la nouvelle attaque que vous opérez contre le budget consacré à la forêt. Après un été dramatique, comment accepter la suppression de quatre-vingt-quinze ETP dans un ONF déjà exsangue et au bord de l’asphyxie ? En matière de gestion forestière publique, tous les voyants sont au rouge, mais on continue de regarder ailleurs. Sans un changement de direction – que je pourrais presque qualifier de tectonique – venant renforcer les moyens de l’ONF, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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