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Budget de l’État

PLF pour 2022 - Economie

Par pragmatisme, nous ne peignons jamais la girafe en noir. Par conséquent, dans mon rapport pour avis sur les crédits de l’industrie, j’ai souligné quelques avancées, comme le maintien des dotations allouées à la surveillance du marché et en faveur de certains centres techniques industriels, ainsi qu’aux PME et aux métiers du patrimoine. Mais, globalement, le rapport que j’ai l’honneur de vous présenter me conduit à émettre, à titre personnel, un avis défavorable pour plusieurs raisons.

Sur la forme, d’abord : le 12 octobre dernier, le Président de la République nous a présenté, sans débat et sans consultation aucune, son plan personnel pour l’industrie du futur, baptisé France 2030. Et ce n’est qu’aujourd’hui, près d’un mois après son annonce, que le Parlement va pouvoir discuter de ce plan, dont une partie, environ 3,5 milliards – excusez du peu –, est présentée par voie d’amendement, méprisant une fois de plus le Parlement. Si nous connaissions déjà l’appétit du Président de la République pour un mode de gouvernance solitaire – le mot est faible –, nous découvrons maintenant qu’il s’est transformé en capitaine d’industrie, saupoudrant çà et là, à la faveur d’une campagne électorale, de l’argent public, sans véritable stratégie, à l’aveuglette et à quelques mois d’une échéance importante.

Le manque d’ambition pour l’industrie n’est pas nouveau, mais le plan France 2030 marque un nouveau pas dans l’incapacité du Gouvernement à incarner l’État stratège. Quelle stratégie au-delà des cinq ans de France 2030 ? Quel pilotage du plan ? Quel contrôle des nouveaux crédits, alors qu’aucun bilan n’a été tiré des précédents plans ? Quelles contreparties et quelles déclinaisons territoriales ? Rien n’est indiqué à ce sujet. Pourtant, il y a beaucoup à faire pour l’industrie.

En travaillant à ce rapport pour avis, j’ai souligné que notre production industrielle avait été directement exposée à ses propres faiblesses durant la crise sanitaire. En quarante ans, l’industrie a perdu la moitié de ses emplois, soit 2,2 millions, et 10 points de PIB, très loin derrière de nombreux concurrents européens. Alors que notre souveraineté est menacée sur un grand nombre d’enjeux industriels, comme nous pouvons le mesurer avec la flambée des prix des semi-conducteurs depuis quelques mois et les difficultés d’approvisionnement, le plan de relance et les crédits dédiés à l’industrie, parfois utiles et salvateurs, n’ont en général servi qu’à parer l’urgence, sans dessiner un horizon ambitieux pour notre industrie. Alors que le changement climatique est à nos portes, pourquoi ne pas avoir engagé notre industrie dans la direction de deux objectifs fondamentaux : d’une part, la décarbonation des filières et, d’autre part, le redéveloppement de véritables filières industrielles intérieures autour d’une économie de la fonctionnalité et de la répétabilité ?

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a préféré à la construction d’un nouvel État stratège et d’une stratégie industrielle pour les territoires une politique de baisse de la fiscalité et d’amélioration de la compétitivité-coût des entreprises françaises, dont il attend d’hypothétiques conséquences favorables pour notre pays, son économie et ses emplois – c’est ce qui motive mon avis défavorable. Tout cela pèse lourd sur les capacités d’action de l’État et sur les moyens dont disposent les collectivités locales, au chevet de notre industrie.

Force est de constater que cette politique de cadeaux fiscaux n’a pas eu les résultats escomptés et a coûté à nos comptes sociaux et à nos savoir-faire. Bien souvent, elle n’a été assortie d’aucune condition environnementale ou sociale – des questions pourtant centrales.

L’exemple le plus cinglant de votre absence de vision stratégique et contractuelle, qui a été au cœur de la rédaction de mon rapport pour avis, est celui du secteur automobile. La filière automobile est toujours un acteur de poids de notre économie, mais elle a perdu 120 000 emplois en quinze ans et ne représentait plus que 6,7 % de la production automobile européenne en 2016, contre 13,7 % en 2000. Elle doit faire face au bouleversement du remplacement de la motorisation thermique par l’électrique. Lors des auditions, nous avons indiqué que 96 bassins d’emplois et 450 sites seront affectés par celui-ci ; selon une estimation basse, 66 000 emplois sont menacés. Madame la ministre déléguée, comment envisagez-vous d’accompagner cette mutation industrielle majeure dans les bassins d’emploi concernés ?

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