Interventions

Budget de l’État

PLF pour 2022 - Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Je dois vous présenter le bilan de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation , qui finance les actions de réparation et de solidarité en faveur du monde combattant, de maintien du lien entre l’armée et la nation et de l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.
La nouvelle maquette de la mission et la fusion de ses deux principaux programmes soulèvent cependant des interrogations. Je regrette, pour commencer, que cette intégration ait été réalisée sans concertation ni avec le Parlement ni avec les associations, et sans autre justification que celle de la simplification administrative.

L’inclusion de toutes les politiques au sein d’un programme unique nuit à leur lisibilité et suscite des inquiétudes dont je veux me faire le relais. Le mécanisme de fongibilité des programmes au bon vouloir du responsable de programme entraîne le risque d’une dégradation de la politique de réparation, chère aux anciens combattants, et prive le Parlement de la possibilité d’imposer ses choix politiques en faveur de l’une ou de l’autre des politiques du programme.

Je m’étonne que Mme la ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants refuse de considérer le regroupement des programmes comme une question sérieuse : sa position est quelque peu contradictoire avec la perception qu’en ont les principaux intéressés. Je proposerai donc un amendement rétablissant une maquette à trois programmes, sans toutefois reprendre la maquette précédente.
Malgré cet aveuglement, je tiens tout de même à reconnaître le travail effectué depuis le début du quinquennat : hausse des pensions aux conjoints de grands invalides ; extension de la demi-part fiscale à un plus grand nombre de conjoints survivants, grâce à un amendement que j’ai déposé ; extension du bénéfice de la carte du combattant ; et enfin, au cœur de ce budget, le rattrapage de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI). Cette hausse, qui n’est qu’un rattrapage de la perte de pouvoir d’achat de la valeur du point au cours de la période 2018-2021, paraît bien dérisoire sur l’année. Pour la PMI, elle représente 175 euros par an ; pour les titulaires de la retraite du combattant, 18,20 euros par an, soit 1,50 euro par mois.

Quelle générosité ! Malgré ce rattrapage, il était pourtant possible d’envisager une véritable revalorisation : la nouvelle baisse de 5,6 % des fonds dédiés à l’administration de cette dette viagère, due à l’érosion du nombre de bénéficiaires, le permettait aisément. Cette situation est conforme à la trajectoire que nous retrouvons annuellement pour la plupart des actions de la mission.

Je souhaite que l’Assemblée se saisisse pleinement de la question de la réduction continue des crédits et je propose une règle simple, qui me paraît pouvoir être acceptée sur tous les bancs : 50 % des économies dues à la baisse tendancielle du nombre de ressortissants devront désormais être utilisées à destination de prestations financées par la mission. Une telle mesure permettrait d’ailleurs d’engager une réflexion sur les actions à destination des anciens combattants d’OPEX, qui n’ont pas les mêmes besoins.

Plus globalement, se pose la question de l’évolution du profil des bénéficiaires de ces politiques. Un rapport intéressant concernant l’évolution de la population future des ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) vous a été récemment rendu, madame la ministre déléguée. Ma demande de transmission est, à ce jour, restée lettre morte.

Les actions relevant de l’ancien programme 167 Liens entre la nation et son armée enregistrent, quant à elles, une augmentation bienvenue. Je salue la montée en charge de dispositifs qui ont prouvé leur efficacité. Le service militaire volontaire voit ainsi sa cible de nouveau relevée et l’ouverture de ce dispositif à des régions jusque-là non couvertes est appréciable. Le renfort des crédits à destination de la journée défense et citoyenneté (JDC) et du plan Ambition armées-jeunesse s’inscrit aussi dans cette démarche. Je regrette toutefois que la reprise en présentiel des JDC, sous le format classique d’une journée, ne soit pas envisagée avant septembre 2022.

L’année 2022 devant être celle du retour à la normale, la politique de mémoire connaît une légère hausse de ses crédits, qui financeront la reprise des commémorations en présentiel, la poursuite de différentes initiatives pédagogiques, mais également la valorisation et l’entretien des lieux de mémoire.
L’action en faveur des rapatriés voit également ses crédits rehaussés pour assurer la prise en charge de nouvelles demandes. Par ailleurs, ce volet social se verra renforcé d’un volet de reconnaissance et de réparation à travers un amendement déposé par le Gouvernement. Je ne peux que me féliciter de ce progrès, même si je m’interroge sur le calendrier de la réforme.

En conclusion, malgré certains gages, le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation traduit une régression des droits du Parlement et des anciens combattants du fait de la nouvelle économie réalisée grâce à la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations et de la fusion des programmes.

J’émets en conséquence un avis défavorable à l’adoption de ce budget et je proposerai de lui apporter des correctifs par amendements. Je précise néanmoins que la commission des finances n’a pas suivi mon avis et qu’elle a adopté les crédits de la mission.

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques