Interventions

Budget de l’État

PLF pour 2022 - Agriculture

Il existe parfois quelques éclaircies. Après cinq années d’une politique qui a fait défaut pour défendre une agriculture et une alimentation souveraines ou encore pour protéger la rémunération de nos producteurs avec l’échec, notamment, de la loi EGALIM 1, et la promesse de la loi EGALIM 2, une bonne nouvelle, que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) a obtenu de haute lutte, marquera enfin l’année 2022 : l’augmentation des petites pensions de retraite et ce, depuis le 1er novembre 2021. La retraite de 210 000 anciens exploitants, très souvent inférieure au seuil de pauvreté, va ainsi augmenter d’environ 100 euros – ce n’est pas rien. Il s’agit d’une mesure de dignité, je le dis devant M. Chassaigne, président de notre groupe, dans un océan de politiques de reculs et de manque d’ambition.

Alors, on a un ministre sympa, (M. le ministre sourit) à l’écoute et respectueux du Parlement – ce qui est suffisamment rare pour être souligné –, intelligent, connaissant les dossiers ; c’est bien. Néanmoins, l’ambition du budget pour 2022 n’est pas sur le tracteur, mais à la remorque, (Sourires) dans le tombereau avec la future PAC. L’agriculture manque toujours d’une véritable stratégie pour garantir à nouveau notre souveraineté alimentaire, enjeu que la crise sanitaire a révélé comme essentiel. La nouvelle PAC et ses écorégimes sans sel, sans saveur et sans volonté ne changeront pas grand-chose à un modèle qui ne permet pas le renouvellement des générations, ni le maintien des fermes à taille humaine, ni la préservation de l’élevage laitier – en déclin dans nos campagnes. Je pense évidemment à mon pays de Bray, où la concentration des exploitations XXL ne tient pas compte du critère des emplois agricoles et conforte les inégalités puisque 80 % des fonds de l’Union européenne ne vont qu’à 20 % de bénéficiaires.

C’est également un budget à trous, qui fait l’impasse sur certains besoins essentiels. Où est passé le chèque alimentaire annoncé en 2020 par le Président de la République ? Il est reporté à 2022, alors que la crise a fait exploser la pauvreté et que le Secours catholique estime que 8 millions de personnes ont besoin de cette aide.

Le budget de l’agriculture n’est pas à la hauteur non plus pour la pêche, percutée par le Brexit et dont nos licences sont suspendues au bon vouloir des autorités britanniques qui peuvent se dire : « Macron, même pas peur. » Un peu comme les gamins qui ont fait une connerie, auxquels on dit « Attention ! Attention ! Attention ! » et pour lesquels il ne se passe jamais rien. J’entends nos collègues de droite converser et le collègue rapporteur est bavard. Madame la présidente, je ne m’entends pas parler.

Pardonnez-moi, en raison de mon petit esprit, je n’arrive pas à faire plusieurs choses à la fois. Je disais, chers collègues – en plus, cela vous intéressera (M. Thierry Benoit rit) –, que la pêche est fragilisée par le Brexit et que la question des artisans, affaiblis par la surpêche des navires à capitaux européens qui siphonnent nos droits de pêche, reste d’une profonde actualité. Où sont les moyens humains pour contrôler systématiquement, dans nos ports, la débarque de ces chalutiers XXL dont la pêche, sitôt sur le quai, file en camion dans la nuit vers les Pays-Bas ? Où sont les moyens humains renforcés au service d’une ambition maritime retrouvée ? J’ai bien peur que le pédalo du précédent quinquennat n’ait pas largué les amarres de l’Élysée.

Que dire par ailleurs de notre enseignement public agricole dont le détricotage se poursuit depuis le début de cette législature ? Un récent rapport du Sénat a pointé le caractère essentiel de cet enseignement afin de garantir à la fois le renouvellement des générations et le développement de certaines filières plus fragiles. Depuis 2019, la fauche à la serpe de nombreux emplois a placé certains établissements dans la situation de ne plus pouvoir remplir des missions qui leur sont dévolues. En trois ans, vous avez coupé, fané 190 équivalents temps plein (ETP) dans les lycées agricoles : cinquante en 2019, soixante en 2020, quatre-vingts en 2021. Vous avez donc considérablement affaibli l’enseignement public agricole : les moyens manquent pour engager un effort indispensable de renouvellement des générations, même si j’ai noté la volonté d’inverser un peu la tendance dans le budget pour 2022.

Depuis cinq ans, la forêt connaît le même destin. Si tout le monde connaît et reconnaît le rôle de l’ONF dans la gestion durable de la forêt française, indispensable pour nous préserver des conséquences du réchauffement climatique, la privatisation rampante de l’Office continue. Depuis sa création en 1964, il a perdu 6 000 agents. Le Gouvernement n’a cessé d’affaiblir cet établissement qui gère notre bien commun et qui, si on n’inverse pas la tendance, risque d’être réduit au rôle d’agence à produire des planches pour les palettes, à moins que ce ne soit pour son propre cercueil. En 2021, suppression de 95 équivalents temps plein ; en 2022, rebelote, vous poursuivez les coupes à blanc dans les effectifs au même rythme, avec la suppression, de nouveau, de 95 ETP. C’est un scandale ! (Mme la présidente fait signe à l’orateur qu’il a épuisé son temps de parole.)

Je termine, madame la présidente. En fait, j’ai additionné les trente-sept secondes qui m’ont été amputées. (M. le ministre rit.)

Le sort réservé à l’ONF est, disais-je, un véritable scandale : le passage d’Emmanuel Macron ressemble à un paysage de forêts après la tempête du siècle. (M. André Chassaigne applaudit.)

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