Depuis le mois de mars, les collectivités locales sont en première ligne dans cette crise sanitaire sans précédent : elles sont au four et au moulin pour prendre soin des habitants, aider l’État dans l’application des mesures de lutte contre la pandémie, fournir des masques quand ils manquent, accompagner sur le terrain l’hôpital et les soignants, appuyer le déploiement des campagnes de tests, assurer la tenue des marchés, imaginer des solutions pour poursuivre l’école, maintenir la prise en charge des enfants en accueil périscolaire et dans les crèches, quand les décisions prises au sommet de l’État sur l’activité économique pèchent. C’est vers elles, vers les maires, que les petits commerçants et artisans se tournent quand ils sont priés de fermer boutique bien qu’ils aient pris toutes les mesures de précaution sanitaire nécessaires à l’accueil de leurs clients ; ce sont leurs services publics de proximité qui demeurent souvent le seul ancrage de la République pour tous et partout, qui répondent aux besoins quotidiens des habitants.
Ce sont les petites mains des CCAS et des services départementaux du RSA qui font vivre la solidarité pendant que la pauvreté explose en France.
La plus belle preuve du service rendu à la nation par les collectivités locales, par les communes, au cœur de cette crise, est venue des proclamations descendues du sommet de l’État sur le caractère indispensable du couple maire-préfet. Soudain, la main sur le cœur, dans une sorte de remake de Bourgtheroulde au moment de la crise des ronds-points, le pouvoir exécutif s’est souvenu des maires – délaissés, négligés, peu considérés –, affirmant au journal de 20 heures leur caractère indispensable et soulignant l’impérieux besoin de l’échelon de proximité, celui de la commune et de ses édiles, pour affronter la pandémie, pour confiner, pour prendre les décisions sanitaires les plus adaptées.
L’État a donc redécouvert cette année que la République marchait sur deux jambes : la sienne et celle des collectivités. On pouvait s’attendre, dans ces conditions, à ce que le budget pour 2021 tire d’une année 2020 unique et éprouvante la leçon simple mais cardinale qu’il était indispensable de fortifier cette deuxième jambe, fr lui donner les moyens de continuer à avancer. Las, les collectivités vont renouer l’année prochaine avec une forme d’État ingrat qui demande beaucoup, aide un peu et contrôle à l’excès – voire entrave – les mouvements de cette jambe indispensable, en bridant son autonomie.
Après l’échec aux élections municipales d’abord, aux sénatoriales ensuite, le Gouvernement aurait pu s’interroger sur sa relation difficile avec la France de la proximité, sur ce maillon de la démocratie qu’incarnent les collectivités. À la place, c’est leur mise sous tutelle qui se poursuit, l’étouffement progressif de leur autonomie financière. Après la suppression de la taxe d’habitation, y compris pour les plus riches, vous revenez à la charge cette année.
La facture s’allonge pour promouvoir votre politique fiscale de l’offre : 10 milliards par an de recettes économiques locales en moins avec des dégrèvements sur les impôts dits de production, la CVAE et la CFE. Et vous faites payer une nouvelle fois aux collectivités locales ces choix un peu unilatéraux. La facture s’allonge aussi des mesures contre leur autonomie : centralisation des 2,3 milliards de recettes de la taxe locale sur la consommation finale d’électricité, non-compensation intégrale, comme l’excellent rapport Cazeneuve l’a démontré, des 5 milliards de pertes de recettes pour les collectivités face à la crise.
La facture s’allonge avec la crise sanitaire, et pourtant l’État ne compensera pas la totalité des pertes : rien sur les pertes tarifaires, alors que des centaines de communes ont vu fermer les casinos – j’en ai trois chez moi –, les campings municipaux – j’en ai de nombreux – et les piscines, notamment celles gérées par délégation de service public. Rien non plus pour compenser les pertes de pouvoir d’achat. La facture s’allonge et rien n’est prévu pour reconduire le filet de sécurité des finances locales : 250 millions d’euros seulement, alors que les pertes de 2020 n’ont pas toutes été épongées et que la crise continuera à faire mal aux budgets locaux en 2021.
Non contents de vous attaquer à l’autonomie fiscale, vous ne dites pas – le rapporteur spécial l’a souligné – toute la vérité sur les concours de l’État : avec une nouvelle légère baisse de 90 millions d’euros, la DGF reste gelée à son niveau de 2013 et n’intègre ni les effets négatifs de l’inflation ni ceux de l’augmentation de la population. En 2020 déjà, 14 200 communes avaient vu leur DGF baisser de plus de 1 %, dont 6 500 de plus de 5 %. Je dois souligner notre satisfaction devant le dopage de la DSIL et de la DETR, même si les inscriptions budgétaires devront le confirmer ; mais globalement nous assistons à une baisse des moyens. L’investissement des collectivités pourrait reculer de 5,8 % en 2020 et en 2021, la contractualisation des dépenses sera au rendez-vous, préfigurant le retour à l’austérité.
C’est un budget de combat qui aurait été nécessaire pour donner les moyens aux communes et aux autres collectivités de jouer leur rôle, celui de prendre soin, celui de mettre en œuvre la solidarité, la justice sociale et la transition écologique. Il aurait fallu construire une péréquation qui assure la présence des services publics et de la République partout et pour tous. Voilà l’avis du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur le budget que vous nous présentez.