La première partie de mon intervention sera consacrée aux sujets que devait aborder Manuéla Kéclard-Mondésir, porte-parole du groupe GDR sur ce budget, retenue en Martinique. Elle souhaitait exprimer, à titre personnel, une intention de vote favorable, en se félicitant de la nouvelle hausse, de 4,5 %, du budget du ministère des armées, porté à 39,2 milliards d’euros, montant qui respecte la trajectoire de la loi de programmation militaire 2019-2025. Dans le cadre de la mission qu’elle a conduite avec Jean-Michel Jacques sur le continuum entre sécurité et développement, elle a constaté sur le terrain, au Sahel, l’importance de l’attente de nos soldats, comme des ONG, et de nos alliés et partenaires, quant à la mission et au rôle de la France à l’étranger. Elle tenait à souligner que ce budget répond à un double constat : celui d’un monde de plus en plus dangereux, où nos soldats sont partout engagés, et celui de l’état où se trouvaient nos armées en 2017.
Elle souhaitait aborder aussi la double exigence que nous devons avoir, de maintenir notre souveraineté et notre indépendance : les événements en Turquie nous la rappellent, comme les tergiversations de l’Union européenne et le désengagement des États-Unis. La Turquie est menaçante, elle dispose d’une armée conséquente et forte. Aussi, bien qu’elle fasse partie de l’OTAN, il ne faut pas baisser la garde. Je partage l’appréciation positive de ma collègue sur le choix de notre solidarité méditerranéenne et européenne avec la Grèce.
Manuéla Kéclard-Mondésir souhaitait aussi insister sur l’importance, dans le contexte actuel, de disposer d’une industrie de défense dynamique et nationale. Les industriels de la défense se sont plaints, rappelle-t-elle, d’être les oubliés du plan de relance, et ils demandent plus de coordination avec le secteur des industries de la défense. Notre industrie de défense est, de plus, confrontée aux réticences croissantes du système bancaire et financier français à accompagner le secteur de la défense, notamment les entreprises qui proposent des solutions de sécurité numérique ou physiques.
M. Didier Le Gac. C’est vrai !
M. André Chassaigne. Les start-up sont les premières cibles, du fait de leurs besoins de financement pour un développement rapide. Quant aux PME, dont certaines sont présentes dans le domaine de la défense depuis plusieurs dizaines d’années, elles sont désormais aussi dans la ligne de mire de ces réticences. C’est là une menace pour la pérennité de l’industrie de défense et de sécurité, avec le risque d’une perte de souveraineté et d’autonomie stratégique.
Je porterai, en ce qui me concerne, l’expression du vote défavorable des députés communistes, en ne reprenant que quelques-uns des points qui le justifient.
Le premier, c’est le maintien de la France dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord, alliance dépassée par l’histoire et, selon les mots du Président de la République, « en état de mort cérébrale ». Au-delà de l’alignement sur la domination américaine et ses intérêts industriels et commerciaux, la dépense est conséquente, notamment parce que nous assurons, pour le compte de l’OTAN, une partie de la permanence aérienne dans les pays baltes, et que nous mettons à disposition de l’Alliance 400 personnels français.
Un autre sujet de divergence est le manque de vigilance à l’encontre des entreprises du secteur de la défense qui n’exercent pas la diligence requise en matière de droits humains, telle qu’elle est définie par le principe directeur des Nations unies relatif aux entreprises et aux droits de l’homme. C’est le cas d’entreprises françaises qui fournissent des équipements et services militaires à la coalition menée par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, au cœur du conflit en cours au Yémen : avions de combat et de surveillance, moteurs d’avion, systèmes de guidage et de largage de bombes.
Dans ce débat budgétaire, je défendrai deux amendements de notre groupe, l’un sur l’insuffisance des crédits apportés aux petits équipements de nos soldats, l’autre sur l’insuffisance des moyens alloués au service de santé de nos armées. Je proposerai d’en augmenter les crédits en limitant le budget de la modernisation de la dissuasion nucléaire : ce serait là un signe fort de la volonté de notre pays d’avancer vers l’abolition des armes nucléaires et radioactives, volonté déjà affirmée par une cinquantaine de parlementaires français de diverses sensibilités qui ont signé une proposition de loi visant à organiser un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives.
Concernant le budget dédié aux anciens combattants, je renverrai à l’analyse et aux réserves du rapporteur spécial de la commission des finances, mon collègue Jean-Paul Dufrègne ; elles nous conduisent à émettre un vote défavorable. Les crédits supprimés auraient permis une amélioration attendue de la condition de vie des anciens combattants. Nous regrettons ce rendez-vous manqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LT.)