Interventions

Budget de l’État

PLF pour 2021 - Action extérieure de l’Etat

Le budget de la mission « Action extérieure de l’État » est enfin en augmentation. Il était temps. Ce ministère est depuis vingt ans la victime d’une austérité aveugle qui lui a fait perdre des moyens matériels considérables et près de la moitié de ses effectifs. Peu de ministères ont été de si bons élèves de Bercy, ce qui est parfaitement regrettable !

Les 13 500 agents du Quai d’Orsay étant sous tension, les quatre-vingt-dix recrutements sont évidemment positifs. Mais ils ne changent rien aux préoccupations que nous avions exprimées l’an dernier à propos d’une administration « à l’os », pour reprendre une expression que vous-même avez employée, monsieur le ministre. Ces tensions ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Si le ministère prend au sérieux ces problèmes internes, ces recrutements ne devraient être que la première phase d’un redressement du ministère. Mais les députés communistes en doutent.

Les alertes des syndicats au sein du Quai sont nombreuses et inquiétantes. Les articles parus dans la presse – dans Le Monde diplomatique le mois dernier, dans Le Monde cette semaine – décrivent une institution en surchauffe, minée par des tensions liées au manque d’effectifs comme à l’hyperactivité vaine du Président de la République. « Notre diplomatie est en surrégime par rapport aux ambitions du Président, on arrive au bout d’un modèle », estime un ambassadeur cité dans un article du Monde publié pas plus tard que lundi. Compte tenu de la loyauté du corps diplomatique, une telle déclaration démontre la gravité de la situation.

La diplomatie du zapping menée par le chef de l’État – partout dans le discours mais nulle part dans les actes – n’est donc pas gérable. D’un côté, il lance de vibrants appels au respect de l’environnement à la tribune des Nations unies, de l’autre il refuse d’avancer au niveau national. Il tente d’occuper de nouveau une position indépendante entre les États-Unis et la Russie avant de retrouver le penchant atlantiste de ses prédécesseurs. Il veut être le premier au Liban, résoudre la crise libyenne, reprendre la main dans le conflit syrien et être le patron de l’Union européenne. Finalement, rien n’en ressort.

Les ambitions du chef de l’État doivent se doter de moyens pérennes. Sinon, ce n’est que du vent. Le Quai ne peut pas suivre tous les chantiers ouverts sur un coup de tête élyséen, du moins avec des moyens aussi faibles, qui n’ont cessé de diminuer jusqu’en 2017.

Ce n’est pas en recourant aux vacations et autres contrats occasionnels que les effectifs seront stabilisés, dénoncent les syndicats, mais en embauchant, comme c’est prévu cette année, des agents formés et pour du long terme. Mais la crainte que j’ai exprimée en commission des affaires étrangères et qui justifie l’abstention du groupe communiste sur ce budget, c’est que cette année ne soit qu’une pause dans la lente agonie de votre ministère.

Il ne faut pas se satisfaire de l’évolution sur un seul budget : il faut un plan pluriannuel, peut-être un Libre blanc de la diplomatie, avec des objectifs à la hausse, des crédits et des embauches afin de redorer l’image de notre réseau diplomatique, un des plus importants du monde, comme nous le savons tous. La voix de la France n’est rien sans ceux qui la portent. Il est donc fondamental de les préserver et de les renforcer.

La mondialisation ultralibérale est en train de connaître un véritable bouleversement depuis le début de la crise de la covid-19 et des changements en profondeur sur le plan international ont lieu en ce moment même. La diplomatie économique et culturelle, et la présence française dans les instances multilatérales devront en conséquence être renforcées pour que notre pays soit à la hauteur de ce qui se joue aujourd’hui. Que la voix de la France ne s’affaiblisse pas parce qu’à Bercy, on a estimé que tout cela coûtait trop cher.

Cette analyse vaut exactement pour les réseaux consulaires et pour la gestion des Français de l’étranger. Les extraordinaires efforts du Quai d’Orsay pour rapatrier plus de 200 000 ressortissants français de mars à juin ont démontré combien cet outil était incroyablement puissant quand il est motivé, et le ministre s’associait à nous récemment pour en féliciter encore les personnels. Mais ce travail a épuisé les troupes, tout comme le personnel soignant l’a été par la première vague. Sachons préserver ces forces pour les moments à venir, car ceux-ci pourraient être aussi violents que les précédents comme le montre la situation présente. On a évoqué l’attentat de Nice, mais je veux aussi avoir une pensée pour le vigile du consulat général de France à Djeddah, en Arabie Saoudite, victime ce matin d’un attentat au couteau ; pensons à lui, à tous ceux qui travaillent à ses côtés et aux agents du ministère sur place.

Les députés communistes demandent que le ministère fasse des propositions de renforcement des moyens humains et financiers dévolus au Quai sur plusieurs années, seule manière pour nous d’avoir confiance en une véritable remontée en puissance de la diplomatie française. Tant que nous n’aurons pas plus de détails à ce sujet, nous ne pourrons pas donner un blanc-seing au Gouvernement dans le cadre de cette mission. Le groupe GDR s’abstiendra donc, ce qui pour lui est un effort important (Sourires sur les bancs des commissions) sur ce budget, monsieur le ministre.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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