C’est à l’aune des crises climatique et énergétique qu’il nous faut envisager la pertinence du budget qui nous est présenté, et à son adéquation aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Certes, nos échanges furent de qualité en commission, notamment grâce à l’honnêteté du rapport, justement alarmant, de David Valence, que je souhaiterais remercier.
Le premier constat qui s’impose à nous est que nous sommes, en matière de transports, devant un budget de transition qui se contente de prolonger la trajectoire définie par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et qui en reconduit donc, malheureusement, les insuffisances. En mars dernier, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) avait remis au ministre d’alors, Jean-Baptiste Djebbari, un rapport qui évaluait à 200 milliards d’euros en dix ans les attentes en matière d’investissements remontées des territoires. Un véritable mur d’investissements se dresse donc devant nous. Ce mur, il nous faudra d’une façon ou d’une autre, le franchir si nous voulons remplir nos objectifs climatiques et répondre aux besoins des territoires. Le COI devrait remettre un nouveau rapport d’ici à la fin de l’année, dans lequel il fixera les priorités en matière d’investissements dans les infrastructures pour la période allant de 2022 à 2032 et il réactualisera la trajectoire d’investissements pluriannuelle de l’Afitf. Nous serons très attentifs à ses propositions, dans la mesure où le niveau d’investissements nécessaire demeure, à l’heure actuelle, très insuffisant.
Les crédits consacrés au développement ferroviaire ou aux mobilités actives en sont l’illustration. En juillet dernier, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, avait identifié le besoin d’une allocation supplémentaire de 1,5 milliard d’euros dès 2023 et d’un investissement d’environ 100 milliards d’euros à l’horizon des années 2030 à 2035 pour enrayer le vieillissement du réseau et doubler la part modale du ferroviaire. Nous sommes actuellement loin du compte, puisqu’il manque, comme l’a indiqué Marie Pochon, au bas mot 3 milliards d’euros par an si l’on souhaite que notre pays respecte les objectifs d’augmentation du trafic prévus dans la stratégie nationale bas-carbone, laquelle vise une croissance du transport ferroviaire de 27 % d’ici à 2030 et de 79 % d’ici à 2050. Le rapport Philizot sur les petites lignes ferroviaires avait évalué le besoin d’investissements à plus de 7 milliards d’euros en dix ans pour les plus de 9 000 kilomètres de ce réseau. L’État a mobilisé 550 millions d’euros entre 2020 et 2022 pour ces lignes, dont 300 millions issus du plan de relance : l’écart est béant ! La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, qui poursuit l’objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire de 9 % à 18 % d’ici à 2030, reste cantonnée dans un plan fret de 170 millions d’euros par an jusqu’en 2024 et un programme d’environ 1 milliard d’euros d’investissements consacrés spécifiquement aux infrastructures de fret ferroviaire. Nous restons, là encore, sous la ligne de flottaison alors que 30 % des lignes sont considérées comme hors d’âge.
Nulle trace dans ce budget d’initiatives nouvelles comme celles prises par nos voisins allemands, autrichiens ou espagnols, qui ont instauré des tickets climat ou favorisé la gratuité des transports en commun. Le sujet n’est pas à l’ordre du jour en France, pas davantage que notre proposition en faveur de la gratuité des transports publics urbains et périurbains de voyageurs, alors qu’une telle mesure réduirait la part des kilomètres annuels effectués en voiture, notamment en ville.
Il n’y a rien non plus en faveur du renforcement de la justice sociale dans l’octroi de la prime à la conversion : il faudrait pourtant augmenter celle-ci de manière significative pour les ménages les plus précaires. L’enjeu est fondamental car le déploiement actuel des ZFE, synonyme d’exclusion sociale, est impardonnable. Vous nous annoncez bien un dispositif de leasing destiné à permettre aux ménages aux revenus modestes de louer un véhicule électrique, mais vous ne donnez aucune visibilité sur les contours de cette future aide et ne fournissez même pas d’étude sur l’impact qui en est attendu.
Pour finir, nous jugeons que ce budget sans surprise n’est manifestement pas à la hauteur des efforts nécessaires de décarbonation du secteur et des attentes de plus en plus pressantes de nos concitoyens. En l’état, nous ne le voterons donc pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)