Comme toujours, le Gouvernement, mais aussi notre rapporteur général, convoquent ce bon docteur Coué pour affirmer que les collectivités locales se portent bien et que les associations d’élus ne proféreraient que mensonges et affabulations.
Non, les associations d’élus n’affabulent pas quand elles pointent du doigt les difficultés financières et juridiques auxquelles sont confrontés les élus territoriaux lorsqu’ils s’efforcent de répondre à des enjeux cruciaux. Les collectivités sont frappées par l’inflation. Carburants, énergie, matériaux : les factures flambent. Il est légitime que leurs salariés, les agents de la fonction publique territoriale, soient augmentés eu égard à la perte de pouvoir d’achat – comme on le demanderait à tout employeur.
Les budgets locaux se tendent, en raison de la baisse des DMTO, bien sûr, mais surtout face aux urgences qui s’aiguisent – sociale, climatique ou démocratique. Tous les jours, nos élus communaux, départementaux et régionaux s’ingénient à trouver des solutions, à faire vivre la cohésion sociale et territoriale et à agir localement. Tous les jours, ils font vivre la République et ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité auprès de nos concitoyens.
La très grande majorité des investissements publics, soit plus de 70 % des investissements hors défense, sont le fait des collectivités locales – nous parlons ici de 70 milliards.
De très grands services publics tels que la mobilité, l’accès à l’eau, mais aussi tous ceux qui relèvent des grands enjeux environnementaux et la solidarité envers les publics fragiles, sont assurés par les administrations et par les exécutifs locaux. Quand une famille ne peut plus remplir le frigo, c’est vers la mairie ou le CCAS qu’elle se tourne ; quand une tornade, événement climatique exceptionnel, se produit comme dans ma circonscription le 19 juin dernier, c’est la mairie et le département qui sont en première ligne. Je pourrais multiplier les exemples de ce type.
Soutenir réellement les collectivités territoriales, comme le demandent toutes les associations d’élus, passe par des mesures fortes.
La première d’entre elles, que défend notre groupe de la Gauche démocrate et républicaine, consiste à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation. Ne pas l’indexer, c’est faire perdre du pouvoir d’agir aux communes et aux intercommunalités. N’oublions pas de surcroît que la DGF, qui s’élevait à plus de 40 milliards d’euros en 2013, n’est plus que de 27 milliards d’euros ! Les collectivités locales – qui, elles, sont soumises à la fameuse règle d’or – ont ainsi fait plus que leur part pour juguler les déficits publics !
La deuxième mesure forte consiste à repenser l’impôt économique local, source d’autonomie fiscale. Depuis la suppression de la taxe professionnelle, c’est le concours Lépine de la baisse des impôts des entreprises, un concours qui devrait se clore avec l’extinction de la CVAE. Mais une entreprise bénéficie de services à l’échelle du territoire, de la crèche à la vie culturelle et sportive, des services de propreté à ceux de la tranquillité publique ! Il est donc anormal que les entreprises participent si peu aux charges communes des territoires.
La troisième mesure consiste en la création d’un vrai fonds de péréquation verticale assis, par exemple, sur une surtaxe Gafam générant 4 à 5 milliards d’euros qui permettrait de replacer l’égalité territoriale au cœur de la République. Il n’est plus possible de continuer à prendre sur l’enveloppe normée pour financer la péréquation. J’ajoute que la situation de très grande souffrance de certaines collectivités à faibles ressources et qui abritent beaucoup de ménages modestes exige de notre part un véritable rééquilibrage.
La quatrième mesure consiste à appliquer réellement le droit commun. Comment expliquer qu’un lycéen de Louis-Le-Grand à Paris reçoive plus de l’État qu’un lycéen d’Édouard-Vaillant à Vierzon ou de Victor-Schœlcher à Fort-de-France ? Que le Gouvernement applique déjà les règles de droit commun avant de mettre en œuvre des dispositifs dérogatoires : l’égalité territoriale en sera mieux respectée. C’est la demande des territoires ruraux et des villes comportant des quartiers populaires !
La cinquième mesure consiste à ne plus corseter la libre administration des collectivités territoriales et à permettre un soutien efficace à la transition écologique. Prêts à taux zéro ou bonifiés par la Banque des territoires et relèvement du versement mobilité sont ici des pistes à explorer.
Pour conclure, je veux vous alerter, monsieur le ministre délégué, sur l’ineptie du filet dit de sécurité qui, dans mon département, a sécurisé la commune la plus riche et laissé de côté des communes à faibles ressources – et c’est encore pire en outre-mer.
Le ministère a raté sa cible, mais vous pouvez encore y remédier. Plus généralement, des solutions existent pour que les collectivités territoriales, fortes de leur proximité et de leur légitimité auprès de nos concitoyens, continuent de rendre encore plus efficaces et plus efficients les 300 milliards d’euros de services et d’investissements publics qu’elles gèrent et qu’elles génèrent. Mais faites-leur confiance, cessez la défiance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)