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Budget de l’État

Budget : loi de finances rectificative 2010

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, il ne vous a pas échappé que le collectif budgétaire dont nous allons débattre dans cet hémicycle ne comporte que huit articles. Ce « petit » projet de loi n’en est pas moins un condensé de votre doctrine politique et de celle de votre majorité. Il réaffirme et accentue le choix du libéralisme économique. Il persiste dans la voie d’une politique au service des seuls intérêts des plus riches, des grands groupes et des banques, même si, tout à l’heure, Jérôme Chartier a essayé de nous tirer des larmes, lorsqu’il a exprimé sa compassion pour les pauvres actionnaires et les pauvres banquiers ! Je me mets à la place des personnes présentes dans ces tribunes, qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts à la fin du mois et qui doivent penser qu’elles sont venues à l’Assemblée nationale pour écouter des discours de députés qui pleurnichent sur les difficultés de gens qui ont mis l’économie nationale à mal ! Hélas, nos débats ne sont pas tous retransmis à la télévision ! Vous n’oseriez alors pas tenir, chers collègues, de tels propos !
Au passage, le Gouvernement se félicite sans rire de pouvoir « limiter à 149,2 milliards d’euros le déficit budgétaire attendu en 2010 », alors que M. Woerth avait annoncé lors du budget initial, il y a un mois, qu’« en 2010, le déficit budgétaire serait en amélioration de 25 milliards d’euros, pour atteindre 116,0 milliards d’euros. » Un triste record ! Je vois que vous appréciez, madame la ministre, les turpitudes de votre collègue ! Le déficit public atteint désormais 8,2 % du produit intérieur brut. Mais, ce qui est le plus important, c’est que vous le minorez en le rapportant au PIB. Il serait beaucoup plus pédagogique de le rapporter au budget, madame la ministre ! Allez alors expliquer aux Français que le déficit représente, en réalité, plus de la moitié du budget de l’État !
Dans la mesure où la parole du Parlement, et notamment celle des parlementaires de l’opposition, est de plus en plus muselée dans notre monarchie républicaine, je serai tout aussi bref que ce projet de loi de finances rectificative. Je tenterai néanmoins de vous exposer, en quelques mots, pourquoi la politique qu’il propose est dangereuse pour notre pays.
Ce projet de loi comporte globalement trois mesures et celles-ci ne manquent pas de sel : le grand emprunt, la modeste taxation des bonus des traders et une nouvelle exonération des cotisations patronales, dans le secteur agricole cette fois !
Comme les cinq minutes dont je dispose ne me permettent pas d’exposer en détail toutes les absurdités économiques de ce « deuxième plan de relance », je me bornerai à vous livrer la philosophie qui a présidé à sa conception. Autrement dit, qui l’a conçu, à qui profite-t-il et qui le paiera ?
L’article XIV de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme que « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Voilà pour la théorie. En réalité, le Gouvernement Fillon-Sarkozy veut nous imposer une dette supplémentaire de 35 milliards d’euros, dont l’emploi aura été décidé par une commission obscure qui porte le nom de deux anciens Premiers ministres. Il n’est, en effet, pas sans intérêt de rappeler que la commission Juppé-Rocard compte, parmi ses vingt-deux membres, un représentant du lobby patronal de l’industrie française, un représentant d’AREVA, un avocat d’un grand cabinet en droit des affaires, plusieurs entreprises de conseils, spécialisées dans la « gestion des capitaux », mais aucun parlementaire, aucun syndicaliste et aucun représentant des grandes associations comme le Secours catholique ou le Secours populaire qui vivent, chaque jour, les conséquences dramatiques de la politique que vous imposez ! Mais vous ne voulez pas, madame la ministre, que l’on vous tende le miroir dans lequel vous verriez les ravages de votre politique !
Si l’on pouvait encore accorder le bénéfice du doute à ce gouvernement, on aurait pu croire qu’il a enfin compris la nécessité de l’intervention de l’État dans l’économie. Malheureusement, mais sans surprise, c’est tout le contraire. Maîtrisant l’art de détourner l’attention, le Gouvernement profite de la levée des 35 milliards d’euros sur les marchés financiers pour procéder parallèlement, comme en catimini, à l’annulation de 2 milliards d’euros de crédits sur le fonctionnement. On a déjà précisé que cela portait sur les domaines de la justice, de la presse, de l’audiovisuel, de l’éducation et de la santé. Ce sont autant de secteurs, pourtant vitaux, dans lesquels vous taillez sans scrupule !
Pour couronner le tout, il est clair que la charge de cette nouvelle dette sera payée par les citoyens ordinaires, alors qu’à écouter M. Chartier, vous préservez les banquiers, et que cela rapportera plus de 500 millions d’euros d’intérêts aux banques pour la seule année 2010 !
J’entends votre impatience, monsieur le président. Vous me permettrez de conclure d’un mot sur la « taxation exceptionnelle des bonus » des traders ! Cela ne signifie évidemment pas que la taxation sera exceptionnellement lourde, mais qu’elle sera unique ! Vous ne voulez, en effet, pas faire de peine à ceux que vous chérissez ! Vous ne voulez pas faire de peine aux syndicats des banquiers qui plument le pays, qui rançonnent les Français ! Mais il est vrai que, quand on aime, on ne compte pas ! Or ils ne sont pas à plaindre.
Je conclurai mon propos en vous le prouvant, madame la ministre. Ainsi, un client néerlandais d’une banque paie, en moyenne, 46 euros de frais par an, alors que, chez nous, chaque client d’une banque acquitte, en moyenne, 145 euros de frais. Oui, messieurs les conseillers du Gouvernement qui m’écoutez, vous vous faites plumer aussi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jean-Pierre
Brard

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