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Budget de l’État

Budget : loi de finances rectificative 2008

Tout va bien, nous avez-vous dit tout à l’heure, monsieur le ministre, si je résume. C’était un discours d’autosatisfaction : vous nous avez expliqué que le Gouvernement avait démontré sa réactivité. Mais, suivant certainement l’exemple du Président de la République, vous confondez certaines notions. Si être réactif, c’est gesticuler, le Président de la République l’a été, c’est vrai. On peut même dire qu’il a battu des records, allant jusqu’à indisposer certains de ses collègues qui dirigent d’autres gouvernements européens, en particulier outre-Rhin.
Non ! Quand on est jaloux, on regarde vers le haut, vers des gens dont on aurait envie de suivre l’exemple. Or, je vous le dis, nous n’avons pas envie de suivre cet exemple-ci, parce que M. Sarkozy entraîne le pays droit dans le mur !
Nous aurons l’occasion de revenir sur les mesures annoncées par le Président de la République. Comme si c’était son rôle d’ailleurs ! Je rappelle une nouvelle fois qu’il viole l’article 5 de la Constitution en se mêlant de ce qui ne le regarde pas, car il n’a pas compétence pour cela. Il y a un gouvernement…
Monsieur le ministre, je suis étonné de vous entendre faire de vice vertu. Vous nous avez dit en effet que vous laissiez les recettes fiscales baisser et que cela constituait même une réponse en vue de la relance. Or, que les recettes fiscales diminuent est principalement dû à la mauvaise santé de notre économie.
Il y a eu, certes, le plan de sauvetage des banques mais, pour l’instant, vous n’êtes pas intervenus sur l’économie réelle. Ce qui permettrait à celle-ci de se porter mieux, ce serait de faire ce que vous vous refusez à faire : donner du pouvoir d’achat pour que les gens qui vivent chichement, ceux pour lesquels les fins de mois commencent dès le quinze, aient enfin de quoi vivre et reçoivent la juste rémunération du travail qu’ils accomplissent. Mais vous préférez réserver vos faveurs aux privilégiés et continuer à tondre les plus pauvres.
Il faut être équitable, cependant : parmi les propositions que vous avez annoncées, certaines sont acceptables, en particulier celle qui concerne le remboursement des dettes à la sécurité sociale.
Vous nous avez dit également que le Gouvernement allait renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Voilà une belle intention, mais où sont les actes, d’autant que vous ajoutez que vous n’avez pas les moyens de poursuivre les gros fraudeurs ? Il est donc plus facile de pêcher le petit poisson que d’attraper les gros ! C’est tout à fait étonnant.
Puisque vous annoncez des mesures contre la fraude fiscale, il y en a une que j’aimerais voir enfin prise : une disposition contre la fraude à la TVA intracommunautaire. Des sommes énormes sont soustraites par ce moyen au Trésor public. Et alors que les gouvernements de l’Union se coordonnent, paraît-il, leurs efforts en la matière ne sont pas bien considérables.
Vous nous avez également parlé des abus de droit ; il s’agit d’une vraie question, mais je pense qu’il faudrait que vous y regardiez de plus près. Car pour avoir eu l’occasion de travailler sur le sujet, je me suis trop souvent rendu compte que, si des abus de droit sont commis, c’est qu’il se trouve des gens pour donner des conseils éclairés sur la façon de tourner et de contourner les règles, et que ces personnes sont parfois d’anciens fonctionnaires qui pantouflent et qu’on laisse pantoufler.
Pourquoi ne réprime-t-on pas ces gens qui vous téléphonent à votre domicile parce qu’ils vous ont repéré comme étant un jeune cadre de telle grande entreprise de l’industrie automobile en région parisienne, par exemple, et qui vous proposent des prestations pour vous soustraire à l’impôt ? L’abus de droit n’est pas loin, dans ces cas-là, et il y a là matière à être beaucoup plus efficace.
Monsieur le ministre, je m’étonne grandement que vous ne nous ayez pas parlé des résultats obtenus grâce aux dispositions prises depuis le début de la crise. Je pensais que vous feriez un premier bilan, d’autant que nous ne sommes pas certains que vous nous ayez permis de mesurer l’ampleur des dégâts. On a parlé des 320 milliards et des 40 milliards, mais nous ne connaissons pas aujourd’hui l’ampleur réelle du sinistre subi par les banques. Si l’on en croit un article publié dans Les Échos, elle serait de l’ordre de 31 milliards d’euros. Qu’en est-il réellement ? Nous n’en savons rien. Si l’on se fie à l’optimisme béat du Gouvernement, tout irait mieux…
Cher collègue, vous écoutez sans doute religieusement ce que dit Mme Lagarde.
Vous avez donc certainement noté qu’elle se félicitait du fait que les banques aient davantage prêté aux particuliers et aux entreprises en octobre qu’en septembre. Les banques ont en effet consenti un effort fantastique puisqu’elles ont prêté en octobre 0,9 % de plus aux entreprises et 0,4 % de plus aux particuliers, par rapport au mois précédent.
Notre collègue Michel Bouvard a dit tout à fait pertinemment, monsieur le ministre, que vous devriez faire preuve de fermeté. Il a même formulé cette demande comme s’il croyait que vous aviez l’intention d’y accéder. Il n’est pourtant pas novice dans cette assemblée et devrait savoir que vous essayez d’anesthésier nos concitoyens, sans avoir l’intention de changer quoi que ce soit au fond de votre politique.
D’ailleurs, si vous croyiez sincèrement à l’efficacité de ces mesures, vous seriez démentis. Les Échos ont publié une interview de Philippe Sigogne, directeur de la stratégie à la Banque de financement et de trésorerie. Quand le journaliste lui demande si la baisse des taux aura un effet positif sur les crédits bancaires aujourd’hui paralysés, que répond-il ? « L’effet sera très marginal dans un premier temps. Comme on l’a vu aux États-Unis, cela ne va pas rétablir la confiance d’un coup de baguette magique. Les banques ont des besoins de capitalisation qui ne seront en rien réglés par la baisse des taux. » On lui demande encore : « Comment sortir de l’impasse actuelle ? » Il répond – écoutez bien ! – : « Il aurait fallu décider de nationaliser en bonne partie les banques. » Il aurait fallu nationaliser les banques !
Michel Bouvard nous a tout à l’heure encouragés à voter une garantie pour Dexia en l’absence de toute certitude sur ce que cette banque fera ensuite. Nous ne pouvons évidemment pas signer un tel chèque en blanc ; ce serait non seulement infondé, mais également dangereux pour nos finances publiques.
Mon cher collègue, vous n’êtes pas quand même pas un perdreau de l’année ; vous n’êtes pas tombé de la dernière pluie, depuis le temps que vous êtes député ! Vous êtes même un élu qui a les pieds dans la glèbe et fait d’habitude montre d’esprit critique. Vous y avez renoncé aujourd’hui.
Je voudrais conclure au sujet de l’efficacité des mesures prises par le Gouvernement en citant une interview d’Alain Dinin, président du groupe Nexity. « La relance par la construction de logements sociaux et intermédiaires répond-elle à votre attente ? », lui demande-t-on. Que répond-il ? « Ce qui a été annoncé n’est pas un plan de relance, mais des adaptations qui ne donneront pas d’effets concrets en 2009. » Et d’ajouter : « S’il n’y avait eu qu’une mesure à prendre, cela aurait dû être la TVA à 5,5 %. »
J’aurais pu prendre d’autres exemples, mais je veux terminer avant d’être rappelé à l’ordre par le président. (Sourires.)
On nous soumet donc un nouveau projet de loi de finances rectificative, et vous nous en avez promis encore un autre. Y en aura-t-il un par saison ? J’espère au moins que vous nous gratifierez alors de variations à la façon de Vivaldi ; peut-être même, après tout, serez-vous plus talentueux encore que le fameux musicien et en rajouterez-vous !
Vous voyez bien que nous ne pouvons pas croire ce que vous dites, quel que soit le ton dont vous usiez pour faire passer la potion. Nous ne pouvons donc vous suivre, et nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jean-Pierre
Brard

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