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Budget de l’État

Budget : loi de finances 2011

Monsieur le ministre, en présentant votre budget vous avez indiqué qu’il s’agissait d’un « budget historique par l’ampleur de la baisse des déficits ». Il aurait été plus juste de dire que ce qui était historique, c’était l’ampleur des déficits.
D’autant plus que votre réponse à cette situation n’a vraiment rien d’exceptionnel, puisque vous appliquez les recettes les plus éculées du système économique que vous soutenez : taxer les classes moyennes et populaires, réduire les politiques sociales et publiques pour mieux épargner la rente et, entre autres, ces fleurons du CAC 40 dont le journal Les Échos a expliqué récemment qu’ils « retrouvaient des profits en forte croissance ».
En effet, s’il y a bien quelque chose qui est en forte croissance dans notre pays, c’est l’enrichissement des plus riches aidés à coups de cadeaux fiscaux et d’exonérations en tous genres, dont la caricature est le cas de Mme Bettencourt. D’un côté, il y a bien la France que vous favorisez, que vous choyez, de l’autre, la France que vous taxez, celle des classes populaires et moyennes.
Votre budget n’échappe pas à ce choix politique que l’on ne peut qualifier autrement que de choix de classe. Pour cette raison votre budget est à la fois un budget de régression sociale, un budget dangereux pour l’économie de notre pays, un budget d’assujettissement total aux marchés financiers.
La grande cause nationale est de réduire les déficits, dites-vous. Soit, mais alors il n’y a qu’une seule question qui vaille : d’où provient l’explosion des déficits de la France ces huit dernières années ?
Ils ne proviennent pas de l’explosion de la dépense publique : les chiffres sont là pour le démontrer. En 1993, la dépense publique représentait 55 % du PIB. En 2000, elle en représentait 51,5 % et en 2009, 52,5 %. Avoir commis un projet de loi de programmation des finances publiques sur quatre ans dans lequel on ne parle ni d’investissement, ni de recettes, mais uniquement de la dépense n’est pas un projet de loi de programmation. C’est au mieux un plaidoyer de nature idéologique centrant tous nos malheurs sur l’argent utile, c’est-à-dire celui qui sert à nous soigner, à éduquer notre jeunesse, à réaliser des infrastructures performantes, à soutenir l’investissement public pour l’industrie, l’environnement, le logement. Chacun le sait, nos problèmes ne proviennent ni de l’infirmière ni de l’enseignant ; ils proviennent de la crise et des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches.
D’après la Cour des comptes, la crise est responsable au moins pour un tiers des déficits budgétaires, c’est-à-dire 40 à 50 milliards d’euros. Mais pour résorber la dette due à la crise, encore faudrait-il s’en prendre à ceux qui en sont responsables et non à ceux qui la subissent. Là aussi, vous protégez les coupables : les marchés financiers, les banques, les spéculateurs, tout un système conçu, comme l’a rappelé récemment Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, « pour contourner les normes comptables et échapper aux impôts nécessaires pour financer les investissements publics en matière d’infrastructures et de technologies qui sous-tendent la croissance réelle et non la croissance fantôme promue par le secteur financier ».
Or ce n’est pas à ceux-là que vous vous attaquez alors qu’ils sont pour un tiers responsables de nos déficits et de leurs conséquences désastreuses. Les deux autres tiers du déficit, c’est-à-dire 80 à 90 milliards d’euros, sont dus pour l’essentiel aux cadeaux fiscaux que vous n’avez cessé de prodiguer le plus souvent sans contrôle, sans jamais en mesurer l’efficacité économique. Il en est ainsi des exonérations de cotisations sociales, qui coûtent 25 milliards d’euros.
La Cour des comptes a démontré que les trois quarts de ces exonérations ne servaient pas l’objectif pour lequel elles avaient été créées, à savoir l’emploi. Je ne multiplierai pas les exemples, ils sont innombrables. Je rappellerai simplement que la Cour des comptes vient d’estimer à 172 milliards d’euros l’ensemble des niches et cadeaux fiscaux effectués en direction des entreprises. C’est évidemment bien plus que le déficit budgétaire.
De même, une estimation récente indique que la perte de recettes fiscales due chaque année aux cadeaux, dont la plus grande partie va aux plus aisés, se monte à 120 milliards d’euros. C’est pratiquement la moitié des recettes fiscales de l’État.
Ce sont bien vos choix politiques et le système que vous soutenez qui ont plombé notre pays. Ce ne sont pas les gesticulations et les coups de menton contre les paradis fiscaux qui feront bouger quoi que ce soit. Cet appel d’économistes du CNRS et de l’OFCE confirme ce constat : « La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n’a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. Le pouvoir de la finance n’est pas remis en cause [...] une forme de dictature des marchés s’impose partout ».
Tout aussi grave et inquiétant est l’étau dans lequel vous enfermez notre pays : régression sociale d’un côté, régression économique de l’autre. En effet, lorsque vous vous en prenez aux salaires des fonctionnaires et à leur nombre ; aux concours de l’État pour les collectivités locales, que vous gelez ; aux crédits d’intervention pour les infrastructures, le logement ; lorsque vous introduisez de nouvelles taxations prétendument sur les banques ou les assurances, mais qui vont se répercuter sur nos concitoyens ; lorsque vous laissez filer les hausses des tarifs du gaz, de l’électricité, des assurances, des mutuelles, les non-remboursements de médicaments, de soins ; lorsque vous encouragez, de fait, dans ce projet de loi de finances pour 2011, la SNCF à augmenter ses tarifs, vous plombez le pouvoir d’achat de nos concitoyens, donc la consommation et l’emploi. Vous allez réduire les capacités d’investissement des collectivités locales, qui réalisent 73 % de l’investissement public en France.
Vous créez toutes les conditions d’une régression économique et donc de l’emploi. Là aussi, les plus grands économistes, y compris les ultralibéraux de l’OCDE, ont prévenu : « L’austérité est une menace pour la reprise économique ».
Ce qu’il convient de faire, c’est l’inverse de ce que vous faites. Il faut interdire aux banques de spéculer sur les marchés financiers afin de les recentrer sur la distribution du crédit. Il faut affranchir les États de la tutelle des marchés financiers en garantissant le rachat des titres publics par la BCE.
Nous avons besoin de sortir de la soumission à la dictature des marchés, nous avons besoin d’une autre répartition des richesses et d’une autre façon de les produire. C’est pourquoi, afin d’amorcer une réflexion en ce sens, nous déposerons dans les jours prochains une proposition de loi essentiellement d’ordre fiscal comportant douze articles.
Article 1er : suppression du bouclier fiscal.
Article 2 : refondre le barème de l’impôt sur le revenu en le rendant plus juste, plus progressif, avec un taux marginal de 54 %.
Article 3 : rapprocher la taxation du capital de celle pesant sur le travail avec une majoration à 35 % de l’ensemble des taxations proportionnelles sur les plus-values de cession mobilières et immobilières.
Article 4 : rétablissement du taux facial de l’impôt sur les sociétés fixé à 33,3 % – 9 milliards d’euros – et introduire une imposition séparée au taux de 46 % pour les entreprises qui privilégient la distribution de dividendes par rapport à l’investissement productif et à l’emploi. Suppression de la niche Copé : 6 milliards d’euros.
Article 5 : taxe additionnelle de 15 % à l’impôt sur les sociétés pour les établissements bancaires.
Article 6 : suppression des exonérations de cotisations sociales qui ne servent pas à l’emploi.
Article 7 : suppression des mesures de 2007 sur les droits de succession bénéficiant aux plus aisés.
Article 8 : limiter de 1 à 15 l’échelle des rémunérations dans les entreprises.
Article 9 : taxer de façon dissuasive les avantages tels que parachutes dorés, retraites chapeaux, stock-options au taux de 95 %.
Article 10 : demander au Gouvernement un rapport sur l’optimisation fiscale qui coûte 20 milliards d’euros aux finances publiques.
Article 11 : mettre en œuvre un pôle public bancaire national pour permettre un crédit à taux bonifié aux PME-PMI qui font un investissement productif et créent des emplois.
Article 12 : établir un rapport sur la concurrence fiscale dans l’Union européenne et notamment les transferts de charges qu’elle produit sur l’emploi, les salaires, la protection sociale et les retraites ; élaborer des propositions d’harmonisation fiscale.
Ces mesures permettraient d’engranger plus de 50 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, ce qui réduirait le déficit budgétaire, introduirait de la justice fiscale, orienterait l’argent vers l’emploi et le détournerait de la spéculation et des divers gaspillages privés.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre votre budget parce qu’il est dangereux pour notre économie et qu’il marque un nouveau recul social pour notre peuple.
 

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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)
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