Interventions

Budget de l’État

Budget : loi de finances 2009

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le choc de la crise financière et économique est en train de frapper de plein fouet les collectivités territoriales.
Entre les difficultés pour trouver des financements à des taux acceptables, l’explosion du coût des remboursements d’emprunts, la diminution des dotations d’État, notamment la suppression de la dotation de solidarité urbaine pour 238 communes, les baisses des ressources fiscales du fait du ralentissement économique et, surtout, la perspective d’une forte croissance des besoins sociaux de la population dans la période de récession où nous entrons, l’effet de ciseaux sur les finances locales s’annonce destructeur car, quand la pauvreté et la précarité augmentent, les collectivités sont appelées à l’aide par les habitants. Or, dans ma circonscription, à Montreuil, avec la suppression de la DSU, plus de 2,32 millions d’euros manqueront, c’est-à-dire 1 % du budget de la ville.
Tout cela est si vrai que M Fillon a fait, en début de soirée, des annonces, comme Mme Lagarde – chacun les siennes. Il a promis une enveloppe de 5 milliards d’euros pour les collectivités, octroyés sous forme de prêts par la Caisse des dépôts et les banques, pour moitié via des adjudications lancées par la Caisse ce qui est positif à la condition que les taux en soient modérés et les conditions intéressantes.
Par ailleurs, de plus en plus de collectivités territoriales sont confrontées aux effets profondément pervers des produits financiers sophistiqués dont les banques leur avaient vanté les supposés avantages et dont elles découvrent aujourd’hui les dangers, à telle enseigne que l’on peut aujourd’hui parler d’emprunts toxiques. Il s’agit en particulier des produits dits structurés, sur les risques desquels notre collègue Michel Bouvard vous a alertés mardi soir, en séance. En réponse à cette alerte, madame la ministre, vous avez indiqué votre volonté de garantir la profitabilité de Dexia. Cette formule m’a frappé ; pour tout vous dire, elle m’a même choqué.
De Dexia nous attendons seulement qu’elle accomplisse sa mission au service des collectivités territoriales et qu’en contrepartie du refinancement public dont elle a bénéficié, elle accorde aux collectivités locales des emprunts à taux privilégiés pour garantir les investissements publics, dont elles assurent près des trois quarts.
Dexia a été l’un des inventeurs des produits structurés et a donc, aujourd’hui, le devoir de les renégocier pour alléger la charge qu’ils représentent pour les collectivités ! Vous connaissez la confiance des collectivités envers Dexia. Il y a eu tromperie et, même, vol, d’une certaine manière ! Il faut donc que Dexia rende gorge ; c’est d’autant plus légitime que l’État lui a consenti un milliard et que la Caisse a avancé deux milliards.
Mais il semble que tel ne soit pas l’avis de M Fillon, qui a renvoyé les collectivités à leurs « responsabilités » dans les erreurs du passé. C’est-à-dire que non seulement l’État refinanceur n’exigera de Dexia aucune contrepartie favorable aux collectivités, mais qu’il s’en lave les mains ! Tiendrez-vous le rôle de Ponce Pilate, madame la ministre ? Nous ne pouvons qu’inviter le Premier ministre à revenir à une position plus réaliste ; il serait très dangereux de mettre des collectivités au bord de la faillite, quelle qu’en soit la couleur politique.
Dans un contexte extrêmement difficile pour nos collectivités territoriales, on aurait pu attendre de l’État qu’il crée des conditions financières plus favorables pour leur gestion sociale et leurs investissements. La lecture du rapport joint à la loi de programmation des finances publiques montre qu’il n’en est rien, bien au contraire. Le point 45 du rapport annonce, en effet, que « les dépenses des collectivités locales devraient aussi être moins dynamiques à l’avenir, compte tenu notamment des effets d’un cycle d’investissement moins marqué que le précédent, d’une inflexion significative de la masse salariale et des dépenses sociales ».
Ainsi, au moment où la récession frappe, le Gouvernement prévoit une réduction des investissements locaux qui ne peut qu’aggraver le ralentissement économique, ainsi qu’une baisse de la masse salariale et des dépenses sociales, ce qui aggravera les difficultés des agents territoriaux et des populations, en freinant les salaires des premiers et en réduisant les services aux secondes. C’est une terrible cure d’austérité qui va être infligée aux collectivités, d’autant plus que, pour donner satisfaction au MEDEF, vous prévoyez de vous attaquer à nouveau à la taxe professionnelle, tout cela au risque d’acculer certaines collectivités à des situations inextricables. Chacun a en mémoire les trémolos dans la voix du Président de la République quand, sous la protection de plusieurs centaines de CRS, il est venu expliquer aux ouvriers tout le mal qu’il pensait de la taxe professionnelle comme si l’ancien maire de Neuilly ne se rappelait pas l’injustice de la taxe professionnelle qui, si elle pèse peu dans les villes bourgeoises, pèse lourd dans les villes plus populaires, parce qu’il faut bien financer la politique sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 
 

Imprimer cet article

Jean-Pierre
Brard

Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques