Interventions

Budget de l’État

Budget : équilibre des finances publiques

Monsieur le ministre, hier soir nous avons eu le premier épisode du « pacte euro-plus » avec le débat sur le programme de stabilité européen que le gouvernement français devait transmettre à la Commission européenne. Aujourd’hui, nous avons le deuxième épisode avec cette exigence d’inscrire dans notre loi fondamentale ce que vous appelez la règle d’or et ce que nous appelons la « règle pour que les peuples se serrent la ceinture ».
Tout ce que contient ce texte correspond à une demande explicite de la Commission européenne et du FMI. D’ailleurs, en confiant, en 2010, à Michel Camdessus, figure historique de la politique libérale du FMI, un rapport sur l’application de la règle d’or, Nicolas Sarkozy avait pris les devants. Le texte que vous nous proposez traduit fidèlement la recommandation du groupe de travail piloté par Michel Camdessus dont il ne faut pas oublier qu’il était à la tête du FMI pendant la crise du bath thaïlandais en 1997 et pendant la crise argentine en 2000. On peut même dire qu’il a mené l’Argentine non pas au bord du gouffre, mais directement dans le gouffre !
On ne voit pas très bien comment vous pouvez vous poser aujourd’hui en défenseur des équilibres budgétaires si ce n’est pour tenter de faire oublier votre responsabilité historique dans le désastreux état de nos finances publiques. Comment les pires gestionnaires des finances publiques de la France depuis plus de cinquante ans peuvent-ils venir donner aujourd’hui des leçons à la représentation nationale ?
« La faute à la crise ! », nous dites-vous. Mais la Cour des comptes est claire : la crise n’entre que pour un tiers dans l’état du déficit public.
Il est d’ailleurs bizarre que, de manière systématique, les finances publiques plongent lorsque la droite est au pouvoir… Y aurait-il des crises chaque fois que la droite est au pouvoir ? Non, puisque vous déclarez vous-mêmes que nous traversons la pire des crises !
La réalité, c’est que, depuis 1981, la part des recettes publiques dans le PIB a diminué de sept points, et la véritable cause du déficit public, c’est votre politique de réduction de la fiscalité en faveur des plus riches. Vous avez multiplié les niches fiscales et sociales : 500 niches fiscales et 118 niches sociales, pour 173 milliards d’euros d’exonération – ce sont les chiffres de la Cour des comptes –, alors que le déficit s’élève à 140 milliards d’euros.
Le présent projet vise donc à imposer un cadre contraignant d’action, cadre contraignant que vous êtes vous-mêmes incapables de respecter. Ce texte n’a d’autre effet que de réduire progressivement le rôle du Parlement à la portion la plus congrue, dans des domaines – les finances publiques et les lois constitutionnelles – où il est pourtant primordial.
Pour le moment l’article 40 de la Constitution contraint principalement l’opposition, puisque le Gouvernement peut, à tout moment, déroger à la règle qui empêche d’augmenter les dépenses publiques ou de diminuer les recettes et qu’il peut également lever le gage sur les amendements de sa majorité, ce que vous ne vous êtes pas privés de faire à maintes reprises depuis 2002.
Votre texte entend désormais interdire toute autonomie des choix politiques en matière de finances publiques, en encadrant dépenses et recettes. La création des lois-cadres de finances publiques se traduira, selon le rapport Camdessus, par une rigidité énorme, qui empêchera le Parlement de voter des réformes d’ampleur. Ne soyons pas naïfs : l’objet principal de ces lois-cadres sera de verrouiller les dépenses publiques, c’est d’ailleurs écrit tel quel.
L’autonomie des deux budgets, d’un côté celui de l’État, de l’autre celui de la sécurité sociale, est supprimée, puisqu’ils seront désormais en concurrence dans le cadre d’un budget global.
Vous profitez enfin de cette loi pour achever de faire main basse sur les collectivités territoriales. Comme, en vertu de l’article 72 de la Constitution qui proclame que les collectivités s’administrent librement, vous ne pouviez jusqu’à présent leur imposer vos politiques financières, vous instaurez un contrôle de l’évolution de leurs dépenses.
Pire encore, vous instaurez un contrôle des budgets gérés aujourd’hui par les partenaires sociaux, que ce soit l’assurance chômage ou les complémentaires retraites. Le Parlement n’examine pas ces budgets, mais le Gouvernement pourra fixer une limite à leur évolution.
On peut au final se demander à quoi sert ce texte, que vous pourrez faire voter par l’Assemblée et probablement par le Sénat, mais certainement pas par le Congrès, où vous n’avez pas la majorité des trois cinquièmes. À un an d’élections pour lesquelles vous n’êtes pas vraiment donnés vainqueurs, sans doute aurez-vous du mal à convaincre assez de parlementaires…
Cette réforme sert-elle alors à faire croire à l’opinion publique que vous avez été de bons gestionnaires – vous seriez bien les seuls à penser que vous pouvez ainsi l’abuser – ou a-t-elle pour objectif de convaincre les actionnaires de voter pour vous, en leur garantissant leur dividendes sur le dos des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Martine
Billard

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