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Questions au gouvernement

Carrefour : le dumping social doit être empêché

Le groupe Carrefour a annoncé sa volonté de se séparer de quarante-sept magasins, dont dix hypermarchés situés dans des territoires populaires, comme celui de Port-de-Bouc, dans ma circonscription. Les 3 500 salariés concernés ont appris cette décision par la presse. À ce jour, les instances représentatives du personnel n’ont pas été officiellement informées. Cette décision vise uniquement à satisfaire l’appétit des actionnaires au détriment des salariés du groupe, lequel revendique ainsi son irresponsabilité tout en déployant un puissant mécanisme de dumping social. Des témoignages préoccupants affluent de sites qui ont déjà connu cela…
Au cours des dernières années, Carrefour a touché des centaines de millions d’euros d’aides publiques. En 2020, il réalisait un chiffre d’affaires en hausse de 7,8 % – « sa meilleure performance depuis au moins vingt ans », assurait un communiqué – et il ne s’est pas privé de distribuer 183 millions d’euros de dividendes.
Les salariés du groupe ont bravé le virus pour que nous puissions continuer de nous approvisionner, sans même toucher la fameuse prime Macron. Aujourd’hui, ils sont inquiets, en colère, mobilisés, et refusent d’être ainsi méprisés, vendus, peut-être déclassés. Carrefour a des responsabilités à assumer et l’État est à tout le moins comptable de l’utilisation des aides qu’il verse aux entreprises.
Je ne vous demande pas, madame la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, si les logiques financières sont protégées par la loi au nom de la liberté d’entreprendre et si ces manœuvres sont couvertes par le secret des affaires. Mes questions sont politiques : peut-on rester impassible devant un tel comportement et accepter que ceux et celles qui ont déjà tiré profit de la situation sanitaire s’affranchissent du minimum de décence qu’appelle la sortie de crise ? Peut-on laisser s’accélérer encore la financiarisation d’un groupe qui joue un rôle structurant dans les échanges, la distribution et la production alimentaires ?
Au bout de sept journées d’action, les salariés, traînés en justice pour leur mobilisation, n’ont pour toute garantie que leur inquiétude. Que comptez-vous faire, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Je comprends parfaitement l’émotion que suscitent les changements de modèle économique de certaines entreprises, notamment de Carrefour. Ce groupe s’est engagé dans une transformation qui le conduit à céder certains magasins en location-gérance tout en préservant les emplois. Vous le savez, le droit français est très protecteur dans ce type d’opération, puisque l’article L. 1224-1 du code du travail prévoit qu’en cas de changement d’employeur, l’ensemble des salariés doivent être repris par le nouvel employeur. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)
Nous ne disposons apparemment pas des mêmes informations, monsieur le député, car j’ai cru comprendre que le groupe Carrefour avait souhaité que ce passage en location-gérance fasse aussi l’objet de deux accords collectifs, négociés dans le cadre d’un comité de suivi associant les organisations syndicales. Ces deux accords collectifs prévoient des clauses sociales et, bien sûr, la reprise des salariés, mais aussi, au-delà de ce qui est prévu par le code du travail, le maintien des salaires, de la mutuelle et des différents avantages dont les salariés des magasins du groupe Carrefour bénéficient aujourd’hui.
Nous devons toutefois rester vigilants face à de telles opérations, qui illustrent les transformations profondes à l’œuvre dans certains secteurs de l’économie et en particulier dans la grande distribution, dont l’évolution s’accélère avec le changement des modes de consommation, lui-même ayant été accentué par la crise. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité innover dans les outils d’accompagnement de ces transformations. J’évoquais tout à l’heure l’activité partielle de longue durée ; je veux maintenant mentionner le dispositif « transitions collectives », qui permet d’accompagner des salariés dont les emplois sont menacés, l’État prenant en charge leur rémunération et leur formation pour qu’ils puissent entamer une nouvelle carrière dans les secteurs qui recrutent.
Soyez donc assuré, monsieur Dharréville, que je veillerai avec la plus grande attention à ce que les entreprises appliquent les règles protectrices de notre droit et se saisissent de tous les outils d’anticipation que nous mettons à leur disposition.

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