Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne la situation en Turquie et l’arrestation inacceptable de députés kurdes du HDP. Mais permettez-moi toutefois auparavant de m’interroger sur les résultats de l’élection américaine, que je respecte, dont je m’inquiète et que je tente d’analyser.
À force de rétrécir la démocratie, de mettre en place une étouffante bipolarisation de la vie politique de ne pas répondre aux attentes des peuples, le populisme extrémiste triomphe dans le plus grand pays du monde. Quels enseignements en tireront tous ceux qui jouent aux apprentis sorciers, avec des perspectives électorales à courte vue, contribuant à mettre sous l’éteignoir nos valeurs fondamentales et la morale en politique ? N’est-ce pas aussi un avertissement sur la conduite de politiques de l’offre qui multiplient le nombre de chômeurs et de pauvres en ne s’attaquant pas aux inégalités, notamment à la question du partage des richesses ?
D’un autre côté, en Turquie, pays membre du Conseil de l’Europe, une dictature est en train de se mettre en place. Des écoles, des hôpitaux, des chaînes de radio et de télévisions sont fermés, des milliers d’arrestations de journalistes, professeurs, dirigeants politiques ont lieu… Une véritable purge s’effectue sous nos yeux !
Onze députés kurdes du HDP, le Parti démocratique des peuples, ont été arrêtés alors qu’un mandat d’arrêt international est requis contre deux autres, dont Faysal Sariyildiz, que j’ai reçu à Martigues, chez moi, il y a dix jours.
L’indignation ne suffit pas. Invoquer la fatalité non plus, d’ailleurs. Populisme extrémiste d’un côté, totalitarisme de l’autre : la France doit quant à elle affirmer sa fermeté et ses valeurs sur la scène internationale et imposer à la Turquie, avec l’Union européenne et l’OTAN, le respect des libertés fondamentales.
Monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle agir en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs de l’ensemble des groupes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous m’avez posé deux questions mais je ne répondrai qu’à une : celle concernant la situation en Turquie. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer hier mais je réponds bien volontiers à votre interrogation.
À midi, je me suis entretenu avec le ministre des affaires étrangères turc. Nous avons abordé tous les sujets, en toute franchise, y compris la situation en Syrie, la protection de la frontière syrienne mais aussi les difficultés avec les Kurdes syriens et, bien entendu, la situation intérieure de la Turquie.
Vous avez rappelé à juste titre que ce pays est membre du Conseil de l’Europe, ce qui implique des devoirs, des obligations et l’attachement à un certain nombre de principes, tout comme pour la France.
Je l’ai dit en toute sincérité à mon homologue turc : la Turquie est victime du terrorisme, c’est un fait, que ce soit à travers les actions de Daech ou du PKK, considéré comme un mouvement terroriste non seulement par la France, mais également par l’Union européenne. Mais on ne peut le combattre qu’en respectant l’État de droit.
Vous avez évoqué un certain nombre de situations : arrestations de députés, kurdes notamment, du parti HDP, mais aussi de journalistes. Cette situation nous inquiète.
Concernant la question kurde, nous souhaitons qu’un dialogue ait lieu. Ce fut le cas dans le passé mais il a été interrompu. Il faut donc le reprendre – en tout cas, c’est ce que nous souhaitons. Il faut un dialogue avec la société civile, les partis politiques, les syndicats et, bien entendu, avec le groupe parlementaire des 50 députés visés. Telle est la position de la France, que nous avons exprimée avec franchise et sincérité, en respectant nos engagements et les valeurs de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
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