Monsieur le Premier ministre, hier, notre collègue François Ruffin interrogeait le Gouvernement au sujet de la souveraineté industrielle du pays et plus particulièrement de Sanofi et des sites de production du Doliprane, qui font couler tant d’encre et de larmes d’inquiétude parmi les salariés, tant en Normandie que dans les Hauts-de-France. En réponse, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie lui indiquait avoir reçu des garanties relatives aux investissements et au maintien de l’emploi du groupe en France. L’État entre au capital de la nouvelle entité à hauteur de 2 % par le biais de la Banque publique d’investissement : très bien.
Il y a peu, déjà par l’intermédiaire de BPIFrance, 150 millions d’euros étaient injectés dans EuroApi, ancienne filiale de Sanofi spécialisée dans la production de principes actifs. On avait apporté les mêmes garanties, le même discours résonnait dans cette enceinte. Même schéma, même trajectoire, même destinée : aucune relocalisation n’a vu le jour, de la Seine-Maritime au Puy-de-Dôme.
L’ogre du fonds d’investissement américain auquel on cède Opella se rit du Petit Poucet français et de ses 2 % de parts. Pour reprendre des mots élyséens, c’est du ripolinage, de la poudre de perlimpinpin !
Cinq mille, c’est le nombre de ruptures de stock de médicaments recensées en 2023 – amoxicilline, paracétamol, Ozempic et j’en passe. Soixante-dix pour cent de ces ruptures concernent des médicaments dont les molécules sont tombées dans le domaine public, à faibles marges et n’intéressant plus Big Pharma qui se concentre sur les produits protégés par des brevets, bien plus rentables.
Ni vous ni nous ne sommes dupes : la vocation première d’un fonds d’investissement est d’accroître sa rentabilité et de diminuer à cette fin les coûts de production. Or la santé ne saurait faire l’objet d’un jeu boursier.
Vous nous appelez au travail transpartisan. Dont acte. Notre feuille de route est claire. C’est pourquoi nous nous interrogeons : quid de la création d’un pôle public du médicament qui mettrait notre pays à l’abri des ruptures d’approvisionnement touchant une grande majorité des molécules tombées dans le domaine public, face à la prédation des multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie
L’État s’est impliqué dès l’origine dans la gestion de ce dossier. Le ministre de l’économie Antoine Armand et moi-même nous sommes rendus très rapidement à Lisieux pour rencontrer les salariés inquiets du devenir de cette opération.
Nous avons exigé et obtenu des garanties afférentes au maintien des sites de production de Compiègne et de Lisieux, à celui de la direction opérationnelle d’Opella en France, à celui de l’emploi ainsi qu’aux investissements qui engendreront des emplois pour l’avenir.
Ces garanties sont assorties de sanctions très significatives – c’est ce qui fait le caractère inédit de l’accord signé ce dimanche. Pour cette raison, nous sommes confiants quant à la tenue des engagements pris. Mais pour les garantir davantage encore, nous avons tenu à ce que l’État soit présent au capital d’Opella et surtout fermement exigé et obtenu que BPIFrance dispose d’un siège au conseil d’administration. Ce siège lui permettra d’accéder aux informations relatives à la stratégie de l’entreprise, notamment à sa stratégie d’investissement et à sa stratégie éventuelle de localisation ou de relocalisation.
Notre stratégie industrielle marche sur deux jambes. Il s’agit d’abord de protéger l’existant : les emplois, l’empreinte industrielle, la sécurité d’approvisionnement. C’est pour assurer cette dernière qu’Opella s’est engagée, aux termes de l’accord que je mentionnai plus tôt, à produire dans des quantités déterminées.
Il s’agit également de ne pas dissuader les investisseurs, celles et ceux qui veulent apporter à notre pays les ressources grâce auxquelles on créera les activités et les emplois de demain.
Cette stratégie a permis d’améliorer l’investissement depuis cinq ans et nous laisse penser que l’accord signé est équilibré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)