Monsieur le Premier ministre, Renault, ça nous cause en Normandie. L’Alpine, que j’ai exposée dans la cour de l’hôtel Matignon, ça vous cause.
En quinze ans, la filière automobile a perdu 120 000 emplois, dont quelque 25 000 pour la marque au losange.
Au cours de la même période, avec l’État actionnaire, on a continué de délocaliser : Megane, Twingo, Clio et une part importante de l’ingénierie.
Environ 17 % des véhicules particuliers sont actuellement produits en France contre 54 % en 2004. Les causes de ces difficultés sont multiples : course à la rentabilité, erreurs stratégiques sur le positionnement en gamme, problèmes de gouvernance au sein de l’alliance Renault-Nissan, jusqu’aux tribulations de Carlos Ghosn.
La crise sanitaire, qui s’est traduite par une chute brutale des ventes, a évidemment aggravé ce phénomène. Dans ce contexte, l’annonce d’un plan d’économies de 2 milliards d’euros, avec la fermeture envisagée de quatre sites en France – Choisy, Alpine à Dieppe, Flins et la Fonderie de Bretagne – a fait l’effet d’une bombe.
Dans quelques minutes, le Président de la République dévoilera un plan de soutien massif – primes à l’achat de véhicules plus propres, prêt garanti par l’État de 5 milliards à Renault : si ce plan ne comporte pas de contreparties en matière de préservation de savoir-faire et de sites, il aura l’allure d’un désastre économique et social, d’un renoncement productif et politique rappelant celui de Vilvorde.
Au moment où émerge une nouvelle souveraineté industrielle plébiscitée par les Français, Alpine est le symbole d’un possible made in France. Vous connaissez mon engagement et celui des élus normands pour ce made in Dieppe, pour ce lieu du travail d’orfèvre à dimension humaine, qui démontre que la haute technologie et le premium sont possibles en France.
Aurez-vous la volonté politique d’incarner l’État stratège et protecteur ou renoncerez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le député Jumel, je connais votre attachement au site de Dieppe et la fierté des Normands pour la fabrication de l’Alpine. Cette fierté est bien légitime, car cette voiture est un bijou technologique.
Comme je l’ai déjà indiqué, nous prenons nos responsabilités pour accompagner Renault et lui permettre de passer le cap critique qu’elle traverse en ce moment.
Elle doit le passer non pas à tout prix mais en préservant au maximum ses capacités de recherche et développement, ainsi que les sites installés en France, et en respectant les contreparties exigées en matière de transition écologique et énergétique et de relocalisations.
Comme vous l’avez fort bien souligné, la fabrication de nombreux modèles a été délocalisée au cours des dernières années, notamment celle des petites voitures que les Français achètent le plus souvent. Ils pensent acheter une voiture française, alors qu’ils achètent une marque française.
Nous essayons actuellement de définir les éléments de ces chaînes de valeur pour lesquels nous sommes compétitifs et qui peuvent être réimplantés en France. En effet, les Français ne sont pas prêts à payer 1 000 euros de plus la même voiture fabriquée en France plutôt qu’en Slovaquie, en Pologne ou en Espagne.
Malheureusement, les parts de marché de ces différents modèles le montrent.
Tout l’enjeu sera donc d’accompagner la montée en compétitivité de Renault, en transformant non seulement l’entreprise, mais aussi l’ensemble de la filière automobile, grâce à des investissements massifs dans l’appareil productif, les machines à commande numérique, les robots, les cobots : en somme, tout ce qui nous rendra plus efficaces et nous permettra de combler l’écart. Cette transformation passera également par la relocalisation des productions du futur, c’est-à-dire celles de la traction électrique. Tel est l’enjeu du plan de soutien à l’industrie automobile que le Président de la République va présenter aux Français dans quelques instants.