Depuis l’été 2024, les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ne cessent de se détériorer et les sujets de discorde s’accumulent : la détention arbitraire de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ; le soutien de la France au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental en dépit des décisions de l’ONU ; les refus répétés de l’Algérie d’accueillir ses ressortissants frappés d’une obligation de quitter le territoire français ; la passivité du gouvernement français face au racisme et au révisionnisme qui envahissent le débat public et médiatique. (M. Julien Odoul s’exclame.) Jamais, depuis l’indépendance de l’Algérie, la crise n’a été aussi grave entre Paris et Alger.
Malgré le dialogue exigeant et respectueux prôné par le président Macron, votre gouvernement s’exprime surtout par la voix de ceux qui préfèrent se délester de ce qui leur reste de gaullisme pour mieux courir après l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit aussi. – M. Laurent Jacobelli s’exclame.) Cette surenchère fracture la société française ; elle stigmatise et blesse plusieurs millions de nos concitoyens, liés d’une manière ou d’une autre à l’Algérie. Au nom de l’histoire commune à nos deux peuples, pour la paix et la réconciliation des mémoires, il est temps de prendre conscience que la politique d’affrontement est sans issue et aggrave une situation déjà très inquiétante. Cette stratégie est d’autant plus dangereuse qu’au même moment, l’Amérique de Trump signe un accord militaire et stratégique avec Alger.
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les relations historiques qui lient nos deux pays par-delà les rives de la Méditerranée méritent, à tout le moins, que la France parle d’une seule voix. La diplomatie doit prévaloir. Comment comptez-vous agir ?
Pour faire allusion à l’incident de tout à l’heure, j’espère – mais je n’en doute pas – que, contrairement à votre collègue, vous me regarderez en répondant. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupes EcoS. – Mme Fatiha Keloua Hachi, M. François Hollande et M. Gérard Leseul applaudissent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La France aspire, évidemment, à entretenir de bonnes relations avec l’Algérie, pays voisin avec lequel nos relations sont denses et complexes. Pour cela, ces relations doivent s’apaiser ; mais l’apaisement ne se décrète pas unilatéralement. Ce n’est pas la France qui se trouve à l’origine de ce que vous qualifiez de surenchère.
M. Jean-Paul Lecoq
Un peu, quand même !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Ce n’est pas la France qui se trouve à l’origine de la détention arbitraire d’un écrivain franco-algérien, ni qui refuse de réadmettre des ressortissants français en situation irrégulière sur le territoire algérien. Ces tensions, dont nous ne sommes pas à l’origine, nous souhaitons les résoudre, mais avec exigence et sans faiblesse. C’est la raison pour laquelle, comme nous l’a demandé le premier ministre, nous transmettrons aux autorités algériennes une liste de ressortissants algériens ayant vocation à quitter le territoire français. Nous souhaitons que les autorités algériennes se saisissent de cette liste et qu’elles engagent ainsi une nouvelle phase dans nos relations, qui permette de traiter nos différends et d’amorcer d’éventuelles coopérations stratégiques.
Dans le cas contraire, le premier ministre l’a dit, nous sommes prêts à défendre nos intérêts, comme nous l’avons déjà fait récemment en prenant des mesures restrictives – mais réversibles – à l’égard de dignitaires algériens. Nous souhaitons agir de façon pragmatique, sans aucune idéologie, avec pour seule obsession d’obtenir des résultats, en particulier pour les Français.
Enfin, permettez-moi, comme l’avait fait le premier ministre à l’issue du comité interministériel de contrôle de l’immigration il y a quinze jours, d’avoir un mot pour les milliers de personnes qui, en France, sont liées d’une manière ou d’une autre à l’Algérie et qui n’ont rien à voir avec les difficultés que nous rencontrons auprès des autorités algériennes : elles ont le droit à la tranquillité et je m’entretiendrai prochainement avec des représentants de cette diaspora. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)