La réforme des retraites de 2023 constitue un affront sans précédent envers les travailleurs de notre pays. Depuis deux ans, vos prédécesseurs et vous-même avez choisi l’évitement et le contournement de la représentation nationale, dans l’espoir de faire oublier la profonde injustice de cette réforme. Mais cette stratégie ne change rien : plus des deux tiers des Français continuent de réclamer son abrogation.
Dès le lancement du conclave, vous avez corseté toute discussion sur le rétablissement de l’âge légal de départ à 62 ans.
Cette position, totalement aberrante au regard des règles élémentaires de la négociation sociale qui s’ouvrait, a entraîné le retrait de la CGT et de Force ouvrière. Elle contribue à l’enlisement du processus, que vous entretenez pour gagner du temps.
Hier encore, vous avez déclaré ici même que, faute d’accord, la réforme de 2023 continuerait de s’appliquer comme si de rien n’était. Le Medef n’en demandait pas tant, monsieur le premier ministre. Quel que soit le résultat d’un conclave dont l’issue est chaque jour plus incertaine, il ne répondra en rien à cette exigence claire des Français : ils refusent le recul de l’âge légal à 64 ans.
Le 5 juin dernier, les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer de notre groupe ont fait adopter dans cet hémicycle, à une très large majorité, une proposition de résolution exigeant l’abrogation de la réforme de 2023 et de ses mesures rétrogrades.
Ce vote, jusqu’alors confisqué à notre assemblée, vous oblige à faire un choix. Une seule alternative s’offre à vous : abroger la réforme ou recourir au référendum. C’est l’unique voie pour sortir de la crise que vous alimentez, pour réparer l’offense faite au peuple. Alors, monsieur le premier ministre, allez-vous enfin procéder à l’abrogation de cette réforme des retraites ? Ou organiserez-vous un référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Il y a quelque chose au-dessus des sondages : c’est la vérité, la réalité de la situation. Il y a quelques jours à peine, nous avons reçu le rapport du Conseil d’orientation des retraites (Mme Marie Mesmeur s’exclame), adopté par l’ensemble des organisations membres de ce conseil.
Il affirme, de manière limpide, une chose que nous ne devrions pas remettre en cause dans cette enceinte : l’équilibre financier de notre système de retraite est extrêmement précaire.
Face à cette réalité, une seule solution s’impose : parvenir à un accord entre les organisations syndicales et les entreprises, pour définir les conditions permettant de garantir l’équilibre de nos régimes, notamment en ce qui concerne l’âge légal de départ, compte tenu de la réalité démographique de notre pays.
Autrement, nous perpétuons un mécanisme que beaucoup ici connaissent trop bien : faire peser sur les générations futures la charge des pensions que nous devrions financer. Cette logique du report a été acceptée, parfois encouragée, par des gouvernements successifs.
C’est pourquoi, contrairement à ce que vous affirmez, j’ai clairement indiqué dès mon discours de politique générale, et dans la lettre adressée aux organisations participant au conclave, que si un accord, même partiel, intervient, il sera soumis à la représentation nationale ; s’il n’y en a pas, la réforme de 2023 continuera de s’appliquer.
Cela a toujours été d’une clarté biblique.
Tant que cette assemblée siégera, chacun exprimera bien sûr sa position. (Mme Marie Mesmeur s’exclame.) Celle du gouvernement est claire : c’est la seule qui défend l’équilibre financier, au bénéfice de l’ensemble des Français, en particulier des plus jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem, et DR.)