Il y a soixante-neuf ans aujourd’hui, le ministre-métallo Ambroise Croizat nous quittait. Je voudrais lui rendre hommage en présence de son petit-fils, Pierre Caillaud-Croizat, qui est dans les tribunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI, LaREM et MODEM.)
Le nom d’Ambroise Croizat est attaché à la création de la sécurité sociale, parmi ceux des nombreux artisans de cette conquête. Son nom est attaché au droit à la retraite, un autre âge de la vie. Son nom est attaché à une grande invention sociale que vous êtes en train de mettre à bas. Son nom est attaché à cette formule que vous voulez mettre à terre : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.
Nous ne lui rendons pas hommage par nostalgie, mais pour empêcher les manipulations et, surtout, pour éclairer l’avenir. La sécurité sociale était un immense progrès. Vous voici à la manœuvre pour une immense régression.
Votre réforme provoque un profond rejet que vous ne voulez pas voir. Non seulement mauvaise, elle n’est pas prête, truffée d’ordonnances, accompagnée d’une étude d’impact lacunaire et tendancieuse.
Pour rendre la chose comme inéluctable, vous avez choisi la fuite en avant. Ne vous retournez pas : les manifestants sont toujours là, l’opinion publique vous est toujours opposée. Imposer ce projet dans ce contexte, c’est un acte grave. Vous devriez donc le retirer, plutôt que de forcer le passage au Parlement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Permettez-moi, monsieur Dharréville, malgré notre opposition politique, de m’associer à l’hommage que vous avez rendu au ministre Ambroise Croizat et de saluer à mon tour la présence de son petit-fils dans les tribunes.
Nous reviendrons à la politique dans un instant et, de toute évidence, nous ne serons pas d’accord, mais cela ne nous empêche pas, les uns comme les autres, d’être fiers que la France ait compté, après la Seconde guerre mondiale, des personnalités comme Ambroise Croizat, qui ont construit la sécurité sociale et la protection sociale de notre pays.
Quant à votre question, monsieur le député, permettez-moi de souligner que le« cotisons selon nos moyens, recevons selon nos besoins » ne s’oppose pas au « faisons tous les mêmes efforts pour avoir les mêmes droits » ! Or c’est l’idée que nous défendons dans cette réforme, qui n’est pas une réforme d’opposition et qui ne vise pas à revenir sur le patrimoine commun que constituent la sécurité sociale et l’assurance vieillesse. Nous avons, au contraire, la volonté de donner à notre système social une nouvelle jeunesse et de l’adapter à la réalité du monde d’aujourd’hui.
Je comprends que cette réalité soit inquiétante et qu’elle ne corresponde pas à vos choix, mais, je vous l’ai déjà dit – nous avons longuement confronté nos idées cette semaine au sein de la commission spéciale et nous continuerons à débattre tout à l’heure –, la réforme que nous défendons est une réforme de justice sociale et de redistribution.
Ce que nous remettons en cause, ce sont les réalités des années 1945-50. Nous devons, en particulier, évaluer la pénibilité partout de la même façon. Nous ne nions pas le fait qu’il existe des tâches pénibles, mais nous souhaitons que tous les secteurs fassent l’objet de la même approche, dans un esprit d’humanité et d’égalité.
Alors oui, monsieur le député, votre hommage à Ambroise Croizat était justifié et je m’y associe.
En revanche, il n’est pas vrai de dire que le Gouvernement veut porter un mauvais coup à un patrimoine auquel nous sommes tous attachés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, si vous refusez le retrait des deux textes sur la réforme des retraites, alors ayez le courage de soumettre votre projet au peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC et sur quelques bancs du groupe LR.)
Puisque vous croyez ce projet si génial, si bien ficelé et légitime, ayez le courage de la démocratie et du référendum !
Il suffirait d’une question simple. Je ne vous suggère même pas de demander aux Français s’ils acceptent le recul de l’âge de départ à la retraite ou la baisse de leurs pensions, ainsi que le prévoient les textes, mais simplement s’ils sont pour ou contre la réforme des retraites.
Et ne dites pas qu’ils ne sont pas capables de comprendre. Ce projet engage leur vie ; mettez-le entre leurs mains ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC et parmi les députés non-inscrits.)