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Questions au gouvernement

Retraites : votre réforme n’a pas de majorité dans le pays !

Monsieur le Premier ministre, depuis un mois et demi, votre réforme des retraites provoque un rejet massif. Le message est clair : ça suffit, vous allez trop loin. Face à cela, on a le sentiment que vous vous êtes dit : « Faisons la sourde oreille et le gros dos, attendons que ça passe… » Or ça ne passe pas. Vous n’êtes pas parvenu à retourner l’opinion. Vous n’avez pas avancé d’un iota. Et votre projet a même pris du plomb dans l’aile au fil des péripéties.

Vous avez le devoir de vous interroger. Depuis trois ans, le pays se cabre, renâclant devant cette politique libérale brutale. Depuis trois ans, vous provoquez en pagaille des mouvements sociaux tenaces. Vous pouvez sans doute, en la matière, prétendre au livre des records. Vous atteignez des sommets avec cette question si essentielle et si sensible des retraites.

On vous entend penser selon la formule de Brecht : « Ne serait-il pas plus simple alors pour le Gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? » La responsabilité qui vous a été confiée n’est pas de gouverner contre le peuple. Le pays est sens dessus dessous – et ce n’est pas le moindre des problèmes que de ne plus trouver de sens. Il traverse une crise politique qui n’est pas sans conséquences sociales et économiques et vous en êtes comptable. Vous ne vous en tirerez pas avec un passage en force, ni dans le pays, ni au sein du Parlement.

N’abîmez pas davantage notre République et la démocratie. Ne cédez pas à la tentation de Pyrrhus. Ne déposez pas ce projet vendredi, jouez l’apaisement, sortez par le haut de cette situation bloquée. La seule solution raisonnable est de retirer votre projet et d’engager une véritable discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En écoutant votre question, j’entends des termes comme « passage en force » ou « déni de démocratie » qui, dans votre bouche, me surprennent, pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que le projet de création d’un système universel de retraites n’est pas sorti de je ne sais quel chapeau.

Il a été évoqué par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, par les candidats aux élections législatives pendant la campagne correspondante. Monsieur Dharréville, le peuple français, celui-là même qui vous a élu dans votre circonscription, a envoyé dans cette Assemblée une majorité de parlementaires réunis autour de l’idée de la création d’un système universel de retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

C’est la souveraineté nationale qui s’est exprimée. Je ne crois pas, monsieur le député, que vous vouliez, au fond, remettre en cause cet engagement.

Deuxièmement, nous travaillons sur ce projet avec l’ensemble des partenaires qui s’intéressent à ce sujet. Vous avez raison : un certain nombre de Français ne sont pas d’accord avec ce projet.

Un certain nombre d’organisations syndicales considèrent qu’il ne faut pas créer un système universel ou à points. Mais j’observe – et cela n’a pas pu vous échapper, monsieur le député – qu’un certain nombre d’organisations syndicales disent qu’elles sont prêtes à travailler avec nous à la création d’un système universel parce qu’elles considèrent que cela constitue un progrès. Il ne s’agit pas d’un passage en force, sauf à considérer que lorsqu’on n’est pas d’accord avec ce que vous dites ou avec ceux qui vous soutiennent, alors on serait, par nature, dans l’erreur.

Or ni vous ni moi ne croyons cela. Car je veux bien croire – et je sais – que vous êtes aussi démocrate que je peux l’être. Je prétends que mettre en œuvre un engagement de campagne, présenter en détail une réforme, la soumettre – en respectant le calendrier qui a été convenu et annoncé – au conseil des ministres puis à l’Assemblée nationale puis au Sénat pour que le débat public, qui est sain, puisse avoir lieu dans les meilleures conditions, c’est tout sauf un déni de démocratie. En revanche, monsieur le député, – et je le précise car votre question n’aborde pas ce point mais puisque nos compatriotes nous regardent, ce rappel n’est pas inutile –, vouloir bloquer plusieurs sites, s’introduire de façon illégale dans telle ou telle enceinte privée, procéder à des coupures sauvages de courant : tout cela revient à méconnaître la démocratie, à méconnaître la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) Et tout cela doit être être sanctionné car ce n’est pas acceptable – et vous le savez parfaitement. (Les applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir se poursuivent jusqu’à la fin de l’intervention du Premier ministre.) L’outil de production se respecte, le service public se respecte, nos concitoyens se respectent. Lorsqu’on procède à des coupures sauvages d’électricité, on met nécessairement nos concitoyens, usagers du service public, dans une situation qui peut s’avérer périlleuse. Et ce n’est pas acceptable. Notre détermination est totale, tranquille, et vous le dire m’a fait plaisir. (Les députés des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir se lèvent et continuent à applaudir.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de m’avoir répondu car c’est un débat important qui agite l’ensemble du pays. Vous ne prenez pas la mesure de la situation. Vous êtes responsable de l’état de tension que vous venez de décrire et qui perdure. La démocratie, ce n’est pas un thermomètre qu’on utilise une fois tous les cinq ans, ce n’est pas un chèque en blanc qu’on donne.(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) Personne n’a validé votre programme de A à Z, tout ce que vous avez proposé est débattu. Mais l’exercice de la démocratie doit se poursuivre pendant…

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