Monsieur le Premier ministre, les Français ont compris, grâce à M. Fillon, que « le système par points, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions ».
En effet, en passant d’un système par annuités à un système par points, l’objectif n’est plus de garantir à chacun un niveau de pension, mais de plafonner le niveau global des dépenses de retraites.
Les Français ont aussi compris que votre réforme n’a rien à voir avec l’universalisme mais, au contraire, tout à voir avec l’individualisme. Ils perçoivent bien l’incertitude que vous allez instaurer en créant des retraites aléatoires, qui seront les variables d’ajustement du système. Ils comprennent parfaitement que, pour sécuriser leur niveau de pension, ils seront incités – du moins ceux qui en auront les moyens – à se constituer un capital en dehors de notre système solidaire.
Vous avez, pour ce faire, déblayé le terrain grâce à la loi Pacte – la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises –, qui crée de nouveaux produits d’épargne retraite permettant de constituer un capital exonéré fiscalement. Vous déroulez ainsi le tapis aux acteurs de la finance en leur offrant de nouveaux débouchés. Les assureurs ne s’y trompent pas : leurs publicités pour des assurances complémentaires colonisent soudain les médias, et le fonds américain BlackRock, reçu en grande pompe à l’Élysée en 2017, se félicite de vos réformes en les qualifiant de « bon plan Retraite ».
Monsieur le Premier ministre, il vous faut choisir entre servir les intérêts des fonds de pension en ouvrant portes et fenêtres à la capitalisation et servir l’intérêt général en améliorant notre système par répartition. En d’autres termes, préférez-vous infliger par tous les moyens une défaite au mouvement social, ou choisirez-vous à l’inverse de faire remporter une victoire collective à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites. Notre ambition est effectivement de redonner tout son sens au pacte collectif et à la cohésion de la Nation entre les jeunes et les retraités. Vous avez évoqué la vidéo de M. Fillon qui circule actuellement – comme vous, je l’ai regardée.
Il est vrai qu’il a comme vous été membre du Rassemblement pour la République !
C’est la raison pour laquelle nous apporterons, avec le Premier ministre, des garanties concernant plusieurs dispositifs.
Tout d’abord, la valeur d’achat et la valeur de service du point évolueront en fonction des salaires, ce qui n’est pas le cas dans le système actuel qui, depuis la réforme Balladur de 1993, indexe le niveau des pensions sur l’inflation. Nous assurerons ainsi la préservation des droits tout au long de la carrière.
Il s’agit là d’une avancée considérable qui produira un effet extrêmement positif sur les pensions des fonctionnaires – généralement basées sur le niveau de l’indice –, et pour celles des salariés du privé comme des indépendants.
Il est par ailleurs prévu, en réponse à la demande d’un certain nombre de citoyens et d’organisations syndicales, de sécuriser la valeur du point. L’un des débats proposé à l’arbitrage du Premier ministre consiste ainsi à déterminer si cette valeur pourrait être inscrite dans la loi.
Troisièmement, l’expérience des systèmes à points montre bien que depuis quarante ans, la valeur du point n’a jamais baissé.
Je m’étonne enfin que vous évoquiez l’individualisme : dans le système actuel, c’est le parcours individuel – le salaire moyen des vingt-cinq meilleures années ou des six derniers mois de la carrière – qui détermine le niveau de pension.
M. Stéphane Peu. Mais c’est la solidarité qui s’exerce pour faire fonctionner le système !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Nous souhaitons au contraire injecter davantage de solidarité par le biais du régime universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)