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Questions au gouvernement

Précarité des salariés du secteur social et médico-social

Monsieur le Premier ministre, pendant que dans les beaux salons, privilèges des intouchables, certains déconfinent à la louche le caviar, le homard et les milliards (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), samedi à Dieppe, 500 personnes se sont rassemblées à l’air libre, usant de leur droit à manifester.

Dehors, 500 citoyens masqués mais pas muselés ont, dans le respect des gestes barrières, chanté, joué de la musique, regardé un film et débattu ensemble pour qu’enfin on permette à la culture asphyxiée de respirer, pour qu’enfin on mette la société des liens au centre du village.

Cette société des liens nous a permis de tenir. Il faut vous rappeler la belle déclaration du Président de la République : « Notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. »

C’était il y a un an. Depuis, que s’est-il passé ? Sous la pression, les soignants de l’hôpital ont obtenu un coup de pouce sous forme de primes. C’était la moindre des choses. Qu’en a-t-il été de tous les autres, dont la crise a révélé le rôle essentiel ? Les salariés du secteur médico-social, en charge des personnes handicapées, n’ont pas été oubliés mais exclus du Ségur de la santé. Citons aussi les assistantes maternelles, les animatrices périscolaires, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les auxiliaires de vie qui sont le rayon de soleil de nos aînés. Tous ces professionnels permettent de tisser des liens du berceau jusqu’à la tombe, pour reprendre l’expression de mon copain Ruffin. Eux, ils attendent encore.

Nous n’avons plus entendu un mot même si, depuis, d’autres discours ont été prononcés et d’autres promesses faites. Ces métiers du vivre-ensemble, tournés vers les autres, sont pourtant marqués par la précarité et les faibles salaires. Ils sont exercés très majoritairement par des femmes.

Si rien n’est fait pour ces salariés, elles formeront une armée de 2 millions d’emplois précarisés d’ici à 2040. Ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal manifesteront le 8 avril. Qu’allez-vous faire, au-delà des mots, pour répondre à la promesse présidentielle du 13 avril 2020 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Jumel, je partage une partie de votre constat : dans notre pays, certaines professions sont invisibles en temps ordinaire mais deviennent visibles en temps de crise. C’est quand nous nous sentons collectivement et individuellement plus vulnérables que nous nous rendons compte qu’elles sont indispensables.

Nous ressentons cette vulnérabilité aux deux âges extrêmes de la vie – tout petit ou très vieux et en perte d’autonomie – mais aussi quand la société affronte une pandémie comme celle que nous avons connue. Il a bien fallu que ces personnes continuent de travailler à un moment où d’autres étaient invitées à rester chez elles.

Je fais aussi le même constat que vous en ce qui concerne la féminisation de ces métiers. C’est d’ailleurs un peu la poule et l’œuf. Ces métiers sont-ils mal rémunérés parce qu’ils sont féminisés ou sont-ils féminisés parce qu’ils sont mal rémunérés ?

Il faut remonter dans nos archives au moins cinquante ou soixante ans en arrière pour comprendre. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les femmes ont aspiré à travailler. Les hommes – les insiders –, les ont alors dirigées vers des métiers supposés correspondre à leur moralité propre et à leurs savoir-faire : les soins aux petits, aux malades, aux vieillards, aux personnes en situation de handicap. Et sous prétexte qu’ils étaient occupés par des femmes, ces métiers étaient peu rémunérés.

Si je ne prétends pas que nous avons achevé le travail, car nous en sommes loin, je peux vous apporter des éléments factuels, en m’appuyant sur le Ségur de la santé. Environ 1,5 million de salaires ont été revalorisés, ce qui est inédit dans notre histoire et représente quasiment 9 milliards d’euros de hausse de salaire par an. (Mme Danielle Brulebois applaudit.) Dans l’histoire de notre pays, c’est la plus grosse réduction d’écart de salaire entre les hommes et les femmes puisque 85 % de ces métiers sont exercés par des femmes.

Le Gouvernement et la majorité – élargie – sont fiers d’avoir adopté le Ségur de la santé, qui constitue une étape essentielle. Avec Brigitte Bourguignon, nous travaillons pour les aides à domicile. Avec Jean-Michel Blanquer, nous allons le faire pour tout le personnel scolaire. Nous avançons, monsieur le député. Il y avait un retard criant, de cinquante à soixante ans. Reconnaissez qu’une partie du chemin a été faite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

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