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Questions au gouvernement

Ehpad : il existe dans notre pays une maltraitance structurelle de nos aînés

À la suite des révélations publiées sur le groupe Orpea, la ministre déléguée chargée de l’autonomie a auditionné son président. Les faits sont gravissimes. Or cette affaire ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il existe dans notre pays une maltraitance structurelle de nos aînés, qui oblige à s’interroger sur les politiques conduites depuis trente ans en matière de dépendance.

En dépit des plans gouvernementaux successifs, les financements publics n’ont pas été à la hauteur. Ils ne l’ont pas été davantage ces cinq dernières années, alors que les professionnels ne cessent de vous alerter sur l’insuffisance du taux d’encadrement, sur la dégradation des conditions de travail et sur les difficultés qu’ils éprouvent à prendre en charge dignement les personnes âgées qu’ils accueillent.

Sur ce terrain propice, une poignée de grands groupes se sont engouffrés, avec la bénédiction des pouvoirs publics. Ils possèdent désormais 20 % des places en EHPAD et dégagent d’énormes bénéfices, sur le dos des salariés et des usagers. Pour servir leurs actionnaires, ils n’hésitent pas à réduire les coûts des repas, à raréfier les soins, à comprimer les salaires.

Nos aînés se trouvent ainsi pris en tenaille entre l’insuffisance des moyens publics et les exigences de rentabilité financière des acteurs privés. Comme d’autres avant vous, vous aviez promis une grande réforme de l’autonomie. Elle n’a pas vu le jour. (M. Jean-Hugues Ratenon acquiesce.)

Ma question appelle bien évidemment une réponse sur le scandale Orpea et sur la nécessité de mettre au pas le marché privé des maisons de retraite. Plus largement, au-delà du saupoudrage du Ségur de la santé et des mesures d’affichage (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM) , quels moyens concrets entendez-vous déployer pour soutenir les EHPAD publics et rendre enfin leur dignité à nos aînés en situation de perte d’autonomie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

M. le président.

M. Jean Castex, Premier ministre.

Je crois que nous avons tous été très frappés des accusations extrêmement graves portées contre le groupe Orpea. D’emblée, j’exprime ma compassion et ma solidarité aux résidents et à leurs familles, victimes de ces agissements.

Vous l’avez dit, Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, a convoqué les dirigeants du groupe, qu’elle a reçus aujourd’hui même. Devant la représentation nationale, j’affirme que nous ne resterons pas inactifs. S’agissant du groupe visé, la ministre déléguée a annoncé des mesures de deux ordres. D’abord, elle a missionné une enquête des Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS), relative notamment aux pratiques comptables et aux modalités de gestion du groupe. Ensuite, les agences régionales de santé (ARS) mèneront des contrôles dans tous les sites du groupe, au-delà de l’établissement où les faits dénoncés auraient été commis. Étant donné leurs compétences en matière d’établissements et de services dédiés aux personnes âgées, les conseils départementaux qui le souhaitent pourront s’y associer.

Plus structurellement, j’ai demandé au ministre des solidarités et de la santé de m’adresser des propositions sur le contrôle de l’ensemble du secteur.

Cher président Chassaigne, permettez-moi d’exprimer une nuance, que vous partagerez certainement : vous avez dit que cette affaire ne devait pas être l’arbre qui cache la forêt, mais il ne faudrait pas davantage jeter le bébé avec l’eau du bain. Vous le savez – vous connaissez ceux de vos territoires –, de nombreux EHPAD, partout en France, accueillent merveilleusement leurs résidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Dem et Agir ens.)

Il ne faut pas tout mettre dans le même paquet.

En revanche, vous avez raison de souligner que nous devons surveiller tout le monde, ce qui implique d’augmenter le nombre des contrôles et de les rendre plus performants.

Les professionnels du secteur l’ont dit, il faut également revoir les procédures d’accréditation.

Celles des établissements du secteur médico-social, qui nous occupent, devront sans doute évoluer pour se rapprocher de celles des établissements sanitaires.

Sur le fond, la prise en charge de la dépendance, il est exact que nous n’avons pas encore mené à bien la très grande loi autonomie, à laquelle nous aspirons tous. Néanmoins, nous avons posé des jalons essentiels. Nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) et lui avons affecté 2,5 milliards de crédits afin de renforcer les personnels. Dans le cadre du Ségur, les EHPAD ont bénéficié d’une autre enveloppe de 2,5 milliards, pour améliorer les locaux, les conditions de travail du personnel et la prise en charge des résidents.

Ce ne sont pas de petites mesures, monsieur Chassaigne. Nous sommes sur une trajectoire. Nous prenons cette affaire très au sérieux, car elle me scandalise autant que vous. Sur ce sujet comme sur les autres, mon Gouvernement sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

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