Monsieur le Premier ministre, l’Union européenne sert les capitaux et dessert les peuples. Ce n’est pas nouveau, certes, mais l’actualité nous donne six fois raison.
Premièrement, depuis deux mois, le projet Hercule, mené sous l’injonction de la Commission européenne menace EDF de démembrement et de privatisation. Deuxièmement, 2021 sera l’année du rail pour la Commission européenne – entendez : la mise en concurrence et la destruction des services publics de transport. Troisièmement, le 4 janvier, nous apprenions que, malgré de nombreuses oppositions, les négociations pour un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur se poursuivaient. Quatrièmement, le 4 février, une entreprise allemande a saisi un tribunal d’arbitrage parallèle, au titre du traité sur la charte de l’énergie, pour réclamer des contreparties aux Pays-Bas, qui ont voté une loi pour sortir du charbon. Cinquièmement, le même jour, on apprenait que l’Union européenne refusait de déroger aux brevets sur les vaccins anti-covid, empêchant une production massive de génériques. Sixièmement, le 8 février, un nouveau scandale d’évasion fiscale au Luxembourg éclatait.
Les députés communistes voient dans cet enchaînement non pas une coïncidence, mais autant d’éléments qui démontrent que le projet politique ultralibéral de l’Union européenne avance malgré la pandémie. Ce projet consiste à déréguler tous les secteurs, à protéger les investisseurs privés, sans se préoccuper de savoir s’ils pratiquent l’évasion fiscale, à privatiser les services publics et à signer des accords de libre-échange quoiqu’il en coûte socialement et écologiquement. Les droits des peuples passent après, même lorsqu’il s’agit de se battre pour obtenir un vaccin pour tous contre la covid-19.
Vous qui soutenez le même projet politique que celui de la Commission européenne, avez-vous conscience des dégâts que vous provoquez pour les humains et pour la planète ? Les peuples en ont assez ! Quand allez-vous enfin entendre que l’Europe ne peut devenir populaire qu’en s’émancipant de la logique des profits pour servir et pour protéger les peuples ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, vous décrivez une Europe qui n’est plus celle que nous sommes en train de faire changer et de construire.
M. Jean-Paul Lecoq. Pas du tout, cela date d’hier !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Je vous invite à changer de regard mais aussi, et surtout, d’action. Permettez-moi de répondre aux six exemples que vous a pris en en prenant six moi aussi, qui seront parfois les mêmes et parfois d’autres, et qui jettent un regard pour le moins plus nuancé sur l’Europe ultralibérale que vous décrivez depuis des années.
C’est d’abord le plan de relance que j’évoquais tout à l’heure, avec 750 millions d’euros, une dette commune et des ressources propres que nous mettrons en commun, notamment pour taxer ceux qui ne paient pas d’impôts aujourd’hui en Europe. Battons-nous ensemble pour cela. Nous avons déjà franchi cette étape et je ne pense pas que ce soit exactement l’Europe de l’austérité que vous dénoncez constamment.
M. Jean-Paul Lecoq. Attendez la suite !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Deuxième exemple économique de réponse à la crise : l’indépendance de la Banque centrale européenne,…
M. Sébastien Jumel. Répondez à la question !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. …dont vous avez constamment dénoncé les risques, est précisément ce qui lui a permis de prendre des risques pour défendre la croissance, nos emplois et nos entreprises, avec plus de 1 000 milliards d’euros d’injection monétaire dans l’économie depuis le mois de mars. Sans cela, l’Europe ne serait pas dans la même situation.
M. Sébastien Jumel. Et le Mercosur ?
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Le traité sur la charte de l’énergie, que vous évoquez, est encore un très bon exemple : avec la position que Franck Riester, Barbara Pompili et moi-même défendons, c’est la France qui a pris l’initiative d’envisager une sortie coordonnée si la négociation n’évolue pas, afin précisément d’éviter les situations que vous décrivez. Je vous renvoie sur ce point au courrier que la ministre de l’écologie et moi-même avons rendu public voilà quelques semaines. C’est, je le répète, une initiative prise par la France.
En matière d’accords commerciaux, nous ne sommes pas au bout de chemin et nous faisons aussi avancer le logiciel européen avec Bruno Le Maire et Franck Riester. Pour ce qui est du Brexit, pour la première fois, nous vérifions les conditions de concurrence équitable et leur respect. Quant à l’accord avec le Mercosur, nous y sommes opposés dans sa forme actuelle, précisément parce qu’il ne respecte pas, notamment, les exigences environnementales et sanitaires, comme Julien Denormandie, Franck Riester moi-même l’avons dit et redit.
Les vaccins sont également un bon exemple : l’Europe a acheté 25 % des doses mondiales. Ils arriveront et nous pouvons aider les pays qui n’y ont aujourd’hui pas accès.
Le numérique, enfin, est l’exemple exact d’une régulation européenne : nous agissons pour réguler les grandes plates-formes et leur faire payer des impôts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)