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Questions au gouvernement

Plan social à la Voix du Nord

Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, il y a huit jours, la direction du quotidien La Voix du Nord, troisième quotidien régional du pays, annonçait un plan massif de suppressions de postes.
Sur les 710 salariés, 178 sont menacés, soit 25 % des effectifs. Avec mes collègues du Nord, Alain Bocquet et Marc Dolez, nous condamnons les étrennes empoisonnées qu’offre ainsi le monopole Rossel à ses équipes.
L’intersyndicale dénonce un projet d’une ampleur aussi brutale qu’injustifiée. En effet, selon les mots mêmes du directeur, le groupe « gagne de l’argent » et « l’entreprise est rentable ».
Et pour cause : la société, qui détient de nombreux titres de presse, a dégagé 25 millions d’euros de bénéfices entre 2010 et 2015. Elle vient même de transmettre une offre pour le rachat de Paris-Normandie.
Son projet met en œuvre une recette bien connue des financiers : utiliser la masse salariale comme variable d’ajustement. (M. Jean Lassalle applaudit.) Le personnel déplore d’ailleurs un pur plan comptable, sans vision d’avenir et sans projet rédactionnel, qui met en danger l’existence même d’un journalisme de proximité et de qualité.
Madame la ministre, vous avez affirmé hier dans Les Échos n’avoir jamais été saisie d’un projet de plan à La Voix du Nord. Pourtant, la revue Regards a publié sur son site un document de la DIRRECTE, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – document qui avait mystérieusement disparu – qui affirme avoir été en contact avec la direction de l’entreprise dès juillet 2016. Qu’avez-vous fait depuis ?
La réalité, c’est que ce plan social est un cas d’école pour votre loi travail qui autorise désormais les licenciements économiques même quand un groupe réalise des résultats positifs ! (M. Jean Lassalle applaudit.)
Voilà l’action de votre ministère : satisfaire les revendications patronales en permettant de licencier les employés d’une entreprise bénéficiaire.
Dans un contexte dans lequel le pluralisme de la presse est en danger et dans lequel un autre journal régional historique du Nord-Pas-de-Calais, Liberté Hebdo, est aux abois, la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi travail, fragilise encore un peu plus le secteur au profit des financiers.
Madame la ministre, allez-vous enfin admettre la nocivité de cette loi et agir pour préserver l’emploi et l’avenir de la presse écrite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, car elle va me permettre d’être très claire sur un sujet qui le mérite. Je ne laisserai pas, sous prétexte que des élections se profilent, dire n’importe quoi sur le plan en cours à La Voix du Nord.
Mme Claude Greff. Bref, tout le monde dit n’importe quoi, sauf vous !
M. Christian Jacob. Ça fait vingt secondes de pris, c’est toujours ça !
Mme Myriam El Khomri, ministre. La désinformation dégrade le débat démocratique. Quand 178 personnes voient leur emploi menacé, le manque de rigueur intellectuelle devient une faute.
M. Christian Jacob. Et vous, vous en avez détruit combien ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Lorsqu’il y a 178 emplois en jeu, les délires complotistes n’ont pas voix au chapitre.
Comme vous, monsieur le député, je pense tout d’abord aux salariés de La Voix du Nord. Nous le savons tous : un plan de sauvegarde de l’emploi, un PSE, est toujours un moment extrêmement difficile, une épreuve pour les salariés concernés. Dès demain, ceux de La Voix du Nord seront reçus par mon équipe ainsi que par celle d’Audrey Azoulay.
M. Christian Jacob. Voilà qui va les rassurer !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous recevrons en effet les représentants des organisations syndicales, comme nous le faisons à l’occasion de chaque PSE. Nos équipes et mes services sont toujours en contact avec les directions, comme avec les organisations syndicales.
Monsieur le député, sur le fond, de quoi parlons-nous précisément ? Du motif invoqué par la direction : celui de la sauvegarde de la compétitivité. Or celui-ci ne constitue en rien un ajout dû à la loi travail : il remonte à une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1995. Pas depuis 2016, ni depuis 2005 !
M. André Chassaigne. Ça, c’est discutable !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Disons-le encore plus clairement : ce PSE aurait très bien pu être mis en œuvre avant la loi travail. Et permettez-moi d’ajouter ceci : aucun PSE n’a été retoqué par la DIRRECTE en question l’été dernier, tout simplement parce qu’aucun PSE ne lui a été transmis ! Celui-ci ne l’a été que le 10 janvier 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

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