Avant de donner la parole à Mme Elsa Faucillon, qui va intervenir au nom du groupe GDR, je souhaitais rendre hommage à André Lajoinie, qui nous a quittés aujourd’hui. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)
Député de l’Allier pendant près de vingt ans, président du groupe communiste de 1981 à 1993, président de la commission de la production et des échanges de 1997 à 2002, André Lajoinie fut une figure de notre vie politique et je voulais saluer sa mémoire avec vous. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Merci, madame la présidente : le groupe GDR, en particulier ses membres communistes, est très sensible à votre hommage.
Le 24 novembre 2021, Maryam, 24 ans, tentait de rejoindre son fiancé à Londres sur une embarcation de fortune, avant de s’enfoncer dans les profondeurs marines avec vingt-six autres hommes, femmes et enfants. Ils ont appelé les secours à plus de quinze reprises, mais personne n’est venu. Une enquête est toujours en cours pour mettre en lumière les responsabilités des autorités françaises et condamner les passeurs.
Le 23 octobre 2024, trois ans après ce naufrage et comme un refrain tragique, c’est une autre Maryam, un bébé d’un mois et demi, qui s’est noyé à la suite d’un naufrage. Les années passent et les naufrages se multiplient : soixante-douze personnes sont mortes en 2024, soit davantage que durant les cinq années précédentes. Face à l’indifférence quasi générale, faisons entendre leurs noms : Maryam, Bryar, Meron, Mayar, Sara, Ahmad, Hicham, Omar et tant d’autres, pères, mères, sœurs ou fils. Ce ne sont ni des accidents ni, monsieur le ministre de l’intérieur, de vulgaires « conséquences néfastes », mais le résultat de dizaines d’années de politique migratoire répressive (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS), qui fait de l’Europe une forteresse ceinturée de mers de sang, alors même que le droit international ne reconnaît pas de délit de séjour irrégulier en mer. La militarisation de la frontière n’a pas pour conséquence la diminution des départs mais l’augmentation des morts.
Les accords du Touquet font de la France le bras armé de la politique migratoire anglaise, alors même que la plupart de ceux qui parviennent à traverser jusqu’en Angleterre obtiennent le droit d’asile. Des enquêtes journalistiques ont révélé des agissements illégaux de certains membres des forces de l’ordre à l’égard d’embarcations.
Les élus du littoral ont confirmé, il y a quelques jours, la dangerosité et l’inutilité de ces pratiques violentes. Nous demandons d’urgence la création d’une commission d’enquête à ce propos.
Associations et élus locaux, notamment de Dunkerque, Wimereux et Grande-Synthe, réclament davantage de moyens pour la prévention et pour le déploiement de l’aide humanitaire, pas pour la construction de nouveaux centres de rétention administrative. Que sont devenus les propos du président de la République qui, le jour du naufrage de 2021, promettait que « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière » ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, dont les membres se lèvent, et sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, dont plusieurs membres se lèvent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche. (Vives protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche
Le sujet, dont chacun mesure la gravité, doit être abordé sans esprit polémique. Rappelons le déroulement des opérations de sauvetage en 2021, sous l’autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord : elles ont mobilisé de nombreux moyens de l’État, notamment ceux du Cross Gris-Nez et de la SNSM, ainsi que ceux de la marine britannique, comme c’est souvent le cas ; cependant, elles n’ont pas permis d’éviter le triste bilan que vous avez rappelé. (Exclamations répétées sur les bancs du groupe EcoS.)
M. André Chassaigne
Incroyable, le ministre de la pêche ! C’est une honte !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
Le Cross Gris-Nez a coordonné depuis 2018 plus de 5 000 opérations de recherche et de sauvetage. Les traversées se font dans des bateaux en très mauvais états, surchargés, sans brassières de sauvetage ni équipements de sécurité, et qui cherchent à éviter les services de l’État. Depuis 2022, les moyens de l’État ont été renforcés, en effectifs comme en navires. La priorité du gouvernement est, à terre, la répression déterminée et implacable des réseaux criminels qui tirent profit de ces tentatives de traversées. Sous l’autorité du ministre de l’intérieur, 280 passeurs ont été arrêtés depuis le début de l’année. Je salue la robustesse du dispositif de surveillance et de sauvetage en mer, qui permet chaque année de sauver de très nombreuses vies. (M. Pouria Amirshahi pointe son pouce vers le bas.)
Les femmes et les hommes qui s’y emploient quotidiennement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
M. André Chassaigne
C’est une honte que ce soit le ministre de la pêche qui réponde ! (M. André Chassaigne se tenant debout, tourné vers les bancs du gouvernement, les députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent aussi et l’applaudissent longuement tout en proférant de vives exclamations. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Brigitte Liso applaudit également.)