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Questions au gouvernement

Pénurie de médecins

Monsieur le ministre de la solidarité et de la santé, vous le savez, c’est un fait incontestable désormais : 11,6 % de la population française vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes. Un nombre plus important encore de nos concitoyens réside à plus de trente minutes d’un service d’urgence. L’accès aux soins est, de fait, la préoccupation majeure des Français. Elle s’était d’ailleurs imposée spontanément lors du débat national inventé pour étouffer la colère des gilets jaunes.
Si les déserts médicaux, leur cartographie et les réponses structurelles à y apporter font l’objet de débats réguliers entre nous, avons-nous pour autant tout essayé pour y remédier ? Nous ne le croyons pas. C’est dans cet esprit qu’avec les députés communistes et républicains, nous avons décidé de déposer une proposition de loi concrète et pragmatique, dont l’objectif est partagé ici sur de nombreux bancs.
Sans entrer dans les détails – nous en avons déjà parlé –, il s’agit d’adapter l’augmentation des formations en fonction des besoins de chaque région ; d’aider les jeunes à financer leurs études pour en démocratiser l’accès, en contrepartie d’une obligation d’installation temporaire dans les zones sous-dotées ; de généraliser une forme de conventionnement sélectif ; de renforcer les moyens des hôpitaux de proximité pour développer notamment les offres de spécialistes.
Monsieur le ministre, en commission, votre majorité est restée fermée à toute proposition, considérant que la suppression du numerus clausus était suffisante. Indispensable – tout le monde le dit –, cette mesure ne suffira pas. Dans ces conditions, doit-on dire aux Français qui habitent dans un désert médical qu’il leur faudra attendre dix ans ? Non, trois fois non !
Allez-vous bouger et répondre à l’appel du Président de la République qui, dans les Hauts-de-France le 19 novembre dernier, nous a invités – vous a invité – à être plus innovants et plus incitatifs, ou allez-vous, pour répondre aux lobbys, continuer à favoriser l’immobilisme pour que rien ne change ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – M. Alain David applaudit également.)

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le député, on peut me reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas d’être un médecin ministre de la santé qui répondrait aux lobbys. Je crois l’avoir démontré, puisque dans le PLFSS, les parlementaires ont adopté l’expérimentation de l’accès direct aux kinés et aux orthophonistes, par exemple, et la possibilité pour des orthoptistes de prescrire des lunettes. Il ne vous aura pas échappé que des corporatismes se sont élevés pour dire que nous allions trop loin. Je considère que nous n’allons pas trop loin, dès lors que nous améliorons l’accès aux soins des Français dans les territoires, sans renier la qualité, la sécurité et la continuité des soins ; nous continuerons à le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Nous continuerons à le faire, parce que notre pays a pris du retard en matière de pratique avancée et de coopérations interprofessionnelles.
Je suis en discussion avec des IADE – infirmiers anesthésistes diplômés d’État – dont j’entends la revendication légitime qui consiste à aller plus loin dans la prescription et à développer une forme de médicalisation de leur profession. J’aurai bientôt un rapport remis par l’Inspection générale des affaires sociales sur les professions infirmières spécialisées. Je suis absolument ouvert à toutes ces transformations, de la même manière que j’ai été ouvert au recours à la télémédecine. Reconnaissez-moi au moins le mérite d’avoir pris l’arrêté qui a permis de multiplier par cent, du jour au lendemain, le nombre de consultations de télémédecine !
Avec Frédérique Vidal, nous avons augmenté de 6 000 le nombre de postes d’aides-soignantes et d’infirmières en formation et de 2 500 le nombre de jeunes médecins en formation. Vous avez raison, il faut du temps pour former des médecins et la suppression du numerus clausus ne fait pas apparaître comme par magie des médecins par milliers dans les territoires. Néanmoins, nous continuons à renforcer la permanence des soins avec le service d’accès aux soins, expérimenté dans de nombreux territoires, qui fait participer les libéraux et les hospitaliers, avec une meilleure coopération des soins. Nous avons envoyé plus de 2 000 assistants médicaux dans les cabinets de ville pour libérer du temps médical.
Monsieur le député, nous avons eu l’occasion la semaine dernière à mon ministère de parler ensemble, ainsi qu’avec le président Chassaigne, de la coercition : je n’y crois pas. Pas par corporatisme, mais parce que dans une période de pénurie globale, empêcher des médecins de s’installer où ils le souhaitent pour les faire venir dans d’autres territoires, c’est créer des déserts médicaux et les renforcer là où ils sont déjà existants. Si pendant cinq ans vous empêchez des médecins de s’installer à Albi pour qu’ils aillent dans les montagnes, pas très loin d’Albi, vous renforcez les déserts médicaux à Albi, parce qu’on vous dira que là-bas aussi on manque de médecins. Oui à l’innovation, non à la coercition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

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