Mesures concernant les apprentis
Publié le 28 octobre 2025Ma question s’adresse à MM. les ministres du travail et de l’éducation nationale. Depuis 2018, la filière de l’apprentissage survit grâce aux exonérations de cotisations sociales salariales et patronales, grâce également aux subventions publiques. Entre 2018 et 2024, ces cadeaux sur le dos des finances publiques ont, pour l’État, multiplié le coût de l’apprentissage par 3,5. Vous avez annoncé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, la fin complète du dispositif d’exonération de cotisations pour les apprentis.
C’est l’aveu d’un échec cuisant : celui d’un modèle d’apprentissage pensé pour le patronat et perfusé à l’argent public. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je ne parle pas là des petits patrons de nos commerces de proximité, mais de ces groupes qui utilisent les contrats d’apprentissage pour remplacer des emplois pleins et entiers, emplois surexposés, qui plus est, aux risques d’accidents du travail.
Que la création d’emplois ne saurait se faire au détriment de la sécurité sociale, nous en partageons bien évidemment le constat. Vos revirements brutaux ont cependant un coût : Léa, 17 ans, apprentie pâtissière, moins 146 euros par mois ; Joachim, 21 ans, chaudronnier, moins 188 euros par mois ; Salim, boulanger de 18 ans, moins 161 euros par mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Qui peut vivre avec 613 euros par mois ? Et ce sont d’adultes dont je parle !
Cela s’ajoute à une pléthore de mauvais coups : gel des minima sociaux, gel de l’APL, fin de l’aide à 500 euros qui aidait les apprentis à payer le permis de conduire.
Nos jeunes ne seront plus la variable d’ajustement de votre budget de casse et de classe ! (Mêmes mouvements.)
Dans l’immédiat, ce sont des avenirs professionnels menacés et des filières d’excellence mises sur la sellette !
La voie de l’apprentissage arrive à un tournant et il va falloir la repenser : soit les apprentis sont considérés comme des travailleurs et ils doivent alors être payés dignement dans un cadre légal que nous devrons clarifier, soit ils doivent apprendre leur métier à l’école et dans les ateliers. Cela, en tout état de cause, ne saurait se jouer à coups d’amendements à un funeste PLFSS. Il nous faut une vision et une perspective : quelle est la vôtre ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Avant de vous répondre sur le fond, permettez-moi de le dire clairement : je pense que la politique d’apprentissage est un vrai succès dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Nous sommes passés de 400 000 à plus de 1 million d’apprentis. Nous avons ouvert une véritable nouvelle voie de formation : 10 % des diplômés sont maintenant issus de l’apprentissage. Je tiens à remercier tous les parlementaires qui ont permis à notre pays de s’engager dans ce succès.
Le contexte économique est difficile et, en tant que ministre du travail et des solidarités, je me dois évidemment de m’assurer que l’argent des Français est utilisé à bon escient. La politique d’apprentissage doit répondre à cet engagement et nous devons veiller à ce que chaque euro fléché dans cette politique permette d’améliorer l’insertion des jeunes dans le monde professionnel.
Je suis sensible, comme vous, à l’enjeu du financement de notre système de protection sociale et d’équité des actifs. Tout travail mérite cotisation : c’est là, en quelque sorte, le principe général. Dans ce cadre, l’exonération des cotisations salariales en faveur des apprentis représente un coût important de 1,6 milliard d’euros.
Les apprentis disposent des mêmes droits contributifs que les salariés sans y contribuer à proportion de leur rémunération : il est donc à tout le moins légitime que nous puissions débattre d’une cotisation à hauteur des droits sociaux dont ils bénéficient – même si j’entends également vos arguments sur ce point.
Je tiens également à vous rappeler que les salariés à temps partiel, lorsqu’ils sont étudiants, ne disposent pas de cette exonération : l’apprentissage constitue ainsi une vraie exception méritant qu’on en débatte, de manière constructive. Je serai d’ailleurs ravi de vous recevoir dans mon ministère afin de chercher comment renforcer davantage encore l’apprentissage dans notre pays.