Monsieur le Premier ministre, je souhaite, en premier lieu, associer le groupe de la Gauche démocrate et républicaine aux hommages rendus aux deux soldats morts pour la France.
Après la question de Jean-Paul Lecoq, la semaine dernière, et grâce à une très forte mobilisation de la société civile, d’associations, d’ONG, de Havraises et de Havrais, le Bahri Yanbu, cargo saoudien, n’a pu charger sa cargaison de la honte destinée à la guerre saoudienne au Yémen contre les civils, cette guerre où un enfant meurt toutes les cinq minutes.
Comment peut-on affirmer que les armes françaises ne tuent pas les civils, alors que vos ministres déclarent que cette guerre est sale ?
Faut-il répéter que le traité sur le commerce des armes dispose qu’il n’y a pas besoin de preuves, que les risques seuls suffisent pour interdire les exportations d’armes ? L’ONU – l’Organisation des Nations Unies – le dit sans ambages. Faut-il répéter que la position commune de l’Union européenne sur les ventes d’armes spécifie qu’un État membre refuse l’autorisation d’exportation s’il existe un risque – seulement un risque – manifeste que les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à commettre des violations graves du droit international ?
Comment peut-on affirmer que les armes françaises ne tuent pas les civils, alors que vos ministres déclarent que cette guerre est sale ? Si elle est sale, c’est bien parce qu’aucun des belligérants ne respecte le droit international.
Voilà pourquoi les députés communistes demandent : la suspension immédiate de toute livraison d’armes ; l’intensification des démarches diplomatiques de concert avec l’ONU pour obtenir un cessez-le-feu ; des actions humanitaires d’urgence ; des négociations de paix immédiates dans lesquelles la France jouerait un rôle majeur, au vu des relations d’amitié qu’elle entretient avec l’Arabie saoudite.
Les Français ne veulent plus être complices de crimes contre l’humanité et ils vous le font savoir. Allez-vous les écouter ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Avant de répondre, permettez-moi de dire que je partage l’émotion et l’admiration exprimées à l’instant par les députés, par la ministre des armées et par vous, monsieur le président de l’Assemblée nationale, pour l’ensemble des militaires français et particulièrement pour les deux marins qui, au péril de leur vie, ont sauvé celle de Français et celle de deux otages de nationalité américaine et sud-coréenne. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Vous m’interrogez, monsieur le président Chassaigne, sur la situation au Yémen et sur les ventes de matériels de guerre qui peuvent être autorisées à destination de certains pays étrangers. Vous avez raison lorsque vous décrivez la situation au Yémen comme épouvantable : elle est en effet non pas préoccupante mais dramatique. Et les effets de cette guerre terrible sur l’ensemble du pays ne cessent de s’aggraver. Tout cela appelle des initiatives internationales, politiques, diplomatiques et humanitaires, auxquelles la France participe et continuera de participer, car son objectif est bien entendu – et je crois que nous pouvons nous retrouver sur ce point – de faire en sorte que la situation politique puisse être résolue dans la péninsule soumise à ce conflit meurtrier.
Vous m’interrogez plus précisément sur la cession de matériel de guerre à destination de l’Arabie saoudite et du Yémen. Vous savez qu’elle est drastiquement encadrée par le droit français. Les conditions de vente d’armes à l’étranger sont d’ores et déjà encore plus contrôlées qu’auparavant, par un organisme placé auprès du Premier ministre : la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, qui veille à autoriser, dans le respect du droit international, les ventes de matériels de guerre aux pays qui veulent les acheter.
Nous avons intensifié les contrôles. Vous connaissez la règle : l’exportation des armes est interdite sauf autorisation expresse. L’autorisation de vendre est donc l’exception, toujours accordée après un examen exigeant.
La France respecte ses engagements internationaux. Ce ne sont pas des engagements théoriques : nous avons été très clairs avec les autorités des pays concernés sur le fait que nous étions particulièrement attentifs aux conditions d’emploi des matériels que nous cédions ou, plus exactement, dont nous autorisions la cession.
Je tiens en outre à vous dire le plus clairement possible, monsieur le président Chassaigne, d’une part, que la cession des matériels de guerre n’est pas la condition de la résolution du conflit au Yémen, et vous le savez très bien, d’autre part, que réduire la relation entre la France, l’Arabie saoudite et le Yémen à la cession d’armes n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés collectivement, et vous le savez tout aussi parfaitement. Nous avons en effet noué des partenariats historiques et stratégiques avec ces pays, concernant la protection de nos ressortissants et la sécurité de nos approvisionnements énergétiques – je souligne au passage que les actes de sabotage commis le 12 mai dernier contre quatre navires, en mer d’Oman, dans les eaux territoriales émiriennes, sont évidemment préoccupants. Ces accords concernent en outre notre présence militaire – je pense bien sûr au déploiement de près de 900 de nos militaires aux Émirats.
Nous nous montrerons donc extrêmement exigeants et déterminés à faire en sorte que le droit international soit respecté en ce qui concerne les cessions d’armes.
Et nous serons également des plus déterminés à prendre toute notre part dans la résolution politique et diplomatique de ce conflit terrible qui n’a que trop duré. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)