Monsieur le ministre, ce soir à Rouen, les habitants manifesteront à nouveau pour demander du respect. Hubert Wulfranc sera à leurs côtés. Chez moi en Pays de Bray, chez Fabien Roussel dans les Hauts-de-France, les appels de détresse des producteurs se multiplient. Éleveurs, maraîchers, apiculteurs – toutes les filières font ce constat : au 8 octobre, douze jours après l’incendie de l’usine Lubrizol, dix jours après la décision d’interdire la vente des produits agricoles issus des communes touchées par la suie, pas un centime d’indemnisation n’a été versé – zéro !
Vous avez déclaré, à Rouen, que les agriculteurs sont victimes de cet accident : M. de La Palice n’aurait pas dit mieux ! Vous avez annoncé qu’ils seraient indemnisés rapidement, et ils ont accepté, en responsabilité, l’application du principe de précaution. Leurs organisations, l’interprofession du lait, la chambre d’agriculture se sont mobilisées.
Mais voilà, le Gouvernement, lui, en est encore à chercher dans les tiroirs le mode d’emploi de la solidarité nationale sonnante et trébuchante. « On étudie les possibilités juridiques de vous aider » : voilà ce qu’on répond à des producteurs livrés à eux-mêmes, avec leurs mers de lait à détruire, et à des maraîchers qui ne vendent plus.
Je vous le dis avec une forme de colère : dans les fermes exsangues, ceux pour qui la loi EGALIM – loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible – n’a rien réglé auront du mal à passer le cap de cette crise dans la crise.
Monsieur le ministre, faire payer les pollueurs, tout le monde en est d’accord. Vous discutez avec Lubrizol – dont acte. En attendant, néanmoins, la solidarité nationale doit prendre le relais. Il y a urgence.
Allez-vous attendre la Saint-Glinglin pour cesser de chercher à nous rassurer et enfin débloquer des aides concrètes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Plusieurs députés du groupe GDR. Cette fois, il doit répondre à la question posée !
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Merci à vous et à vos collègues pour votre engagement dans ce dossier, monsieur le député. J’ai pu le percevoir à Rouen la semaine dernière.
À la suite de cette catastrophe industrielle, le Premier ministre a immédiatement pris ses responsabilités. Le Gouvernement a été mobilisé, et nous avons tout fait pour informer, dans la plus grande transparence, l’ensemble des habitants de ce territoire. Vous m’interrogez toutefois en particulier sur l’agriculture.
Je peux vous dire très concrètement ce qu’il en est aujourd’hui : nous n’attendrons pas la Saint-Glinglin, puisque des mesures très précises ont déjà été prises. Nous avons monté une cellule de crise, qui s’est réunie hier pour la première fois et regroupe l’ensemble de la profession agricole et des responsables, qui sont favorables à cette démarche.
M. Sébastien Jumel. L’interprofession a agi, pas le Gouvernement !
M. Didier Guillaume, ministre. Pour le lait, les choses sont réglées : les avances sont faites, et aucun éleveur ne sera laissé sur le bord du chemin. Nous l’avons dit, et je le répète ici : les agriculteurs ne sont pas les responsables, mais les victimes. Or les victimes ne doivent pas payer un seul centime. Tout est aujourd’hui sous séquestre.
Vous m’interrogez sur le maraîchage et l’arboriculture : les choses progressent. Aujourd’hui même, le chef de l’entreprise Lubrizol rencontre mes collaborateurs au ministère de l’agriculture afin d’évoquer ce dossier. Je recevrai les organisations professionnelles agricoles jeudi après-midi, et dès la fin de cette semaine ou dans le courant de la semaine prochaine, les premières indemnités seront versées.
Parce que les agriculteurs sont les victimes, il est hors de question qu’un seul d’entre eux mette la clef sous la porte à cause de cette catastrophe industrielle. La solidarité sera totale. Peu importent les canaux par lesquels l’argent sera versé : les avances seront faites. À terme, les pollueurs seront les payeurs, mais en attendant, la solidarité jouera pleinement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M. Sébastien Jumel. Demain, à Neuville-Ferrières, je réunirai les agriculteurs – parce que rencontrer leurs représentants c’est bien, mais réunir les agriculteurs, c’est mieux –, et vérifierai si vos propos concernant les producteurs laitiers se vérifient effectivement dans ma circonscription.
Par ailleurs, monsieur le ministre, les larmes de crocodile devant Au nom de la terre, le merveilleux film avec Guillaume Canet, c’est bien, mais un État protecteur, c’est mieux. Ce que nous demandent les agriculteurs, c’est d’indemniser sans attendre. Indemnisez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)