Ma question s’adresse au ministre délégué chargé des transports. Voilà un an, une commission d’enquête sur le fret ferroviaire, dont le rapporteur était notre excellent collègue Wulfranc, a démontré que le démantèlement de l’opérateur public de fret ferroviaire était une impasse. En 2019, déjà, le Gouvernement s’était alarmé : « la libéralisation du secteur […] s’est largement fait[e] au détriment […] de la part modale du fret ferroviaire ».
À l’heure où le transport de marchandises par rail est une impérieuse nécessité pour répondre à l’urgence climatique, le chemin emprunté est une folie : devançant la Commission européenne, alors que nous pouvions encore négocier, le précédent gouvernement a proposé la mort de l’opérateur historique ; plus encore qu’une aberration, c’est un crime contre l’environnement ! Toute la filière en sera déstabilisée.
Comment la France pourra-t-elle atteindre le doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030 en liquidant son propre opérateur au profit d’une libéralisation du transport de marchandises qui favorise la route ? Comment peut-on accepter que la nouvelle entité créée ait l’interdiction de candidater sur les vingt-trois circulations livrées à la découpe, qui n’ont pourtant pas toutes trouvé preneur chez d’autres opérateurs ferroviaires ? Comment est-il possible d’annoncer des objectifs de réindustrialisation si l’on ne préserve pas cet outil précieux de transport par le rail, qui répond non seulement aux besoins des grands secteurs de la métallurgie, de la chimie et du nucléaire, mais aussi aux enjeux du wagon isolé ? Pourquoi n’entend-on pas les salariés et leurs organisations syndicales, qui montrent l’incohérence d’un tel démantèlement, au moment où un groupe intégré fret-voyageurs-infrastructure se révèle nécessaire, car seul à même de répondre à la demande profonde de déplacements décarbonés par le train ?
Le processus dit de discontinuité n’est pas autre chose que la casse du service public de fret ferroviaire, et c’est un échec. Le nouveau gouvernement va-t-il prononcer un moratoire sur ce processus, afin de se donner du temps et de prendre langue avec la nouvelle commissaire européenne ?
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Merci pour votre question. Vous le savez, la transformation du fret ferroviaire est une opération qui répond à une obligation européenne. (« Non ! » sur les bancs du groupe GDR.)
M. André Chassaigne
Il n’y a pas d’obligation !
Mme Catherine Vautrin, ministre :
Vous venez vous-même de faire allusion au travail de la commissaire européenne.
Le Gouvernement suit ce dossier avec la plus grande attention. Mon collègue François Durovray est à l’écoute non seulement de la Commission européenne – conformément à la demande de M. le premier ministre, chaque membre du gouvernement a d’ailleurs pris rendez-vous avec le commissaire ayant le même domaine de compétence –, mais aussi, bien évidemment, de l’établissement SNCF et des partenaires sociaux.
Je tiens à être parfaitement claire : cette opération ne donnera lieu à aucun licenciement. Les 500 cheminots concernés – chacun connaît le savoir-faire des cheminots – seront repris dans les activités de la SNCF. D’autre part – vous avez insisté avec raison sur ce point –, il n’y aura pas de report modal vers la route, tous les flux concernés étant maintenus sur le rail. (Quelques députés du groupe GDR font de la main un signe de dénégation.) C’est un enjeu majeur de décarbonation pour notre pays.
À un moment où l’argent public est rare – nous l’évoquons dans de nombreuses questions –, je rappelle que l’engagement financier de l’État est très important, et même sans précédent : 370 millions d’euros dès 2025, dont 100 millions consacrés spécifiquement au wagon isolé. Par ailleurs, le programme Ulysse Fret, qui vise précisément à moderniser le réseau, mobilisera 4 milliards sur dix ans.
Non seulement le ministre des transports poursuit ce dialogue constructif, mais le Gouvernement est déterminé à faire du fret ferroviaire un pilier majeur de notre stratégie de décarbonation des transports. Cette transformation, assortie d’une garantie sociale, est une étape indispensable.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Madame la ministre, ce n’est pas vrai : cinq circulations n’ont pas trouvé de preneur et sont donc reportées sur la route. La dette dont vous parlez aurait pu être négociée, et vous pouvez encore demander un moratoire, sachant qu’il y a un nouveau gouvernement en France et une nouvelle commissaire européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. – M. Alain David applaudit également.)