M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre Gosnat. Monsieur le garde des sceaux, un homme, Philippe Galano, aujourd’hui présent à l’Assemblée nationale, est convoqué le 17 mars prochain au tribunal de Perpignan.
Sa faute est double. D’une part, c’est un militant syndical, condamné voici huit ans pour s’être opposé à la privatisation de la société des Autoroutes du sud de la France, dont il était salarié.
M. Lucien Degauchy. Il a eu tort !
M. Pierre Gosnat. D’autre part, il ne veut pas se soumettre aux prélèvements génétiques, considérant qu’il n’est ni un voleur, ni un violeur, ni un assassin. Or, son refus de se soumettre à ces prélèvements risque de le conduire en prison.
Ne trouvez-vous pas, monsieur le garde des sceaux, que ce cas, qui n’est pas unique, pose un véritable problème de libertés publiques ? Mon propos n’est pas de contester la nécessité du fichier national des empreintes génétiques, que l’actualité démontre malheureusement, mais de vous interroger sur les conditions de sa mise en œuvre. En effet, 1,2 million de personnes sont désormais enregistrées dans ce fichier qui ne comptait que 2 000 empreintes en l’an 2000, soit une progression de 30 000 personnes par mois - avec ce que cela peut comporter de suspicieux et de dégradant pour un grand nombre d’entre elles, innocentes dans la plupart des cas.
En outre, cette pratique systématique du prélèvement génétique peut constituer, ainsi qu’on le constate dans le cas de M. Galano, une arme contre l’action syndicale et associative, une arme contre la démocratie.
C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi tendant à exclure les responsables syndicaux de l’obligation de ces prélèvements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le garde des sceaux, quel est votre avis sur le sujet ? Plus généralement, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de permettre à chaque personne, notamment lors de la garde en vue, de faire appel à un juge qui déciderait s’il y a lieu ou non de procéder à de tels prélèvements, afin que le droit l’emporte sur l’arbitraire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, nous serons au moins d’accord sur un point : le droit et le respect de la loi s’imposent à tous. (" Très bien ! « sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La personne dont vous parlez a été condamnée à trois mois d’emprisonnement avec sursis pour les délits d’enlèvement et de séquestration, ainsi que de recel de biens provenant d’un vol. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement est, comme vous, très attaché au respect de la liberté syndicale. J’observe toutefois que ce jugement a sanctionné, non pas des engagements syndicaux, mais des manquements à la loi. Je suis donc défavorable à votre proposition de loi, qui créerait une immunité pour toutes les infractions commises dans le cadre de l’action syndicale, laquelle doit s’exercer dans le respect de la loi.
À la suite de cette condamnation, et conformément à la loi, la personne en cause a été convoquée pour un prélèvement biologique, en vue de son enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques. Je rappelle que ce fichier n’a rien à voir avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS, auquel vous avez fait allusion. Créé par la loi Guigou ( » Ah ! " sur plusieurs bancs du groupe UMP) de 1998, il vise à recueillir les empreintes génétiques des personnes impliquées dans les infractions pénales. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé, le 16 décembre 2010, la liste des infractions concernées, considérant que les personnes visées n’étaient pas soumises à une rigueur non nécessaire et que le prélèvement ne portait pas atteinte au principe de la liberté individuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Questions au gouvernement