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Questions au gouvernement

Dialogue social

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de rendre hommage aux trente-trois femmes députées, dont dix-sept communistes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), élues le 21 octobre 1945.
Parmi elles, Raymonde Nédelec-Tillon, dernière députée survivante de cette assemblée. Elle fêtera demain ses cent ans. Nous lui souhaitons un bel anniversaire ! (Applaudissements sur tous les bancs.)
C’est au nom des valeurs de justice et de liberté qu’elle a défendues au cours de son mandat que nous interrogeons le Gouvernement.
La violence sociale subie par les salariés d’Air France, qui seront demain devant notre assemblée, est symptomatique de la rupture avec le monde du travail, une rupture installée malgré la conférence sociale qui se tenait ce lundi et les efforts de mise en scène du dialogue social qu’on y a déployés.
Monsieur le Premier ministre, pour qu’il y ait dialogue social, une exigence s’impose : un respect mutuel des parties prenantes.
Faut-il rappeler la loi Macron, qui généralise le travail dominical et renforce les pouvoirs patronaux en matière de licenciements économiques – loi qui revient sur le devant de la scène avec un projet de décret complexifiant l’accès à la justice prud’homale ?
Faut-il rappeler la loi Rebsamen, inspirée du texte rédigé par le MEDEF après son rejet par les organisations syndicales ?
Faut-il rappeler la signature récente de l’accord sur les retraites complémentaires, qui coûtera 300 millions d’euros au patronat mais 5,7 milliards aux salariés et retraités, et qui repousse de fait l’âge du départ à la retraite à 63 ans ?
Le dialogue social nécessite que le Gouvernement permette l’émergence d’un compromis. Pour cela, il ne faut pas prendre systématiquement le parti des employeurs.
N’est-il pas urgent que le Gouvernement prenne – enfin ! – en compte les revendications du monde du travail pour renouer avec le progrès social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez eu raison, monsieur le président Chassaigne, de rendre hommage aux premières femmes élues dans cette assemblée, dont vous partagez, je n’en doute pas, l’exigence de justice sociale et de vérité.
Avec le Président de la République, avec Mme Myriam El Khomri, la ministre du travail, et plusieurs membres du Gouvernement, nous avons tenu la conférence sociale au début de cette semaine. Cette conférence a permis de bien travailler sur des sujets qui concernent d’abord les salariés, mais aussi les entrepreneurs, notamment la préparation de ce rendez-vous essentiel pour la France et pour l’humanité qu’est la COP 21, et la réflexion que nous devons mener ensemble, dans l’intérêt des salariés eux-mêmes, sur les changements profonds introduits par le numérique dans le travail et dans l’entreprise et sur la nouvelle France industrielle que nous devons bâtir pour apporter compétitivité et richesse à nos entreprises.
Surtout, nous avons évoqué le compte personnel d’activité, que Myriam El Khomri a présenté et qui vise, peut-être l’avez-vous oublié, à ouvrir de nouveaux droits aux salariés. L’idée d’une sécurité sociale professionnelle est d’ailleurs une vieille idée soutenue par le monde syndical.
Il est à cet égard assez étonnant – mais n’y voyez aucune allusion à la question que vous venez de poser – que l’organisation qui a beaucoup défendu cette idée ait été absente de la conférence sociale.
L’accord sur les retraites complémentaires que vous évoquez est un accord entre partenaires sociaux. S’il n’était pas intervenu, nous aurions été plongés dans une très grande difficulté non seulement pour assurer l’avenir des retraites complémentaires, mais aussi, du point de vue juridique, pour savoir quelle autre réponse apporter. Je rappelle qu’il a été conclu entre, d’un côté, le patronat, le MEDEF, et, de l’autre, des organisations syndicales.
Puisque vous parlez de respect, permettez-moi de vous inviter à respecter, comme nous nous employons tous à le faire, à respecter l’ensemble des organisations syndicales.
Car il n’y a pas une seule organisation syndicale, il y en a plusieurs !
Alors oui : respect, vérité et responsabilité, monsieur le président Chassaigne ! Dans ce moment que nous décrivons tous comme difficile pour le pays et qui exige du dialogue, de l’écoute, du respect pour les salariés, il est essentiel que les partenaires sociaux se respectent mais assument aussi leurs responsabilités en signant des accords. C’est le seul moyen d’avancer, et d’ailleurs on en signe beaucoup dans les branches et dans les entreprises. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avancer aussi au niveau interprofessionnel.
Oui, respect, écoute des directions comme des salariés, respect de ceux qui les représentent, respect du dialogue social.
C’est le seul message que je veux vous faire passer : à un moment où certains mettent profondément en cause le pacte social, veulent en finir avec le paritarisme, contestent les syndicats et le dialogue social, il est essentiel que tous ensemble, notamment les forces de gauche et de progrès, nous fassions vivre le dialogue social.
Le respect de tous, c’est le meilleur moyen pour avancer ; c’est le meilleur vecteur de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)

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