Monsieur le ministre des affaires étrangères, après des années de mobilisation, les ONG, les associations, les syndicats, les partis politiques ont permis que, le 22 janvier dernier, entre en vigueur le TIAN, le traité d’interdiction des armes nucléaires. Après le vote de 122 États en juillet 2017 et la ratification du cinquantième État il y a quatre-vingt-dix jours, nous y sommes : les États détenant des armes nucléaires entrent dans l’illégalité.
Ce traité crée une dynamique à la fois pour les États non dotés, qui n’en peuvent plus de cette inégalité – le diable se cache dans les délais, disait récemment un de nos collègues –, et pour les peuples qui, partout sur la planète, se battent pour un monde plus pacifique et libéré de cette épée de Damoclès nucléaire.
Et ce n’est qu’un début ! La démonstration a été faite de la dangerosité de cette arme lorsqu’on a appris que la présidente de la chambre des représentants des États-Unis a appelé les militaires américains à la désobéissance en cas d’ordre d’attaque nucléaire donné par le président Trump. Que dire, par ailleurs, de la cyberattaque subie récemment par les États-Unis, qui aurait abouti au vol de données ultrasensibles relatives à ces armes ? Toutes les conditions sont réunies pour prendre conscience des risques et pour évoluer vers un désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace, comme l’exige l’article 6 du traité de non-prolifération, dont le TIAN permet la mise en œuvre concrète.
Les députés communistes considèrent que les initiatives bilatérales à l’image du traité New Start entre la Russie et les États-Unis – que ces derniers ont proposé la semaine dernière de proroger – sont importantes, mais encore insuffisantes. Monsieur le ministre, la France va-t-elle finir par reconnaître cette norme de droit international et rejoindre la dynamique partagée par certains membres de l’Union européenne ? Comment respecter le principe de bonne foi du traité de non-prolifération sans vous appuyer sur le TIAN ? S’inscrire dans cette dynamique n’est-il pas le meilleur moyen pour la France de devenir un leader pour la paix en poussant les autres États dotés à participer à ce traité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le député, la France n’a pas participé aux négociations du traité TIAN. La France n’est pas partie à ce traité, et la France n’adhérera pas à ce traité.
Dès lors, ce traité n’emporte pour nous aucune obligation juridique. Cette position, constante pour notre pays, est partagée par nos principaux partenaires internationaux. Nous estimons que le TIAN n’apporte aucune plus-value de sécurité dans un contexte stratégique marqué par la dislocation de l’architecture internationale de sécurité et par les risques liés à la prolifération des armes nucléaires.
Comme il ne comporte ni instrument de vérification ni instrument rigoureux de clarification, ce traité n’apportera aucune contribution concrète aux efforts que nous réalisons en vue d’un désarmement nucléaire réaliste, lequel ne peut se faire qu’étape par étape. C’est cette voie que nous avons suivie avec le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires auquel nous sommes partie prenante et que nous voulons voir renforcé. Entré en vigueur en 1970, il a permis des avancées et c’est ce cadre d’action-là qu’il importe de préserver. Depuis vingt-cinq ans, des mesures concrètes et substantielles font que notre bilan en matière de désarmement nucléaire est particulièrement exemplaire parmi tous les États dotés de telles armes. Ces mesures ne sont pas récentes et remontent à des présidences antérieures : pensons à la fin de la composante terrestre, au démantèlement des sites de production de matières fissiles ou à la fin des essais nucléaires.
C’est cette logique qui a guidé le Président de République dans le discours qu’il a prononcé à l’École de guerre en février dernier. Il a proposé un agenda concret pour progresser dans la voie du désarmement nucléaire parce que, monsieur le député, le désarmement nucléaire ne se décrète mais se construit pas à pas. Nous aurons l’occasion d’œuvrer encore dans ce sens lors de la Conférence d’examen des parties au traité sur la non-prolifération qui se tiendra en 2021. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)