Actualités

Questions au gouvernement

Conférence de presse de François Hollande

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a annoncé hier un programme d’accélération des réformes libérales. Il n’entend plus corriger les excès du marché, comme le veut la traditionnelle posture social-démocrate, mais bel et bien permettre au marché d’asseoir la suprématie de ses intérêts sur l’ensemble de la société.
Il a ainsi annoncé une baisse de 30 milliards d’euros des cotisations familiales. Il est illusoire de croire que cela créera des emplois, tant nos entreprises sont durablement sous le joug de la finance, qu’il avait justement désignée comme l’ennemi lors de la campagne présidentielle.
Il a, par ailleurs, fixé comme objectif une baisse de 50 milliards d’euros des dépenses publiques, par la réduction des dépenses de santé et le corsetage des collectivités territoriales. Or près d’un quart du pouvoir d’achat des ménages résulte de la prise en charge publique des frais de santé, d’éducation, de logement et de transports.
Ce faisant, le Président de la République inscrit le Gouvernement dans les pas de ses prédécesseurs, reproduisant les mêmes erreurs qui perpétuent la situation de crise. Or des solutions existent, et ce sont des solutions de gauche.
Je pense d’abord à la modulation de l’imposition et des cotisations des entreprises : cela veut dire moins d’impôts pour les entreprises qui investissent et créent de l’emploi, et plus d’impôts pour celles qui versent de juteux dividendes à leurs actionnaires.
Je pense également à l’augmentation des salaires et des pensions pour soutenir la demande intérieure, dans l’intérêt bien compris de tous, y compris des entreprises.
Je pense enfin à l’abaissement du coût du capital qui pèse sur notre économie et pénalise l’investissement. La rémunération excessive des actionnaires est indécente.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas reprendre ces propositions pour conduire une politique de gauche, sortir de la crise, créer des emplois et répondre aux attentes de ceux qui ont voté pour le changement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président Chassaigne, vous posez une question importante. Je voudrais vraiment essayer de vous convaincre que notre action vise à répondre à l’attente, parfois angoissée, de ceux qui sont au chômage et qui veulent aussi préparer l’avenir de leurs enfants.
Tout d’abord, pour moi, la gauche, quel que soit son nom, qu’elle soit socialiste, sociale-démocrate ou communiste, ne signifie pas toujours plus de dette et plus de déficit. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je sais que ce n’est pas non plus votre conception, monsieur Chassaigne. Il vous arrive de gérer des collectivités locales : vous le faites souvent très bien, et avec un esprit de responsabilité.
Pourquoi voulons-nous faire reculer les déficits et la dette ? Vous venez justement d’y faire allusion : comme le Président de la République, je ne veux pas que la France soit dans la main des marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Plus nous baisserons les déficits, moins nous emprunterons et plus le niveau des taux d’intérêt sera acceptable. Le Président de la République l’a rappelé hier. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous pouvez vociférer. Mais quelle est l’origine de cette situation ? D’où viennent les 6 milliards d’euros de dettes supplémentaires, sinon de votre gestion ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) D’où vient cette augmentation de la dépense publique à hauteur de quatre points de la richesse nationale, sinon de votre responsabilité ? C’est cela qu’il faut changer !
Pourquoi faut-il changer cela ? Parce que je veux que notre pays retrouve de la marge de manœuvre pour financer ses priorités.
Le montant que nous dépensons chaque année au titre des intérêts de la dette est supérieur au budget de l’éducation nationale.
Vous avez raison, monsieur Chassaigne, de dire que notre défi est de préparer l’avenir et de financer nos priorités. Parmi nos priorités figure la refondation de l’école. Ce matin, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, présentait un plan contre le décrochage scolaire. Croyez-vous qu’il soit acceptable que 20 % des jeunes enfants subissent l’échec scolaire ?
C’est un échec pour eux, pour leur famille et pour la France. Pour remonter la pente, il faut des moyens, il faut des marges de manœuvre : c’est comme cela que nous allons les trouver.
Ne dites pas, monsieur Chassaigne, que nous ne luttons pas contre la finance aveugle. La finance aveugle, c’est celle des subprimes, de la spéculation, de ces produits financiers toxiques que nous avons voulu corriger à travers la loi bancaire.
Le premier pays à avoir séparé la gestion des prêts à l’économie et à l’investissement de tous les autres produits spéculatifs, c’est le nôtre. C’est nous qui avons engagé ces réformes ! C’est nous qui voulons que la finance soit au service de l’investissement et de la dépense publique utile ! C’est nous qui avons mis en place la Banque publique d’investissement ! C’est nous qui luttons contre la fraude fiscale et contre les paradis fiscaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, monsieur le président Chassaigne, nous pouvons faire un chemin ensemble. Le chemin est difficile, exigeant, mais il y va de notre responsabilité. Le pacte de responsabilité proposé aux entreprises comme aux partenaires sociaux n’a d’autre but que de donner de l’espoir, de la confiance, et d’abord de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques