Monsieur le premier ministre, hier soir, au milieu d’une logorrhée aussi indigeste qu’insipide, le président Macron a tranché durement en refusant toute nationalisation, même partielle ou temporaire, d’ArcelorMittal. Au mépris de plus de 600 salariés menacés par la perte de leur emploi, dont les représentants étaient présents à l’Assemblée nationale hier, vous faites vivre les dogmes du libre-échange qui ont pourtant ravagé notre industrie depuis quarante ans et ont entraîné trop de territoires dans le marasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Hier, c’étaient Gandrange et Florange ; aujourd’hui, c’est Dunkerque ; demain, ce seront Fos-sur-Mer ou Saint-Chély-d’Apcher.
Il faut le refuser pour défendre notre souveraineté, comme l’ont compris des pays voisins tels que le Royaume-Uni, qui a protégé sa production d’acier. En effet, l’acier est à l’industrie ce que l’eau est à la vie. Sans acier, que deviendraient les filières automobile, aéronautique et de l’énergie ? C’est tout notre appareil productif que vous fragilisez, alors que le dévoiement des aides publiques contribue à gonfler les dividendes d’ArcelorMittal au détriment des investissements nécessaires. À l’heure où les empires se dévoilent, comment accepter que plus de 50 % de l’acier mondial soit produit par la Chine, ce qui nous place dans sa dépendance ?
Nous manquons d’un protectionnisme solidaire, qui valorise les travailleurs de notre pays, fiers de la belle ouvrage et désireux de donner à la France les moyens de son indépendance. C’est pourquoi, comme nous l’avons fait à des moments cruciaux de l’histoire pour construire et même reconstruire le pays, nous vous demandons d’utiliser le levier de la socialisation des moyens de production de l’acier en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Le groupe GDR, au sein duquel siègent les députés communistes et les progressistes ultramarins, déposera une proposition de loi en ce sens.
Monsieur le premier ministre, ne jouez pas les thuriféraires d’un monarque las, entendez monter le cri sourd du pays qu’on entrave et qu’on brise. Nationalisez sous le contrôle des salariés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Effectivement, l’acier est indispensable pour notre économie. Les entreprises qui le produisent ont bâti notre pays et continueront de le faire à l’avenir ; c’est pourquoi nous voulons protéger cette filière essentielle. Je veux d’abord, évidemment, avoir une pensée chaleureuse pour les 600 collaborateurs d’ArcelorMittal malheureusement touchés par ce plan, ainsi que pour les 11 000 collaborateurs de ThyssenKrupp et pour l’ensemble des 310 000 salariés de la filière en Europe qui sont menacés, mais non en raison de la politique de tel ou tel propriétaire.
Nous voulons, avec ArcelorMittal, maintenir en France les sites de production. Pour cela, nous luttons sur tous les fronts. Au niveau européen, nous avons obtenu avec le ministre Marc Ferracci, le 19 mars, le renforcement des mesures de sauvegarde prises par la Commission européenne pour protéger le marché intérieur en luttant contre la concurrence déloyale. Nous travaillons également à stabiliser les prix de l’énergie ; c’est le mandat donné au patron d’EDF nommé il y a quelques jours. Nous voulons éviter que le prix du carbone soit pénalisant en renforçant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Enfin, nous voulons décarboner cette industrie afin qu’elle soit à la fois compétitive et écologique. Ce n’est pas en changeant de propriétaire que nous trouverons une bonne solution, mais en négociant avec les dirigeants actuels du groupe.
M. Nicolas Sansu
Monsieur le ministre, je pense que vous faites erreur en ne prenant pas le contrôle d’ArcelorMittal ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)