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Tribune « Lubrizol : le droit fondamental de savoir »

Depuis l’incendie de l’usine Lubrizol survenu à Rouen, les concitoyens, les agriculteurs et élus locaux directement affectés par cette catastrophe industrielle sont en état de choc.

La colère domine face à cet accident qui renforce un sentiment prégnant d’abandon. Un sentiment qui nourrit un peu plus la défiance citoyenne à l’endroit d’autorités officielles. Ces dernières affirment l’absence de pollution notable, tout en reconnaissant ne pas connaître les effets sur la santé ou sur l’environnement de l’exposition à plusieurs milliers de tonnes de substances chimiques parties en fumée. Ou en intimant les agriculteurs et les éleveurs de suspendre ou détruire leurs productions.

Si les autorités ont promis une « transparence totale » sur les résultats d’analyses, les silences durant la nuit de l’accident, les défaillances de la gestion de crise, puis les déclarations contradictoires et l’incapacité de rendre compte de la nature exacte des produits ne pouvaient qu’affaiblir et discréditer un peu plus le discours officiel. La catastrophe intervient, il est vrai, dans un climat de défiance généralisée à l’endroit des institutions nourrit par certains précédents, où le droit à l’information des citoyens a été négligé voire violé.

Sans remonter aux atermoiements après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, il suffit ici de rappeler la révélation tardive de la pollution au plomb provoquée par l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris...
Un principe constitutionnel

Au-delà de la gestion technocratique de la crise, les récentes réformes sur le secret des affaires ou l’affaiblissement des comités d’hygiène et de sécurité dans les entreprises contredisent les promesses de transparence de Matignon.

Le droit à l’information des citoyens existe théoriquement. Le principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, adoptée le 13 juin 1992, reconnaît d’ailleurs que« la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés [...]. Chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives aux substances dangereuses dans leurs collectivités ».

La Convention Aarhus, entrée en vigueur en France le 6 octobre 2002, fait aussi expressément obligation d’une diffusion efficace de l’information relative à l’environnement et plus de transparence au niveau des procédures de prise de décisions.

Un principe consacré par notre Constitution. En effet, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement insérée dans son Préambule de la Constitution : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques [...]. »

Cette disposition consacre ainsi un droit fondamental qui répond à une demande forte émanant de nos concitoyens, mais qui demeure en partie plus abstraite et théorique que réelle et concrète.

Or, en pratique, le défaut ou le manque d’information alimente la désinformation et la défiance. Expression d’un besoin de vérité, le « droit à l’information/de savoir » a pour vertu de pouvoir dissiper les fantasmes.
Les droits des citoyens face aux lois de l’économie

L’enjeu est de nature démocratique. La démocratie repose sur la dimension cognitive de la confiance : ce qu’on sait de l’action publique permet de préjuger de son action future ; si l’on découvre que ce que l’on sait est incomplet ou erroné, cela rompt la confiance et crée le doute et la défiance.

Pour renouer avec la confiance, il convient de garantir l’information des citoyens en matière environnementale et de santé publique.

Dans une démocratie digne de ce nom, les citoyens ont le droit de savoir ce qui s’est réellement passé. Derrière cette catastrophe, il y a malgré tout une opportunité démocratique à saisir pour tous ceux qui croient dans la prévalence de notre sécurité, de notre santé et de notre environnement sur les « lois de l’économie ». »

Sébastien Jumel, député de Seine-Maritime dans le groupe Gauche démocrate et républicaine

Lien vers l’article : https://www.ouest-france.fr/normandie/rouen-76000/lubrizol-le-droit-fondamental-de-savoir-6562243

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