Propositions

Propositions de loi

PL n° 2428 - relative à la définition des situations de handicap, à l’accessibilité du cadre bâti et aux ressources des personnes en situations de handicap

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 proclame : « Les hommes naissent libres et égaux en droits. ». Selon le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » (article 5) ; « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » (article 10) ; « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » (article 11). Quant au premier alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, il déclare : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946... ».
Le gouvernement et la majorité parlementaire qui ont mené l’adoption de la loi du 11 février 2005, intitulée paradoxalement « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », ont collectivement fait passer la société à côté des principes dont cette loi se réclame et ont prolongé d’autant les attentes des millions de personnes confrontées à des situations de handicap, parfois dramatiques, souvent très difficiles, toujours stigmatisantes. En effet, la loi du 11 février 2005 a repris la définition de la Classification internationale du handicap remontant à 1980. Elle dispose que : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » et, ce faisant, affirme que le handicap est prioritairement consubstantiel à la personne et non le produit interactif d’une déficience et d’un environnement, comme l’attestent les travaux internationaux reconnus par la France.
En matière d’accessibilité du cadre bâti d’habitation, des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public, et même de la voirie, les annonces n’ont pas été suivies de réalisations concrètes pour ce qui concerne l’existant. La mise en accessibilité est par ailleurs encore beaucoup trop aléatoire pour ce qui concerne l’immobilier à construire. De ce point de vue, les tentatives du gouvernement pour introduire en catimini des dérogations en matière d’accessibilité du cadre bâti à réaliser, alors même que la loi du 11 février 2005 ne l’envisage pas – tentatives pour le moment avortées grâce à la vigilance du mouvement associatif appelant le Conseil d’État à s’opposer à la remise en cause de principes explicités par la loi – appellent de notre point de vue à proposer des mesures visant à traduire dans la réalité le principe d’accessibilité universelle.
D’autre part, la crise actuelle, conséquence de la faillite des politiques libérales, par ailleurs renforcées depuis 2007, et les récentes mesures gouvernementales, frappent de plein fouet les personnes déjà socialement les plus en difficulté, et notamment les personnes en situations de handicap. L’augmentation du forfait hospitalier, la fiscalisation des indemnités des personnes accidentées du travail, et le désengagement financier quasi généralisé de l’État de ses responsabilités ne permettent pas un traitement identique des situations des personnes sur l’ensemble du territoire et contribuent au développement d’un processus de régression sociale que vivent au quotidien les personnes « dites handicapées », tandis qu’en écho leur parvient un discours compassionnel d’un autre âge.
La possibilité offerte récemment au patronat de déroger au principe d’accessibilité en ce qui concerne les locaux de travail, la volonté manifeste d’offrir aux promoteurs une possibilité identique pour le cadre bâti neuf, la volonté de rendre optionnelle l’élaboration du « projet personnalisé » d’insertion sociale auquel a droit la personne reconnue handicapée au sens de la loi du 11 février 2005, constituent autant de provocations contre lesquelles nos concitoyens en butte à l’aggravation des situations de handicap, nous appellent à réagir.
C’est pourquoi, appliquant la philosophie de la Classification internationale du fonctionnement du corps et de la santé (CIF), telle que l’a développée l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et adoptée par la France en 2002, alors que les gouvernements successifs en sont restés à l’ancienne Classification de 1980 même s’ils affirment le contraire, nous proposons un autre choix.
Titre 1er : Revenir sur la définition du handicap
La notion de handicap est aujourd’hui modifiée. Le handicap suppose toujours une altération anatomique ou fonctionnelle quelle qu’en soit la cause : anomalie congénitale, trouble de développement de l’enfance, maladie, traumatisme. Mais le regard s’est déplacé vers les difficultés qui en résultent pour les personnes handicapées quant à leur participation à la vie sociale et le rôle que l’environnement peut jouer dans l’aggravation ou l’atténuation de ces difficultés. L’organisation mondiale de la santé (OMS) en a pris acte dans sa nouvelle classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé.
La Classification internationale du handicap a été contestée dès son adoption en 1980, de nombreux acteurs du mouvement associatif et des chercheurs en sciences sociales lui reprochant de ne pas tenir compte suffisamment des aspects handicapants générés par les facteurs environnementaux. Ainsi, le processus de révision de cette classification engagé quinze ans plus tard par l’Organisation mondiale de la santé a permis de décrire au plus près les processus de production du handicap avec ses variables individuelles et ses variables environnementales. Fondée sur une conception interactive entre l’individu et la société, cette approche nouvelle a parallèlement inspiré les Règles Standards de l’ONU adoptées en 1998 qui proposent de renforcer la participation sociale des intéressés en généralisant notamment l’intégration scolaire et professionnelle en milieu ordinaire, le soutien à domicile et l’éducation tout au long de la vie.
Aussi, la présente proposition de loi recourt-elle aux analyses fondamentales qui découlent des éléments de la définition que l’OMS a donnée du handicap dans ses conclusions en 2001. Elle s’inspire des différentes recommandations européennes ou de la « Déclaration de Madrid du Forum européen des personnes handicapées » qui insiste sur la nécessité d’abandonner : « l’idée préconçue de la déficience comme seule caractéristique de la personne... pour en venir à la nécessité d’éliminer les barrières, de réviser les normes sociales, politiques et culturelles, ainsi qu’à la promotion d’un environnement accessible et accueillant », mais aussi « l’idée préconçue d’actions économiques et sociales pour le petit nombre... pour en venir à la conception d’un monde pour tous ».
Ainsi, les éléments de définition formulés par l’OMS indiquent que : « L’état de fonctionnement et de handicap d’une personne est le résultat de l’interaction dynamique entre son problème de santé... et les facteurs contextuels qui comprennent à la fois des facteurs personnels et des facteurs environnementaux ». Et ce, d’autant plus que l’OMS donne de la santé la définition suivante : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Ces éléments permettent dès lors de comprendre combien le « handicap » est toujours « de situations » et partant, appelle comme objectifs fondamentaux, la nécessité de lutter contre les obstacles environnementaux et la recherche de l’autonomie maximum pour les personnes en « situations de handicap » au sens de la présente loi, afin de favoriser leur accès aux droits généraux de tout citoyen, et notamment le droit à la liberté effective de circuler et le droit à pouvoir bénéficier d’un revenu décent. D’ailleurs, le gouvernement de l’époque le reconnaissait – sans en tirer les conséquences législatives – dans l’exposé des motifs de la loi de 2005, en indiquant : « Par ailleurs, l’évolution des sciences et techniques ouvre indubitablement de nouvelles perspectives de vie en même temps que celle des mentalités conduit à porter une plus grande attention à tous ceux qui, handicapés ou non, paraissent exclus du mode de vie ordinaire de la société. »
Si l’on veut bien admettre le fait que plus que des personnes dites « handicapées » simplement en raison de leurs déficiences, il y aurait une organisation de la société foncièrement handicapante, il apparaît effectivement absolument essentiel – sous peine d’échec – d’éliminer les facteurs sociaux et environnementaux qui s’opposent à la pleine participation des personnes dites « handicapées ». Par conséquent, le choix de la formule « personnes en situations de handicap » exprimant plus nettement l’interaction entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux, culturels et environnementaux apparaît préférable à la locution « personnes handicapées », d’autant que cette locution, a remplacé au milieu des années 1970 les qualificatifs stigmatisants comme : « invalides, paralytiques, estropiés, mutilés, incapables, débiles », l’adjectif « handicapés » devenant un synonyme de « déficients » ou même un substantif pour dénommer et catégoriser certains de nos concitoyens.
Qu’est-ce qu’une « personne handicapée » sinon une personne à part entière, confrontée à des « situations de handicap », situations générées par les barrières environnementales – c’est-à-dire culturelles, architecturales, économiques et sociales, voire législatives ou réglementaires – que la personne, en raison de sa ou ses particularités, ne peut franchir au même titre que les autres citoyens ? S’il est évident que la suppression des obstacles ne gommera pas la déficience de la personne, elle lui permettra en revanche l’accès aux droits reconnus à tous les citoyens de circuler plus librement à travers la Cité et favorisera son intégration sociale. L’article 1er du Titre 1er de la présente proposition de loi vise à redéfinir en ce sens le handicap. Les articles 2 à 5 du même Titre traitent des modalités de la lutte contre les situations de handicap et la participation à celle-ci des personnes en situations de handicap. Ces conditions, indispensables pour l’ensemble des personnes, ne sont bien entendu pas suffisantes et appellent de surcroit des aides compensatoires ou d’accompagnement, voire des prises en charge lourdes.
Titre 2 : Mettre en œuvre l’accessibilité du cadre bâti et de la voirie
Il convient de mener une véritable politique de prévention et de suppression des situations de handicap générées par un environnement architectural inadapté (article 6). L’article 10 prévoit que la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes en situations de handicap sera obligatoire dans la formation initiale et continue des architectes et des professionnels du cadre bâti.
Le caractère handicapant de la situation d’inaccessibilité actuelle du cadre bâti existant que vit un nombre de plus en plus important de nos concitoyens à mobilité réduite auquel il faut ajouter le nombre lui aussi de plus en plus important de personnes rencontrant des besoins identiques et prévisibles liés au vieillissement, impose de n’autoriser que des constructions nouvelles – 0,4 million en moyenne par an pour 32 millions de logements existants – répondant qualitativement à l’impérieuse obligation d’accessibilité pour tous. Il s’agit là d’un objectif parfaitement raisonnable, techniquement réalisable à moindre coût, et assurément bénéfique d’un point de vue social.
Que représentent en effet quelques centaines d’euros de surinvestissement éventuel si cela permet, à terme et ne serait-ce que de quelques mois, le maintien à domicile d’une personne vieillissante en perte d’autonomie ou d’écourter le séjour à l’hôpital d’une personne accidentée maintenue en hospitalisation du seul fait d’un domicile architecturalement inaccessible ? Le recoupement de diverses études montre qu’à âge égal, l’espérance de vie moyenne d’une personne hébergée en maison de retraite est de l’ordre de trois années tandis que celle d’une personne vivant dans son habitat habituel adapté serait de dix années. Et les séjours à l’hôpital ou en centre de rééducation allongés de plusieurs semaines pénalisent d’autant la réinsertion professionnelle et sociale de la personne concernée.
Par ailleurs, l’effort de mise en accessibilité du parc immobilier existant, certes d’un coût plus important, devra continuer à être encouragé et aidé d’autant qu’au-delà de sa finalité première, il est positivement générateur, d’une part, d’activités économiques bienvenues dans le contexte actuel et, d’autre part, d’économies en terme de prestations sociales dès lors que l’on sait que le montant moyen des retraites est bien inférieur au loyer moyen des maisons de retraite.
En matière d’accessibilité de l’habitat, nous distinguons l’habitat neuf, l’habitat social existant et l’habitat privé existant.
Pour l’habitat neuf, nous proposons que l’accessibilité soit effective de la voirie aux parties communes et aux entrées principales des logements nouveaux ; que le nombre d’étages déterminant la présence d’un ascenseur soit diminué ; que tous les logements nouveaux soient facilement adaptables ; que tous les logements nouveaux à niveaux multiples, en particulier les maisons individuelles à étages, soient conçus de manière à offrir, soit une unité de vie de plain pied, soit la possibilité, le cas échéant et sans avoir à modifier les structures ni demander une quelconque autorisation, d’y installer un système élévateur rendant l’ensemble des niveaux accessibles aux usagers ne pouvant utiliser un escalier.
Pour l’habitat social existant, nous proposons que, de par le caractère public des fonds engagés, collectif et individuel, locatif ou en accession à la propriété, ce soit, ainsi que le prévoyait d’ailleurs la réglementation antérieure, la seule nature des travaux à entreprendre qui déclenche l’obligation de mise en accessibilité, comme les travaux de modification des circulations des parties communes ou de redistribution des volumes intérieurs des appartements, afin que les premières soient accessibles et les seconds adaptables. Ce serait également la règle lors de la construction d’appartements par changement de destination d’un bâtiment existant.
L’habitat privé existant est au cœur de la sphère privée : c’est assurément le secteur de l’habitat le plus difficile à rendre accessible car on ne peut envisager une autre politique que celle reposant sur l’information ou l’incitation par un soutien financier. La présente proposition de loi prévoit que les travaux de mise en accessibilité curative en cas de survenue brutale de situations de handicap soient soutenus par des dispositions fiscales telles que la TVA à taux réduit pour les produits et travaux spécifiques ; que des dispositions propres à réduire les temps d’instruction des dossiers de demande de subvention ou de participation financière soient prises ; que soit mise en place une politique d’incitation à la mise en accessibilité préventive, pilotées par des aides financières directes, telles que celles proposées par l’ANAH aujourd’hui, ou fiscales simples et généralisées, telles que des prêts à taux zéro ou ouvrant droit à un abattement fiscal ; et que soient élaborées par les diverses collectivités concernées dans le cadre de leurs compétences respectives, des dispositions « transversales » à ces classifications, telle que la mise à disposition temporaire, durant la période de définition des besoins induits par la survenue d’un accident de la vie et la durée des travaux de mise en accessibilité du domicile habituel, d’appartements relais, parfaitement adaptés permettant une réadaptation à la vie à domicile. L’article 15 prévoit que les propriétaires bailleurs pourront passer des conventions avec les établissements ou services spécialisés afin de déterminer les modifications nécessaires à apporter aux logements pour les adapter aux différentes formes de handicap de leurs locataires et prévoir une collaboration afin d’intégrer les personnes en situations de handicap dans leur logement sur la base d’un projet personnalisé. Ces dispositions devront se décliner dans les décrets d’application prévus par la présente proposition législative.
En matière d’accessibilité des ERP (établissements recevant du public) et des IOP (installations ouvertes au public), l’ensemble des catégories des ERP et IOP neufs devra être accessible. La prise en compte de l’accessibilité sera nécessaire à l’obtention du permis de construire ou de l’autorisation de travaux (article 7). Pour les établissements ou installations justifiant, dans le cadre de la réglementation actuelle, d’un contrôle de conformité – technique ou de sécurité – obligatoire, l’accessibilité y sera soumise aux mêmes obligations de contrôle (article 8). Une collectivité publique ne pourra accorder d’aide financière directe ou indirecte pour la construction, l’extension ou la transformation d’un bâtiment d’habitation, d’un ERP ou d’une IOP que si le maître d’ouvrage a produit un dossier relatif à l’accessibilité (article 9).
Pour les ERP et IOP existants, publics et privés, la présente proposition de loi prévoit de retenir pour les ERP et IOP publics ou privés de cinquième catégorie une sous-classification de circonstance, tout en constatant que la difficulté d’y réaliser une mise en accessibilité rapide est comparable à celle rencontrée pour le parc immobilier existant, et sans pour autant revenir sur la classification réglementaire actuelle. Ce sont en règle générale des établissements ou installations de petite taille dont la capacité maximale est définie en fonction de la difficulté potentielle à y assurer, en sécurité, l’évacuation d’urgence des usagers. Sont donc concernées, en fonction de ce critère des installations très diverses pouvant accueillir moins de 20 usagers (des petits commerces, des cabinets médicaux, des internats et des petits établissements de soins) à 200 usagers (écoles, gares, restaurants, commerces, administrations, etc.) voire même 300 usagers (lieux de culte et établissements de plein air).
Nous proposons pour les ERP et IOP existants des catégories 1 à 4, publics et privés, que ces établissements et installations soient effectivement rendus accessibles dans les délais prévus par la loi du 11 février 2005 ; que la prise en compte de l’accessibilité y fasse l’objet d’une procédure de contrôle, en amont et en aval du chantier de mise en accessibilité, selon une procédure identique à celle prescrite pour les ERP et IOP neufs.
Nous proposons pour les ERP et IOP publics de catégorie 5 que, de par la nature des fonds nécessaires à leur mise en accessibilité (argent public) et de leur fonction (service et utilité publics), ils soient rendus accessibles dans le délai prévu par la loi du 11 février 2005, sans exception puisqu’il s’agit d’une priorité, même si des fonds complémentaires devront être dégagés, pour les communes de petite taille en particulier.
Nous proposons pour les ERP et IOP privés de catégorie 5 que, dans la mesure où ces établissements et installations sont à la fois un des moteurs économiques et un lien de vie sociétale de proximité majeurs et où la nécessité de leur mise en accessibilité est d’une évidence absolue mais que les limites de leurs possibilités de financement propres sont tout aussi évidentes, qu’une politique d’incitation et de soutien financier aux exploitants de ces petites structures soit mise en œuvre afin de combler le retard accumulé. Pour ce faire il conviendra d’utiliser et développer les outils existants. Le rôle du FISAC sera donc conforté et étendu à toutes les activités artisanales et libérales devant être accessibles aux personnes qui dans le cas contraire pourraient se trouver en situations de handicap. Le volume des aides du FISAC sera renforcé, et ses aides seront étendues à toutes les entreprises et activités éligibles sans considération de la taille de leur commune d’implantation.
S’agissant des questions liées à l’accessibilité de la voirie, de par leur fonction d’utilité publique et la nature des fonds nécessaires à leur mise en accessibilité, la présente proposition de loi prévoit que la voirie, les infrastructures d’accueil des services de transports public, les mobiliers urbains et tous les aménagements de voie publique soient accessibles dès leur mise en place initiale. Pour l’existant, ils doivent être rendus accessibles lors de leur rénovation ou par des travaux spécifiques dans un délai de dix ans, délai de rigueur, sans exception.
Si les textes législatifs et réglementaires sont indispensables pour cadrer une politique nouvelle, nous savons aussi qu’ils sont souvent insuffisants pour mettre en place sur le terrain de façon harmonieuse les nouvelles dispositions. Aussi, nous proposons (article 13) qu’une commission municipale d’accessibilité, aux pouvoirs très étendus et représentant largement tous les acteurs intéressés soit systématiquement mise en place, indépendamment du nombre d’habitants de la commune.
Enfin, la notion « d’accessibilité » doit être conçue de façon large, quelles que soient les situations de handicap que l’on cherche à compenser. Ainsi, l’article 16 demande au Gouvernement d’une part d’étudier la faisabilité de la prise charge de compensations financières permettant de faciliter a participation des associations représentations des personnes en situations de handicap dans les instances consultatives telles que le Conseil national consultatif des personnes en situations de handicap et les sous-commissions départementales pour l’accessibilité des personnes en situation de handicap et d’autre part d’étudier la mise en place d’une politique générale d’extension de l’accessibilité des personnes en situations de handicap, quant à l’accès à l’emploi et l’accès aux œuvres de culture et aux livres.
Titre 3 : Garantir un véritable revenu de remplacement
On compte actuellement 848 000 titulaires de l’allocation aux adultes handicapés dont le montant mensuel à taux plein, au 1er septembre 2009, se monte à 681,63 euros. C’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté qui atteint environ 880 euros. Cependant, la ministre a osé prétendre il y a quelques mois que les titulaires de l’allocation bénéficiaient en réalité « avec leurs droits connexes, de 941 euros par mois, voire davantage, c’est-à-dire 1 120 euros pour les bénéficiaires de la garantie de ressources, soit en réalité l’équivalent du SMIC net ». Seules 20 000 personnes dans le premier cas et environ 100 000 dans le cas suivant sont dans cette situation en raison de critères sociaux ou de l’importance de leur déficience, et non les 848 000 personnes titulaires de l’allocation de base.
Le débat est actuellement porté sur la création d’un « revenu d’existence » égal au SMIC brut. Pourtant, le gouvernement s’y refuse, arguant que cela impliquerait de revoir l’attribution automatique de certains droits, notamment la demi-part fiscale supplémentaire, et le fait que les revenus du conjoint ne soient plus pris en compte, ce qui aboutirait à la suppression du doublement du plafond de ressources. Ce raisonnement revient à nier le fait que la prise en compte actuelle des revenus du conjoint constitue une atteinte à la dignité du prétendant à l’allocation à taux plein. Par ailleurs, la modestie du plafond, y compris pour une personne seule, constitue elle aussi une atteinte à la dignité. De plus, l’existence d’une demi-part fiscale supplémentaire constitue un pis aller se voulant compenser la faiblesse des revenus de la personne face aux difficultés de sa situation. L’augmentation promise de l’allocation par le Président de la République au cours des trois années à venir ne peut être une réponse dans la mesure où elle ne parviendrait en tout état de cause qu’à 80 % du SMIC net. Enfin, le montant perçu par les personnes titulaires d’une pension d’invalidité est inférieur à l’allocation.
En revanche, il apparaît que la révision actuelle des conditions de cumul entre l’allocation et un salaire dans le cas où le titulaire est en mesure de travailler, pourrait être un progrès dans la mesure où la personne dans cette situation pourrait conserver une allocation mensuelle de l’ordre de 213 euros. Toutefois, il reste que la situation est encore loin d’être satisfaisante. Le travail demeure le vecteur essentiel d’intégration sociale, tout à la fois parce qu’il est dans nos sociétés actuelles l’un des facteurs constituants de notre identité, parce qu’il favorise l’assimilation et permet de lutter contre les discriminations, et parce qu’il peut procurer une source de revenus plus importante que les minima conventionnels. Aussi, une personne reconnue réellement incapable de travailler doit-elle pouvoir bénéficier d’un revenu minimum décent pour vivre.
Il importe donc de refuser les réponses standardisées qui tendent à enfermer la personne dans une situation de handicap mais au contraire de favoriser son rôle social à tous les niveaux de la société, sachant qu’au-delà des déficiences dont il faut tenir compte, il existe le plus souvent des potentialités qui ne demandent qu’à s’exprimer. De ce point de vue, il faut offrir aux personnes qui le désirent la possibilité d’un cursus social qui leur permette, si tel est leur désir, d’apporter à la société une plus-value sociale en contrepartie de la contribution financière qui leur est due, la réciprocité de l’échange leur permettant de vivre une citoyenneté plus effective.
La présente proposition de loi (articles 17 et 18 du Titre 3) vise donc à la mise en place d’un revenu de remplacement égal au SMIC brut – en substitution de l’AAH – aux cotisations redevables, pour les personnes reconnues incapables de travailler pour des raisons physiques, psychiques ou mentales, indépendamment des revenus du conjoint, au même titre que les pensions d’invalidité ; la revalorisation du taux des pensions d’invalidité dans les mêmes proportions et selon les mêmes modalités pour les personnes relevant des 2e et 3e catégories de la Sécurité sociale ; la mise en place d’un revenu de remplacement – également en substitution de l’AAH – au montant variable en fonction du salaire de l’intéressé, indépendamment des revenus du conjoint, au même titre que les pensions d’invalidité. Le revenu de remplacement pourrait se cumuler jusqu’à hauteur de 150 % du SMIC avec d’autres revenus pour la personne qui obtiendrait un emploi.
Ce texte s’organise donc autour de trois axes forts : la reconnaissance, conformément aux valeurs de la République de nos concitoyens en situations de handicap (dits « handicapés »), via une définition du handicap plus conforme aux conclusions de l’Organisation mondiale de la santé et de la Convention des Nations unies ; la mise en accessibilité pour tous du cadre bâti, et l’instauration d’un Revenu de remplacement et d’insertion sociale égal au SMIC, aux personnes reconnues en situations de handicap au sens de la présente proposition de loi.
Tel est le contenu de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

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Jacques
Desallangre

Député de Aisne (4ème circonscription)

Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

Martine
Billard

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