Propositions

Propositions de loi

PL n° 1920 - portant réforme des banques et relative à la création d’un service public bancaire et financier ainsi que d’un pôle public financier, afin de favoriser le développement humain

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise financière actuelle est celle d’un système devenu fou, à l’image des fameux subprimes, les crédits immobiliers à risque titrisés. À cause de l’introduction du virus de la finance, du boursicotage et de l’appât du gain capitaliste dans notre système bancaire, celui-ci est en profonde contradictoire avec la satisfaction des besoins humains.
La frilosité des banques provoque toujours plus de chômage et de situations difficiles pour les familles. Les personnes modestes ou âgées sont dans l’incapacité d’obtenir un prêt immobilier, les chefs d’entreprise n’arrivent pas à obtenir la ligne de trésorerie indispensable à leur activité et les épargnants subissent une déperdition de la valeur de leurs économies placées dans les livrets d’épargne.
Les établissements de crédit ont un rôle stratégique à jouer pour impulser une nouvelle croissance, mais il faudrait pour cela instaurer une meilleure coordination des différents acteurs, apaiser les tensions sur le marché interbancaire, redéfinir des règles du jeu saines et réduire les risques et les incertitudes engendrés par la crise. En clair, une véritable relance économique nécessite une refonte de fond en comble de notre système bancaire.
Les pouvoirs publics ne peuvent continuer à déréguler les marchés financiers en fermant les yeux sur leurs conséquences désastreuses. Il n’est pas possible de faire le dos rond, d’attendre des jours meilleurs en se limitant à éteindre les incendies à coups de milliards d’argent public. C’est d’une nouvelle architecture complète de financement de l’économie dont notre pays a besoin, dans laquelle la collectivité publique doit jouer le rôle central, au détriment des spéculateurs et des actionnaires des banques.
C’est le sens de la présente proposition de loi. Celle-ci appelle la création d’un large pôle public bancaire et financier national, voire européen, dans le cadre de la création d’un nouveau service public, le service public bancaire et financier. Ce projet n’attend pas : il y a urgence à mettre les banques à l’abri des turbulences et des caprices des marchés financiers et à les replacer dans leur cœur de métier, afin de relancer les activités, l’emploi, les salaires, les investissements utiles, l’innovation et la recherche. La monnaie est un bien public. Il est donc logique que l’argent des banques, l’argent des Français, serve l’intérêt général et non les intérêts des propriétaires des banques.
Les auteurs de cette proposition de loi sont en opposition complète avec la stratégie cynique et suicidaire du Gouvernement. Malgré les effets dramatiques de la dérégulation financière prônée par l’Union européenne, celui-ci continue à appliquer scrupuleusement le dogme de l’autorégulation du marché !
Conformément au plan de sauvetage des banques du Président de la République, la loi de finances rectificative a créé une société de prise de participation pour les interventions d’urgence en capital et une société de refinancement pour garantir les prêts interbancaires. La garantie de refinancement peut aller jusqu’à la somme astronomique de 320 milliards d’euros et l’État peut aussi entrer dans le capital des banques à hauteur de 40 milliards d’euros. Plusieurs dizaines de milliards d’euros ont d’ores et déjà été prêtés ou apportés en recapitalisation aux principales banques françaises, sans aucun contrôle ni aucune contrepartie, auxquels il convient d’ajouter les 5 milliards d’apport public à l’occasion de la fusion des Banques populaires et des Caisses d’épargne.
Cette politique ne fait qu’entériner la soumission des pouvoirs publics aux logiques financières. Les nationalisations partielles laissent entièrement les mains libres aux dirigeants en place qui nous ont nous conduit là où nous en sommes, les représentants de l’État ne siègent même pas aux différents conseils d’administration ! Tout ce qui pourrait porter atteinte aux intérêts des actionnaires est écarté. Cela est confirmé sans fard par la direction de la BNP Paribas : « la recapitalisation ne diluera pas les actionnaires et n’aura aucune conséquence sur la gouvernance de la BNPP et sa politique de dividende ». En dépit des promesses sur la refondation du capitalisme, il n’est envisagé aucune réforme structurelle du secteur bancaire. Les Français pourront apprécier que cette banque continue, encore aujourd’hui, à provisionner dans ses comptes des bonus pour ses traders à hauteur d’un milliard d’euros, alors qu’elle en a perçu 5 de l’État…
Nous pensons que la crise financière n’est pas simplement le produit du comportement de traders fous et de banquiers cupides, elle est surtout celle d’un système bâti sur l’appropriation toujours plus grande des richesses produites par une petite minorité. La course au profit et à l’« argent facile » ont conduit à l’emballement du système, à sa dérive, à son grippage et, pour finir, à celui de l’économie toute entière.
Partant de cet état de fait, nous proposons la nationalisation des principaux groupes bancaires français capitalistes. Ces banques nationalisées seraient transformées en établissements publics d’État à caractère industriel et commercial (EPIC) au service de la Nation. Leurs conseils d’administration seraient ouverts aux élus, aux salariés et aux usagers du service public nouvellement créé, en vue de la promotion d’une logique de développement de l’humain en rupture avec les logiques financières du capital.
Pour une meilleure coordination nationale, nous proposons de regrouper l’ensemble de ces établissements publics avec les institutions publiques existantes comme la Caisse des Dépôts, OSÉO ou encore la Banque Postale au sein d’un pôle public financier chargé de mettre en œuvre une politique alternative. Ce pôle public prendrait la forme d’une Agence publique, baptisée « France Finance », dont le conseil d’administration intégrait toutes les parties concernées : élus, professionnels du secteur, salariés et usagers (particuliers, collectivités territoriales et entreprises).
Telles sont les conditions pour que le système financier assure à nouveau ses missions ; telles sont les conditions pour qu’une nouvelle impulsion soit donnée au développement durable et à la démocratie.
La création du service public financier s’étalera sur un an à partir de la promulgation de la loi et certaines dispositions essentielles seront mises en œuvre par voie réglementaire.
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Le TITRE IER crée le service public bancaire et financier français.
Le chapitre Ier pose les bases de l’édification de ce nouveau service public.
Article 1er – Soumission des opérations de banques et des opérations connexes à des règles de service public.
L’accès aux services bancaires et financiers devient de plus en plus préoccupant pour nos concitoyens, du fait d’une inégale répartition des professionnels sur le territoire, mais aussi de tendances de fond comme le vieillissement, l’appauvrissement et à la précarisation de la population. Dans une société qui affiche sur tous les frontons de la République le mot « égalité », il n’est pas acceptable qu’une partie toujours plus grande de la population se trouve exclue des services bancaires et financiers.
Le code monétaire et financier indique que les opérations de banque comprennent « la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement ». De plus, les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité, qui comprennent :
1. Les opérations de change ;
2. Les opérations sur or, métaux précieux et pièces ;
3. Le placement, la souscription, l’achat, la gestion, la garde et la vente de valeurs mobilières et de tout produit financier ;
4. Le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine ;
5. Le conseil et l’assistance en matière de gestion financière, l’ingénierie financière et d’une manière générale tous les services destinés à faciliter la création et le développement des entreprises ;
6. Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail.
L’article 1er commande de soumettre toutes ces opérations à des règles de service public, afin d’assurer l’égalité d’accès des usagers aux services bancaires et financiers. Quel que soit son statut, tout établissement devra y prétendre.
Article 2 – Nationaliser les principaux groupes bancaires.
On connaît trop les problèmes qu’engendre la gestion des établissements de crédit sous la domination des marchés financiers. Devant l’ampleur de la crise, plusieurs pays, en premier lieu les États-Unis, mais aussi la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas ont dû procéder à des nationalisations de fait d’établissements financiers en faillite. C’est un moyen d’action dont il ne faut pas se priver, y compris concernant les banques a priori saines, car aussi géants soient-ils, les groupes bancaires restent des géants aux pieds d’argile, comme l’ont démontré, avec pertes et fracas, la chute brutale de Lehman Brothers ou les déboires de Natixis et de Dexia.
À ce titre, l’article 2 propose la nationalisation des principales banques capitalistes officiant sur le territoire national. Cela est une opération de salubrité financière mais c’est aussi une opération indispensable pour mettre fin aux exigences exubérantes de profit des actionnaires et pour avoir à disposition l’infrastructure nécessaire, en termes de dépôts, de placements, de réseaux d’agences et de créneaux d’activités pour mener une politique ambitieuse au service du développement humain. Il ne s’agit pas de nationaliser les pertes d’aujourd’hui pour privatiser de nouveau les profits demain, il s’agit d’une mesure permanente. Les banques concernées (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, HSBC France, Rothschild) représentent une très grande partie des quelques 72 millions des comptes courants de France. En raison de leur caractère mutualiste, le Crédit Mutuel et le nouvel ensemble Caisses d’épargne-Banques populaires sont exclus de cette nationalisation, mais ils participeront pleinement par ailleurs au nouveau service public. Toutefois, en raison des évolutions qui secouent le secteur mutualiste français, il conviendra d’étudier les conditions d’une appropriation publique de ces établissements.
Article 3 – Transformer les banques nationalisées en EPIC.
Il est proposé de transformer les banques nationalisées, ainsi que La Banque Postale, en établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), dans la mesure où ce statut juridique est particulièrement adapté pour conduire des missions de service public.
Article 4 – Composer des conseils d’administration pluralistes.
Il est essentiel de composer des conseils d’administration pluralistes au sein des EPIC créés. Il ne s’agit pas d’étatiser les entreprises, comme cela a été fait au début des années 1980 (avec le scandale du Crédit Lyonnais qui en a résulté), il s’agit de changer réellement leur gouvernance et leurs objectifs. Les conseils d’administration des banques nationalisées (ainsi que ceux de la Banque Postale et d’OSÉO) seront composés, pour un tiers, de représentants de l’État (élus, personnalités qualifiées…), pour un tiers, de représentants des salariés, et pour le dernier tiers, des usagers (épargnants et demandeurs de crédits, particuliers, collectivités territoriales et entreprises). Seul un authentique processus participatif est à même de dégager l’intérêt général et de faire émerger de nouveaux critères de gestion de l’argent. Afin de réduire le risque d’affairisme, les directeurs de ces établissements publics ne seront pas nommés par le Gouvernement, mais par leurs conseils d’administration, à une majorité qualifiée. Un décret pris en Conseil d’État précisera les modalités de cet article.
Article 5 – Limiter les abus et mettre un terme aux pratiques malsaines.
L’actualité pullule de différents scandales. L’affaire Kerviel a braqué les projecteurs sur les rémunérations astronomiques des opérateurs des salles de marché et ouvert le débat sur le lien entre les bonus et les comportements individuels. L’annonce par la Société Générale, en mars dernier, de l’octroi de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, le versement de 51 millions d’euros de bonus aux dirigeants d’une filiale du Crédit Agricole, sont des scandales qui ont suscité une légitime protestation. Mauvaise gestion, risques inconsidérés, déconnection avec les usagers, actifs pourris, spéculation, rémunération (bonus et dividendes) opaque et disproportionnée… Le constat s’impose d’un décrochage entre le montant de la rémunération des dirigeants et cadres dirigeants, d’une part, et de celle de la grande majorité des salariés, d’autre part. Il est de notoriété publique que les politiques de rémunération ont encouragé des prises de risques imprudentes. Les États-Unis et l’Allemagne ont eu une attitude plus courageuse que la France, estimant que la question du plafonnement de la rémunération des grands patrons devait être posée et traitée sérieusement. Nous proposons :
– de supprimer les stock-options,
– d’imposer à 95 % les divers avantages (parachutes dorés…),
– de plafonner les rémunérations des dirigeants à vingt fois le montant du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée,
– de permettre que les éléments de rémunération versés aux dirigeants soient discutés dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires,
– de limiter à 2 le nombre de conseils d’administration ou de conseils de surveillance dans lesquels une personne peut siéger, contre 5 actuellement.
Limiter le cumul des mandats est indispensable pour empêcher la constitution d’une véritable « oligarchie financière », où les mêmes personnes siègent dans les organes des différentes sociétés.
Article 6 – Faire certifier les comptes des établissements publics financiers.
Dans un contexte de responsabilisation accrue des acteurs et de modernisation de la gestion, il convient de s’assurer de la fiabilité de la comptabilité et donc, des résultats présentés par ces établissements. Une certification des comptes sera coordonnée par la Cour des comptes.
Article 7 – Lutter contre les paradis fiscaux.
Les députés communistes et républicains réclament de longue date la mise en œuvre de dispositions visant à prohiber l’usage des techniques d’optimisation et de délocalisation fiscale, particulièrement celles qui visent à permettre à des groupes, en jouant sur les prix de transfert ou en pratiquant la sous-capitalisation, d’expatrier vers la maison-mère les bénéfices réalisés en France par leurs filiales et leurs unités. Ces pratiques coûtent environ 50 milliards d’euros annuels à nos finances publiques. La France doit donc prendre dès à présent des mesures de nature à mettre fin aux stratégies d’évitement fiscal développées par les entreprises et établissements de crédits qui ont leur siège dans notre pays. Si la lutte contre les paradis fiscaux doit idéalement être menée au niveau international, rien n’empêche d’agir dans notre pays. D’après Alternatives Economiques, les entreprises du CAC 40 comptent 1 500 filiales dans les paradis fiscaux, dont 361 pour les trois banques BNP-Paribas, Crédit Agricole et Société Générale. Nous proposons donc d’interdire aux établissements de crédit d’exercer des activités dans des paradis fiscaux, des États ou des territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Nous proposons aussi d’interdire aux établissements en question d’entretenir des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. Alors que le Gouvernement s’acharne à miser sur « plus de transparence », il s’agit de prendre enfin des mesures coercitives efficaces.
Article 8 – Lutter contre la spéculation financière.
Au cours des dernières décennies, la part des actifs financiers dans le PIB, c’est-à-dire dans la richesse nationale, a été multipliée par quatre, illustrant la dépendance croissante de l’économie à l’égard de la finance. À cela s’ajoute le développement vertigineux des marchés des dérivés de crédit (dont le volume a été multiplié par 67 entre 2001 et 2007) et de celui des produits titrisés. Le développement de la titrisation a pour effet la dissémination des risques. Les subprimes, par exemple, se sont propagés tels des virus, provoquant une crise de confiance générale. Il ne faut pas s’y tromper : les interventions massives des États n’ont pas résolu le problème de fond, le ver se trouve toujours dans le fruit. L’article 8 propose en conséquence que la France se fixe un grand objectif de lutte contre la spéculation en mettant fin aux dérives les plus criantes de la finance. L’idée est de créer un environnement moins spéculatif au niveau européen, par l’arrêt des techniques financières de titrisation, des produits dérivés et par l’abandon des normes comptables IFRS, International Financial Reporting Standards, qui, évaluant les actifs des entreprises à la valeur du marché, accroissent la volatilité des prix des actifs et entraînent des effets pro cycliques d’aggravation de la crise.
Article 9 – Définir les axes d’une nouvelle politique bancaire et financière.
L’article 9 définit les grands objectifs de la politique nationale financière. Il existe trop de situations où de grandes firmes, dont le seul objectif est faire du profit par la spéculation, trouvent facilement à emprunter, tandis que nombre de PME et d’artisans (qui représentent 63 % de l’emploi total et 53 % de la valeur ajoutée en France) éprouvent les pires difficultés de financement. Ce « mur de l’argent » n’est plus acceptable. Il ne peut y avoir de redressement économique sans investissement réel. Toute entreprise devrait pouvoir trouver les moyens financiers pour son développement, y compris pour son exportation. Nous proposons, entre autres, de fixer un grand objectif national de réorientation du crédit : celui-ci favoriserait les investissements à long terme non spéculatifs comme les investissements matériels ou la recherche des entreprises. Des taux d’intérêt d’autant plus faibles seraient proposés pour les projets porteurs d’emplois, de formation, d’innovation et de développement social et environnemental. Un système de bonification d’intérêt ou de garanties, supprimé pour des raisons idéologiques dans les années 90, peut parfaitement être remis en place pour établir une sélectivité du crédit en fonction de son intérêt social. Cette dualité des taux d’intérêt serait à même de dissuader les effets de levier et les pratiques destructrices pour nos industries que constituent les montages financiers prédateurs (LBO, Leverage Buy Out).
Article 10 – Procéder à la nationalisation des banques par les fonds prévus pour garantir les prêts bancaires.
Alors que la nationalisation est une mesure de salut public dans la mesure où la responsabilité des banquiers est pleinement avérée dans le déclenchement de la crise, les charges pour le budget de l’État seront compensées par les sommes prévues initialement au titre du refinancement des établissements de crédit par la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008. La nationalisation sera donc une prise de participation directe, comme pour DEXIA, sauf qu’il s’agira cette fois d’une prise de contrôle généralisée, totale et permanente. La loi de finances rectificative pour le financement de l’économie prévoyant une garantie pour un montant maximal de 360 milliards d’euros, cela est amplement suffisant pour procéder à la nationalisation des sociétés visées à l’article 2. En effet, pour avoir un ordre de grandeur, il faut savoir que la capitalisation boursière de la BNP Paribas, c’est-à-dire le coût du plus grand groupe financier de toute la zone euro, est actuellement d’environ 56 milliards d’euros (l’État en est d’ailleurs déjà devenu le premier actionnaire, après la souscription, par la Société de Prise de Participation de l’État, de 17,03 % du capital).
Le chapitre II concerne la création de l’Agence nationale financière (ANF).
Article 11 – Création de « France Finance ».
L’article 11 crée l’Agence nationale financière, baptisée « France Finance », qui sera chargée de mettre en œuvre la politique nationale financière définie à l’article 9. Pour parvenir à impulser une nouvelle politique, une coordination efficace est indispensable. Tous les acteurs doivent aller dans le même sens. Pour cela, il est indispensable de prendre appui sur les établissements existants investis de missions publiques, la Caisse des Dépôts, la Banque de France, la Banque Postale, l’Agence Française de Développement (AFD) ou encore OSÉO. L’ANF sera en outre chargée de réguler et d’orienter les activités financières afin de répondre aux besoins de service public et de garantir la stabilité, l’efficacité et l’efficience du système financier. Par ailleurs, elle sera chargée d’évaluer les directeurs généraux des établissements publics financiers. Elle réalisera des expertises et des audits et apportera des conseils et une aide à tous les acteurs du système, à leur demande. Un décret en Conseil d’État définira les modalités de cet article.
Article 12 – Fusionner divers organismes dans « France Finance ».
En France, les autorités de régulation sont dispersées, ce qui explique en partie pourquoi elles n’ont pas vu l’importance de la bulle et des dysfonctionnements. Avoir l’objectif de bannir la spéculation suppose d’instaurer de nouvelles règles. Par exemple, on sait que les rapports entre les capitaux propres et les crédits accordés doivent être plus strictement réglementés, afin de permettre le financement de l’économie tout en évitant des prises de risques disproportionnées. Dans une optique de consolidation des différentes institutions existantes, il est proposé de fusionner les différentes autorités existantes. « France Finance » a notamment vocation à assurer les missions :
– du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), chargé d’étudier les relations entre les établissements financiers et leur clientèle (particuliers ou entreprises) et de proposer des mesures appropriées dans ce domaine. Son champ de compétence s’étend à l’ensemble du secteur financier (établissements de crédit, assurances et entreprises d’investissement) ;
– du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), saisi pour avis par le ministre de l’Économie de tous les projets de textes normatifs de portée générale dans le domaine bancaire, financier et des assurances ;
– de la Commission Bancaire, laquelle contrôle le respect de la réglementation par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement et sanctionne les infractions. Elle veille également à la qualité de leur situation financière et au respect des règles de bonne conduite de la profession ;
– de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), qui réglemente et contrôle l’ensemble des opérations financières portant sur des sociétés cotées. Elle délivre les agréments des sociétés de gestion de portefeuille et contrôle l’exercice des activités de services d’investissement et les structures de marché. Elle veille par ailleurs à la protection de l’épargne, au bon fonctionnement des marchés et assure l’information des investisseurs ;
– du Comité des Établissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement (CECEI), qui a pour mission de prendre les décisions individuelles d’agrément des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.
Article 13 – Composition du Conseil d’administration de « France Finance ».
De la forme des structures à mettre en place et de leur forme dépend en grande partie la finalité et le fonctionnement du nouveau service public national. En l’occurrence, le conseil d’administration de l’ANF regroupera toutes les parties intéressées par la politique nationale bancaire et financière. Un membre du gouvernement sera président de droit de celui-ci. Un décret en Conseil d’État définira les modalités de cet article.
Article 14 – Rapports entre « France Finance » et le Parlement.
L’ANF disposera de prérogatives larges. Cela implique d’instituer une procédure du contrôle étroite par le Parlement. Le conseil d’administration de l’ANF proposera à celui-ci un plan pluriannuel en matière de politique financière et s’assurera de sa mise en œuvre. Il soumettra au Gouvernement et au Parlement des propositions d’améliorations législatives dans tout domaine bancaire et financier et sera consulté pour information avant tout changement en matière législative ou règlementaire. Le conseil d’administration devra en outre attirer l’attention sur d’éventuels dysfonctionnements dans la gestion financière et solliciter la Cour des Comptes. Un rapport d’activités de l’Agence nationale financière sera remis annuellement au Parlement afin qu’il suive l’application du plan pluriannuel en cours et qu’il prépare un débat parlementaire d’orientation pluriannuelle sur la politique financière. Un décret en Conseil d’État définira les modalités de cet article.
Article 15 – Budget de « France Finance » et mise en œuvre de la politique bancaire et financière nationale.
Le budget de « France Finance » sera abondé par des contributions des différents établissements publics et privés financiers et bancaires, dans des conditions fixées par décret. Le contribuable n’aura donc rien à payer. D’autre part, un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) sera l’instrument juridique qui précisera les missions, les engagements et la contribution des établissements bancaires et financiers. Le CPOM sera le vecteur privilégié de la mise en œuvre, par les établissements publics, de la politique nationale. Un décret pris en Conseil d’État déterminera les modalités d’application de l’article.
Article 16 – Date d’entrée en vigueur des dispositions du chapitre II.
Il est prévu que les dispositions relatives à la création de l’ANF entrent en vigueur une année après la promulgation de la loi.
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Le TITRE II a pour objet les implications et les prolongements souhaités au niveau européen.
Comme nous l’avons vu, nous appelons des changements radicaux. Si de tels changements sont possibles en France, ils sont également souhaitables au plan européen. En effet, d’une part, une bonne partie de la législation nationale découle des normes européennes, et, d’autre part, toute politique bancaire s’intègre dans un ensemble plus large : la politique monétaire.
La Banque centrale fixe en effet le taux de refinancement des banques, le « coût de l’argent » sur le marché monétaire, ce qui permet de réguler l’activité économique par l’apport ou le retrait de liquidités. En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) chapeaute le Système Européen de Banques Centrales (SEBC). Elle joue le rôle de prêteur de dernier ressort, contribue au processus de création monétaire, à côté des banques d’affaires, et veille au bon fonctionnement, à la solvabilité et au respect des réglementations du système bancaire. La Banque de France n’est qu’un rouage de cette organisation supranationale.
Ceci étant, un des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés est très clairement défini à l’article 108 du traité de Rome. Celui-ci stipule que : « Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le présent traité et les statuts du SEBC, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres d’organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions. »
Ainsi, le volontarisme auquel nous appelons de nos vœux est sérieusement contrarié, la plus haute autorité monétaire se trouvant complètement indépendante du pouvoir politique ! Nous le disons sans détour : cette indépendance est une aberration démocratique d’une inefficacité notoire en matière de croissance, de création d’emplois et de pouvoir d’achat (que le dogme de l’inflation faible était censé relever, les Français peuvent juger du résultat !).
Loin de nous isoler, la sortie de notre pays de l’eurolibéralisme serait un coup de tonnerre non seulement en Europe, mais à l’échelle planétaire. L’idéologie néolibérale en subirait un revers historique. Rompre avec les politiques néolibérales est la seule voie à suivre pour la construction d’un nouvel ordre économique et politique mondial – donc européen –, celui des peuples et non de la finance.
Article 17 – Pour une politique européenne alternative.
Nous proposons que la France soutienne la création un service d’intérêt général (SIG) bancaire et financier au plan européen, afin qu’il soit situé en dehors de la sphère marchande et placé sous maîtrise publique et populaire.
Nous proposons dans ce but de trouver des alliances au sein de l’Union européenne pour des coopérations renforcées.
La législation européenne actuelle interdit tout contrôle des mouvements de capitaux, ce qui facilite la spéculation mondiale et conforte l’existence des paradis fiscaux. La spéculation mondiale a aussi été favorisée, en France, par le démantèlement, au 1er janvier 1990, de toute politique de contrôle des changes, c’est-à-dire de toute politique qui soumet à une régulation les opérations de paiement avec l’étranger. Nous proposons de définir une stratégie internationale de la France vis-à-vis des mouvements de capitaux mondiaux et de la politique européenne bancaire, financière et monétaire.
Nous exigeons une modification du statut de la BCE et des règles du SEBC, et proposons de mettre la BCE sous tutelle de l’Eurogroupe (réunion des ministres des Finances de la zone euro) et du Parlement européen.

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André
Gerin

Jacques
Desallangre

Député de Aisne (4ème circonscription)

Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)

Maxime
Gremetz

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