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Augmenter les salaires en fonction de l’inflation - 432

Proposition de loi visant à augmenter les salaires en fonction de l’inflation

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabien ROUSSEL, Soumya BOUROUAHA, Moetai BROTHERSON, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Emeline K/BIDI, Tematai LE GAYIC, Karine LEBON, Jean-Paul LECOQ, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Stéphane PEU, Davy RIMANE, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER, Hubert WULFRANC.

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le SMIC, qui évolue en fonction de l’inflation, atteint péniblement 1 678,95 euros brut soit 1 329,05 euros net. Il a augmenté de 7,76 % à la faveur de quatre révisions depuis le 1er octobre 2021 car son évolution est indexée sur l’inflation.

Ce n’est pas le cas de l’ensemble des salaires, à tel point que des salaires légèrement au‑dessus du SMIC sont aujourd’hui rattrapés par le salaire minimum. Certains se retrouvent même en dessous !

La colère monte dans de nombreuses entreprises et branches professionnelles. Les travailleurs essentiels, mobilisés pendant la crise du Covid ou encore celles et ceux qui sont indispensables pour répondre aux besoins du pays, dans l’industrie ou dans nos services publics, vivent des fins de mois toujours plus difficiles. Les factures de gaz, d’électricité, d’essence, explosent. Idem pour les produits alimentaires et les loyers. Travailler ne permet pas de vivre dignement.

Parallèlement, des énormes bénéfices sont réalisées par des grands groupes. TOTAL, Stellantis, Renault, LVMH…. 72,5 milliards de bénéfices au premier semestre 2022 pour les entreprises du CAC 40, en hausse de 26 % par rapport à 2021. Ce sont ces mêmes groupes qui bénéficient largement des 160 milliards d’euros d’aides publiques versées aux entreprises sans aucune condition, sans aucun critère.

La France est riche mais les travailleurs sont pauvres. Pour les salariés, ces inégalités deviennent insupportables.

Alors que l’inflation galope au rythme effréné de 6 % depuis le début de l’année, un sentiment de déclassement accable des millions de Français, contraints de s’en remettre à des primes, des allocations ou des chèques pour simplement survivre.

Les derniers chiffres dévoilés par la direction de l’animation, de la recherche, des études et statistiques du ministère du travail sont à cet égard particulièrement éclairants. Si le SMIC a augmenté de 7,76 %, à la fin du mois de juin, le salaire horaire de base des ouvriers et des employés n’a, lui, augmenté que de 3,5 % sur un an, tandis que le salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés progressait de seulement 3,1 %.

D’où, comme le souligne Jérôme Gautié, professeur d’économie à Paris‑I‑Panthéon‑Sorbonne, un « phénomène d’aplatissement des salaires en bas de la hiérarchie, dans le privé, comme dans le public ».

Derrière les chiffres, il y a une France qui travaille dur et qui n’en peut plus de ne pas pouvoir vivre de son salaire et de travailler dans des conditions toujours plus dégradées : horaires atypiques, temps partiels imposés, accroissement des cadences de travail, etc.

Quelques exemples parmi tant d’autres.

Après 35 ans d’ancienneté à Arc France, un ouvrier ne perçoit qu’un salaire de 1 448 euros net par mois. Il est posté, de 5 heures du matin jusqu’à 13h, soit huit heures par jour, rythmées par une seule pause de trente minutes et deux autres de dix minutes. Pour tenter de subvenir à l’ensemble de ses besoins, il est contraint de compléter son salaire, insuffisant, par des primes et des chèques. Pour ce travailleur, et ce sont ses mots, « ce n’est pas digne ». Parce que ce qu’il veut, c’est une juste rémunération de son travail, et non pas avoir besoin de collecter des compléments de salaire qui, de surcroît, ne lui ouvrent pas de droits à la retraite ou au chômage.

Il y a aussi ce couvreur‑zingueur qualifié, âgé de 30 ans. Il travaille 45 heures par semaine et touche 1 400 euros net par mois. Il ne trouve plus de sens à son travail car « cela ne paie pas ».

Il y a encore ce couple, âgé de 45 ans, attaché à son petit village. Ils touchent, à eux deux, 3 262 euros par mois. Un prêt à rembourser pour la maison, un autre pour la voiture, un troisième pour les études du garçon, l’essence à payer pour les deux véhicules, sans parler des dépenses courantes et c’est un budget familial qui s’envole avec un déficit de plus de 600 euros par mois.

Il y a aussi tous ces agriculteurs qui démissionnent, qui n’en peuvent plus de lutter contre des prix bas et l’absence de juste régulation par l’Europe. Pour eux aussi, » le travail ne paie pas ». Ce sont des hommes et des femmes de grande valeur, qui ne veulent pas de la charité, mais tout simplement pouvoir vivre de leur travail dignement, c’est‑à‑dire avec des salaires à la hauteur des sacrifices consentis.

L’ensemble des travailleurs ne réclament pas plus de primes, ni de l’État ni de leurs employeurs.

Selon un sondage réalisé les 18 et 19 octobre dernier par l’Ifop, 87 % des Français souhaitent que les salaires soient indexés sur l’inflation comme ce fut le cas jusqu’en 1982.

C’est la raison pour laquelle la présente Proposition de loi vise à instaurer une échelle mobile des salaires, dont le principe consiste à augmenter les salaires en fonction de la hausse des prix.

C’est le seul moyen de maintenir le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation. Introduite en juillet 1952 par le gouvernement d’Antoine Pinay, cette mesure de bon sens a été supprimée en 1982, au nom de la rigueur et des exigences de la construction européenne.

Depuis lors, le niveau réel des salaires n’a cessé de baisser, au profit d’une rémunération toujours plus importante du capital. » Depuis vingt ans, il y a trop de revenus reliés au capital et pas assez au travail », dénonçait récemment le directeur général de la Caisse des dépôts.

La recherche permanente de la baisse du « coût » du travail a ainsi considérablement appauvri les salariés et creusé les inégalités dans la société. Cette dégradation se traduit par un constat édifiant, relevé par le dernier pointage du ministère du travail, le 26 septembre 2022 : sur les 171 branches professionnelles suivies par le gouvernement, pas moins de 117, soit plus de 68 %, présentent une grille de salaires incluant au moins un coefficient inférieur au montant du smic.

Le présent texte ambitionne de mieux répartir la richesse entre le capital et le travail. La grille mobile des salaires aura ainsi pour objectif de stopper la perte continue de pouvoir d’achat des salariés, dans le privé comme dans le public.

Aujourd’hui, plus d’un million d’agents de la fonction publique sont payés au SMIC ou en dessous. La trop faible augmentation du point d’indice des fonctionnaires (3,5 %) dans un contexte d’inflation supérieur à 6 % et peut‑être au‑delà dans les prochains mois, risque d’aggraver la situation et d’affaiblir l’ensemble des services publics.

Enfin, pour tenir pleinement sa fonction de justice sociale, l’échelle mobile des salaires doit être rétablie pour qu’il n’y ait plus aucun salaire minimal de branches professionnelles en‑deçà du SMIC.

C’est pourquoi le rétablissement de l’échelle mobile des salaires doit aller de pair avec une négociation collective annuelle par branche permettant de remettre à niveau l’ensemble des minima de branche. Une telle négociation annuelle devra permettre de corriger, enfin, les inégalités salariales insupportables entre les femmes et les hommes.

Cette proposition de loi prévoit donc 4 articles :

L’article 1er instaure une échelle mobile de tous les salaires dans le secteur privé. Les salaires devront, au minimum, augmenter comme l’indice national des prix à la consommation. Il est en outre proposé de supprimer l’article L. 3231‑3 du code du travail, qui stipule que « sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords ».

L’article 2 instaure, de manière identique, une échelle mobile des traitements de la fonction publique. La hausse du point d’indice est la variable à prendre en compte car elle touche à la fois les fonctionnaires de toutes les catégories mais aussi l’ensemble des contractuels.

L’article 3 vise augmenter la fréquence des négociations collectives concernant les salaires. Aujourd’hui, celles‑ci doivent avoir lieu au moins une fois tous les quatre ans. Avec cet article, nous proposons que ces négociations se tiennent au moins une fois par an et que ces négociations permettent d’aligner les minima de branches au moins au niveau du SMIC, hors primes versées par l’employeur.

L’article 4 est l’article de gage.

PROPOSITION DE LOI}

Article 1er

I. – Les salaires augmentent annuellement, au minimum, de l’augmentation de l’indice national des prix à la consommation institué comme référence par voie réglementaire.

II. – L’article L. 3231‑3 du code du travail est abrogé.

Article 2

La valeur du point d’indice de la fonction publique augmente annuellement, au minimum, de l’augmentation de l’indice national des prix à la consommation institué comme référence par voie réglementaire.

Article 3

Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires.

Ces négociations prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Ces négociations s’assurent qu’aucun minimum de branche ne soit fixé en‑dessous du salaire minimum de croissance, hors primes versées par l’employeur.

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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Fabien
Roussel

Député du Nord (20ème circonscription)
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