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Rapport sur la Pl « Mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi » - 4238

Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi.

Par Mme Elsa Faucillon,

Députée.

INTRODUCTION

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er Octroi d’une aide financière de l’État aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021

Article 2 Rétablissement d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les intermittents de l’emploi

Article 3 Adhésion des employeurs au régime d’assurance pour les salariés engagés à titre temporaire

Article 4 Restauration d’une annexe spécifique au règlement général

Article 5 Gages financiers

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

Annexe n° 2 : liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

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INTRODUCTION

La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19 a frappé au cœur l’économie de notre pays. Si peu de secteurs ont été épargnés, certains ont indiscutablement souffert plus que d’autres et mettront probablement du temps à se relever. Ainsi les confinements successifs, le couvre-feu, les mesures administratives limitant ou interdisant l’accueil du public dans certains lieux ou encore les restrictions aux déplacements internationaux ont-ils lourdement pesé sur l’activité des secteurs de l’hébergement, de la restauration, de l’événementiel, de la culture ou des services à la personne, pour ne citer qu’eux.

Les chiffres sont implacables.

En avril 2020, au plus fort du premier confinement, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement était inférieur de 89,5 % à son niveau d’avril 2019 quand celui de la restauration l’était de 90 %, d’après les données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En juillet, soit plusieurs semaines après la levée du confinement, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement demeurait inférieur de 44 % à son niveau enregistré un an plus tôt. Conséquence immédiate de ces pertes de recettes d’une ampleur colossale, l’emploi salarié dans ces deux secteurs diminuait de 12 % entre la fin du dernier trimestre de l’année 2019 et la fin du deuxième trimestre de l’année 2020 ([1]).

De son côté, le secteur de l’événementiel accusait dès le mois d’avril de la même année une perte évaluée par l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV) à 15 milliards d’euros ([2]), les salons, foires ou autres festivals annulés ou reportés se comptant par milliers.

On le sait, le monde de la culture a, lui aussi, lourdement pâti des décisions prises pour limiter la propagation du virus et, en son sein, le secteur du spectacle vivant a payé le tribut le plus lourd. Entre 2019 et 2020, l’activité de la branche professionnelle du spectacle vivant privé a chuté de 50 % ([3]). Quant à l’activité des métiers artistiques considérés en tant que tels, elle a globalement baissé d’un tiers sur la même période, l’activité de certains métiers – les métiers techniques de la lumière, de l’éclairage, de plateau, de machinerie et de structure – ayant même baissé de moitié ([4]).

Les exemples pourraient être multipliés, le constat, lui, est invariable : des pans entiers de notre économie auraient pu sombrer sans l’intervention, salutaire, des pouvoirs publics. Toutefois, les mesures déployées pour aider les entreprises, de la mise en place du chômage partiel au prêt garanti par l’État, en passant par le report des échéances sociales, n’ont pas tout résolu. Et, parmi les victimes collatérales de la crise sanitaire, les intermittents de l’emploi, ces salariés titulaires de contrats courts (contrats à durée déterminée d’usage, dits « CDDU », ou contrats d’intérim, également appelés contrats de mission) qui comptent pour une part importante des effectifs employés dans les secteurs les plus durement touchés, figurent en bonne place ([5]).

Beaucoup d’entre eux se sont en effet retrouvés au chômage dès les premiers temps de l’épidémie, sans pouvoir toujours prétendre au bénéfice d’une allocation faute d’avoir travaillé suffisamment longtemps. Songeons, s’il était encore besoin de prendre la mesure du séisme qui a secoué la France, qu’au premier trimestre 2020, l’emploi intérimaire enregistrait un recul de l’ordre de 40 % par rapport au trimestre précédent. Près de 320 000 travailleurs intérimaires exerçant leur activité dans les secteurs de la construction, de l’industrie et du tertiaire principalement perdaient alors leur emploi ([6]).

Certes, le Gouvernement a décidé l’octroi d’une prime exceptionnelle pour venir en aide aux intermittents privés de travail, parfois déjà confrontés de près à la précarité en temps normal et menacés de basculer dans la pauvreté à la faveur de la crise. Mais un nombre trop élevé d’entre eux ont été exclus du bénéfice de cette prime dont le montant s’est révélé bien inférieur à ce qui était attendu. Aussi ce geste, loin d’être suffisant, n’a en aucun cas permis de mettre un terme aux difficultés auxquelles ce public, injustement dépossédé de son propre régime d’assurance chômage à compter de 2017, fait face depuis des mois.

La situation est d’autant plus préoccupante que se profile la réforme, régressive et profondément inique, de notre système d’assurance chômage, qui se traduira notamment, lors de la première année de sa mise en œuvre, par une baisse du montant des allocations servies à plus d’un million de chômeurs ([7]), en particulier aux personnes « s’inscrivant à la suite de CDD ou d’intérim », de l’aveu même de l’Unédic ([8]). Ainsi, plus de 80 % des demandeurs d’emploi concernés par le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), moins favorable que le précédent, auront perdu un emploi à caractère temporaire ([9]). De même, près de 90 % de ceux concernés par le passage de la condition minimale d’affiliation de quatre à six mois auront perdu un emploi de ce type.

Cette réforme induira peut-être une économie de plus de 2 milliards d’euros, si l’on en croit les chiffres avancés à ce jour, mais, ce qui est fort probable, c’est qu’elle sera sans effet, en tout cas à brève échéance, sur le volume des contrats courts conclus dans notre pays et, plus généralement, l’état du marché du travail. Ce qui est certain, par ailleurs, c’est qu’elle placera un nombre élevé d’individus, titulaires de contrats courts, abonnés aux « petits boulots » mal rémunérés, aux missions éphémères, dans une situation moins favorable que celle dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui en même temps qu’elle génèrera d’importantes inégalités de traitement entre allocataires. Que l’on ne s’y trompe pas : la réforme, censée décourager la conclusion des contrats courts au profit de contrats plus stables, n’aura en réalité pour effet que de pénaliser ceux qui occupent les premiers par nécessité. Ce qui apparaît comme une évidence, pour s’en tenir là, c’est que les choix faits par le Gouvernement, pour le moins regrettables sur le fond, ne manqueront pas de se révéler grossièrement inadaptés dans un contexte économique et social tout juste convalescent.

Les députés de la Gauche démocrate et républicaine sont convaincus qu’une autre politique peut et doit être conduite. Et ils ne sont pas les seuls à militer en ce sens. C’est pourquoi ils ont fait le choix d’inscrire au programme de la journée de séance qui leur est réservée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution une proposition de loi portant deux principales mesures en faveur des intermittents de l’emploi. La première, de nature conjoncturelle, consiste à leur octroyer une aide financière destinée à compenser intégralement les pertes de revenus qu’ils ont subies en 2020 (article 1er). La seconde, de nature structurelle, consiste à rétablir à leur profit un régime d’assurance chômage spécifique (articles 2, 3 et 4).

Ce texte est le fruit d’un travail au long cours. Il est le produit d’une réflexion collective menée sous les auspices du comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage institué en septembre 2020 à l’initiative de votre rapporteure et qui rassemble parlementaires de différentes tendances politiques, représentants syndicaux et intermittents de l’emploi. Il s’inspire dans une large mesure de la proposition de loi pour une reconnaissance de l’activité des intermittents du travail de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel ([10]) portée par M. Jean François Mbaye et cosignée par des députés siégeant sur tous les bancs de l’Assemblée nationale mais jamais inscrite à l’ordre du jour jusqu’à maintenant, hélas ([11]).

Il traduit, enfin, une conviction profonde, qui repose sur l’idée qu’il est du devoir de l’État d’offrir aux populations les plus fragiles une protection digne de celle qu’elles sont en droit d’attendre d’une société développée comme la nôtre ainsi que des garanties de vie décentes. À plusieurs reprises, au cours de la période récente, les intermittents de l’emploi ont crié leur « détresse », pour reprendre le mot employé par notre collègue de la majorité, leur angoisse à l’idée de ne pouvoir tirer parti de la reprise de l’activité économique, d’une ampleur encore incertaine, leur crainte de voir s’abîmer ou même disparaître certaines professions. Écoutons-les. Tenons compte de leurs revendications, au combien légitimes. Montrons-nous à la hauteur de l’enjeu.

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COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
Octroi d’une aide financière de l’État aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021

Rejeté par la commission

L’article 1er ouvre sous certaines conditions aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre les mois de mars 2020 et avril 2021 le bénéfice d’une aide financière de l’État destinée à compenser intégralement les pertes de salaires qu’ils ont subies en 2020.

I. La prime exceptionnelle instituée à la fin de l’année 2020 : une aide insuffisante en faveur des intermittents de l’emploi victimes des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire

A. une prime versée sous des conditions relativement strictes

À la fin de l’année 2020, le Gouvernement a décidé la création d’une prime exceptionnelle destinée à venir en aide aux demandeurs d’emploi « affectés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ».

Instituée par un décret du 30 décembre 2020 ([12]), elle est en principe versée, en application de l’article 1er de ce texte, aux personnes résidant sur le territoire national et inscrites comme demandeuses d’emploi au cours d’un ou de plusieurs mois compris entre novembre 2020 et août 2021 inclus ([13]) qui :

– soit bénéficient, au cours du mois considéré, du revenu de solidarité active (RSA) ;

– soit bénéficient, au cours du mois considéré, de l’un des revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ou versés dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que les montants du revenu journalier et du revenu mensuel soient inférieurs à des seuils définis ([14]) ;

– soit ne bénéficient ni du RSA ni d’un revenu de remplacement et dont le revenu mensuel pour le mois considéré est inférieur à 900 euros.

Dans tous les cas, sont éligibles à ce dispositif transitoire les seules personnes justifiant d’une durée d’activité salariée accomplie entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 au moins égale à 138 jours travaillés ([15]). On notera qu’en sont exclus les bénéficiaires de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise mentionnée à l’article 35 du règlement d’assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 ([16]).

Conformément à l’article 2 du décret du 30 décembre 2020 précité, le montant de la prime est calculé différemment suivant que la personne est bénéficiaire ou non du RSA mais ce montant ne peut, en tout état de cause, être supérieur à 900 euros.

Situation du demandeur d’emploi

Montant de la prime

Bénéficiaire du RSA

335 €

Bénéficiaire d’un revenu de remplacement ou dont le revenu mensuel pour le mois considéré est inférieur à 900 €

900 €, desquels sont déduits, le cas échéant, le montant du revenu de remplacement versé, ainsi que 60 % du montant des rémunérations brutes tirées des activités professionnelles exercées au cours du mois considéré

Enfin, en vertu de l’article 3 du même décret, elle est versée mensuellement ([17]) par Pôle emploi, pour le compte de l’État, à charge pour les bénéficiaires de tenir à la disposition de l’organisme tout document permettant d’effectuer le contrôle de l’éligibilité à l’aide.

B. une prime au champ d’application insuffisamment large

D’après les informations obtenues par votre rapporteure auprès de Pôle emploi, 600 000 intermittents privés de travail à un moment ou à un autre durant la période de référence auraient, à ce jour, touché, au moins une fois, cette prime exceptionnelle dont le montant mensuel moyen se serait élevé, jusqu’à maintenant, à 350 euros ([18]).

Bien que le premier de ces deux chiffres soit tout sauf insignifiant, il n’en demeure pas moins que certains intermittents éligibles à la prime ne l’ont pas perçue pour des raisons tenant vraisemblablement au caractère incomplet de leur dossier, ce qui est évidemment regrettable. Au-delà de ce constat, votre rapporteure observe plus généralement que nombre de demandeurs d’emploi se sont malheureusement retrouvés exclus du bénéfice de cette aide ponctuelle, soit parce que le niveau de leurs revenus s’est avéré trop « élevé » au regard des seuils fixés par le décret, soit parce qu’ils n’ont pu satisfaire, en raison de la trop grande rigidité du dispositif, aux autres conditions établies pour y prétendre, la durée requise d’activité salariée étant par exemple inopportunément exprimée exclusivement en jours travaillés (et pas aussi en heures travaillées). Ainsi des guides conférenciers, oubliés parmi les oubliés aux dires de la secrétaire générale du Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC) ([19]), visiblement peu nombreux à avoir pu profiter de la mesure.

Quant au montant de la prime, il s’est révélé globalement insuffisant compte tenu des besoins d’une large part des personnes concernées, qui ont vu leurs ressources significativement diminuer en 2020 et qui, pour beaucoup, se trouvent aujourd’hui dans une situation précaire.

Répartition par secteur d’activité des intermittents de l’emploi
ayant bénéficié de la prime au mois de février 2021

Agriculture et pêche, espaces naturels et espaces verts, soins aux animaux

6,8 %

Arts et façonnage d’ouvrages d’art

0,5 %

Banque, assurance, immobilier

0,8 %

Commerce, vente et grande distribution

13,8 %

Communication, média et multimédia

1,7 %

Construction, bâtiment et travaux publics

7,2 %

Hôtellerie-restauration, tourisme, loisirs et animation

11,5 %

Industrie

7,0 %

Installation et maintenance

3,7 %

Santé

3,5 %

Services à la personne et à la collectivité

21,4 %

Spectacle

1,0 %

Support à l’entreprise

10,4 %

Transport et logistique

10,7 %

Total

100 %

Source : Pôle emploi.

En définitive, la réponse du Gouvernement, en plus d’être intervenue trop tardivement, est apparue largement sous-dimensionnée par rapport à l’enjeu. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en sont convaincus, il faut non seulement aller plus loin mais le faire sans tarder si l’on veut réellement œuvrer à l’amélioration du sort des intermittents de l’emploi. Car, de l’avis de plusieurs interlocuteurs de votre rapporteure, le temps est désormais compté. Ainsi l’article 1er propose-t-il une mesure conjoncturelle pour pallier les difficultés immédiates.

II. le dispositif proposé : une aide financière de l’État destinée à compenser intégralement les pertes de salaires subies par les intermittents de l’emploi en 2020

Le présent article ouvre aux intermittents de l’emploi résidant sur le territoire national et inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021 le bénéfice d’une aide financière de l’État, versée sous des conditions peu contraignantes, destinée à compenser intégralement les pertes de salaires qu’ils ont subies en 2020.

● Le I définit le périmètre de l’aide, à laquelle seraient éligibles les personnes satisfaisant à trois conditions.

D’abord, aux termes du 1°, elles devraient avoir occupé, au cours des années 2017, 2018 et 2019, un emploi à caractère temporaire. Sont visés plus précisément les emplois saisonniers, « dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs » ([20]), et les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité, « il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire [des emplois considérés] » ([21]). Le déménagement, l’hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances, les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ou encore l’enseignement sont quelques-uns de ces secteurs d’activité.

Votre rapporteure souhaite apporter ici une précision sur le champ du public concerné par le dispositif. Selon elle, et bien que le texte déposé ne le prévoie pas expressément, l’aide de l’État devrait s’adresser non seulement aux personnes ayant été titulaires, au cours de la période de référence, d’un ou plusieurs contrats de mission conclus dans le cas prévu au 3° de l’article L. 1251-6 du code du travail – référence à laquelle le texte renvoie – mais aussi d’un ou plusieurs contrats à durée déterminée conclus dans le cas prévu au 3° de l’article L. 1242-2 du même code – référence à laquelle le texte ne renvoie pas en l’état.

Ensuite, aux termes du 2°, elles devraient, au titre de l’année 2020, avoir tiré de leurs activités professionnelles salariées, exercées en France ou à l’étranger, des salaires bruts « calculés sur les seuls jours d’emploi ou assimilés » inférieurs à la moyenne de ceux perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019.

Enfin, aux termes du 3°, elles devraient justifier d’une activité salariée accomplie entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019 de 88 jours ou 610 heures au minimum.

À titre dérogatoire, seraient également éligibles à l’aide de l’État les personnes qui auraient occupé un emploi à caractère temporaire en 2018 et 2019 ou en 2019 uniquement dès lors que les salaires bruts tirés de leurs activités professionnelles, exercées en France ou à l’étranger, perçus au titre de l’année 2020 seraient inférieurs, selon le cas, à la moyenne des salaires bruts perçus au titre des années 2018 et 2019 ou aux salaires bruts perçus au titre de l’année 2019.

● Le II définit les règles de calcul du montant de l’aide, qui se caractérisent par leur grande simplicité en comparaison de celles établies pour le calcul du montant de la prime exceptionnelle instituée à la fin de l’année 2020. Ainsi, ce montant correspondrait à la différence entre :

– d’une part, la moyenne des salaires bruts mentionnés au 2° du I perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019 ou, dans le cas où la personne aurait occupé un emploi à caractère temporaire en 2018 et 2019 ou en 2019 uniquement, soit la moyenne des salaires bruts perçus au titre des années 2018 et 2019, soit les salaires bruts perçus au titre de l’année 2019 ;

– et, d’autre part, les salaires bruts perçus au titre de l’année 2020.

● Le III arrête les modalités de versement de l’aide, qui incomberait, pour le compte de l’État, à Pôle emploi. Ce versement interviendrait chaque mois, sur une période de six mois au plus, à compter du premier jour du mois suivant la publication de la loi, dans des conditions définies par décret.

● Le IV invite le Gouvernement à remettre un rapport au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, sur l’évaluation du dispositif créé par l’article 1er. Ce rapport aurait notamment pour objet de formuler des recommandations sur l’opportunité de proroger ou non le versement de l’aide compte tenu de l’évolution de la situation économique.

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* *

Article 2
Rétablissement d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les intermittents de l’emploi

Rejeté par la commission

L’article 2 introduit un régime spécifique d’assurance chômage pour les salariés à l’emploi discontinu.

I. LA SUPPRESSION DU RÉGIME SPÉCIFIQUE D’ASSURANCE CHÔMAGE POUR LES INTERMITTENTS DE L’EMPLOI A FRAGILISÉ Ces salariÉs À l’EMPLOI DISCONTINU

A. LA RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE DE 2017 A ENTERINÉ LA DISPARITION D’UN RÉGIME SPÉCIFIQUE d’INDEMNISATION POUR LES INTERMITTENTS DE L’EMPLOI DEVENU OBsOLÈTE

L’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu repose sur une approche ambivalente que résume parfaitement le protocole d’accord relatif à l’assurance chômage signé par les partenaires sociaux en 2017 : « si les personnes en activité réduite peuvent être sécurisées par une indemnisation et trouver dans les contrats courts un sas vers l’emploi durable, elles risquent dans certains cas un enfermement durable dans la précarité » ([22]). L’enjeu de l’indemnisation des intermittents de l’emploi repose à la fois sur la volonté de favoriser l’accès à un emploi, même précaire car toujours considéré comme préférable au chômage, tout en gardant comme horizon de fournir à terme un emploi stable et durable à ces salariés.

Les réformes qui se sont succédées depuis les années 2010 reposent sur l’hypothèse que les conditions d’indemnisation des emplois discontinus, en particulier les contrats courts, jouent un rôle central dans leur promotion. Aussi ont‑elles eu pour objectif de modifier progressivement les modalités d’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu afin de rendre l’assurance chômage de moins en moins généreuse et donc protectrice. Néanmoins, l’hypothèse toujours défendue par certains économistes à l’appui de l’actuelle réforme de l’assurance chômage ([23]) d’un lien de causalité entre règles d’assurance chômage et augmentation des contrats courts est largement contestée. De nombreux facteurs peuvent expliquer le fractionnement du contrat de travail – phénomène qui n’est pas propre à la France et se développe sous d’autres formes chez nos voisins à l’instar du « zero hour contract » britannique : la tertiarisation croissante de l’économie, les exonérations fiscales sur les bas salaires qui incitent à recourir aux contrats courts souvent moins rémunérés ou encore le dynamisme de certains secteurs ayant par nature recours à ce type de contrat ([24]).

Comme le rappellent, à juste titre, Mathieu Grégoire, Claire Vivès et Jérôme Deyris, « la promotion de droits pour les salariés à l’emploi discontinu s’est toujours accompagnée de la crainte que ceux-ci ne s’inscrivent durablement dans cette forme d’intermittence de l’emploi. Si des adaptations à la réglementation ont été faites pour couvrir les intermittents de l’emploi, indemniser des allocataires en emploi précaire est toujours pensé comme transitoire. » ([25])

La notion de contrats courts

Dans une récente étude de mai 2021 sur l’emploi discontinu et l’indemnisation du chômage ([26]), la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail définit les contrats courts comme les « contrats d’un mois maximum qui incluent à la fois les contrats à durée déterminée, les contrats à durée déterminée d’usage et le travail intérimaire ».

Néanmoins, ce périmètre peut varier puisque l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) retient, pour sa part, la définition d’un « contrat à durée déterminée ou une mission d’intérim d’une durée inférieure à trois mois ».

Les contrats d’une durée inférieure à un mois représenteraient la moitié des contrats de moins de trois mois ([27]). En moyenne, en France, en 2017, 1 200 000 salariés occupent un emploi court d’une durée inférieure à trois mois. Un quart des personnes en contrat court sont au chômage ou en inactivité trois mois plus tard. Celles qui sont toujours en emploi travaillent le plus souvent pour le même employeur selon un phénomène dit de « réembauche ».

L’introduction des droits rechargeables par la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage a posé les premiers jalons de la disparition progressive des règles spécifiques aux intermittents de l’emploi.

L’article 3 de la convention précise qu’afin de « favoriser le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, et notamment ceux qui alternent périodes de chômage et de travail de courte durée, et de lutter contre la situation souvent précaire des personnes, notamment les jeunes, dont l’insertion dans l’emploi se réalise à la suite d’une succession de contrats courts, un rechargement des droits à l’assurance chômage est prévu au terme de l’indemnisation, dans les conditions fixées par le règlement général annexé. Ce rechargement repose sur le principe suivant : plus une personne travaille, plus elle accumule de droits à l’assurance chômage. »

La réforme de 2014 harmonise la réglementation générale et les règles spécifiques de l’annexe IV, en intégrant notamment certaines spécificités dans la réglementation générale. La suppression des seuils qui existaient (en heures, en durée de cumul, en rémunération) rend l’existence d’une annexe spécifique moins justifiée pour les salariés intermittents. Les dispositions de l’annexe IV restaient, dès lors, applicables aux seuls salariés intérimaires.

La réforme la plus significative concernant l’indemnisation des emplois discontinus est incontestablement celle du 14 avril 2017. Alors que le système antérieur tenait compte du nombre de jours ouverts par le contrat, qu’ils soient travaillés ou non, pour calculer l’ouverture de droits, désormais seuls les jours effectivement travaillés sont comptabilisés. Chaque demandeur d’emploi, quelle que soit la nature de son contrat, doit avoir cotisé 88 jours ou 610 heures pour atteindre le seuil d’éligibilité de l’indemnisation. Ce changement de mode de comptabilisation a eu pour conséquence de faire disparaître l’annexe IV, devenue sans effet, car elle prévoyait des règles spécifiques pour le décompte du temps de travail des intérimaires.

B. LES NOUVELLES RÈGLES d’INDEMNISATION prÉvues par la rÉforme de l’ASSURANCE CHÔMAGE VONT AGGRAVER LA PRÉCARITÉ DES TRAVAILLEURS À L’EMPLOI DISCONTINU

La réforme de l’assurance chômage engagée dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 introduit une nouvelle modalité de calcul de l’indemnisation en déterminant le salaire de référence, non plus sur les jours travaillés dans les douze derniers mois mais sur l’ensemble de la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat occupé dans les vingt-quatre derniers mois. Concrètement, ces nouvelles règles ont pour effet de faire baisser le niveau de l’allocation pour les travailleurs qui présentent des périodes de chômage interstitielles entre différents emplois ([28]).

Étude de cas : comparaison entre un parcours d’emploi continu et un parcours d’emploi discontinu

Dans l’étude d’impact qu’elle a réalisée pour la Confédération générale du travail, l’UNEDIC estime le manque à gagner en termes d’indemnisation, à salaire égal, pour un salarié aux contrats intermittents.

Dans le premier cas, le salarié travaille de manière continue sur la période des six mois précédant l’ouverture de ses droits au chômage. Pour un revenu mensuel de 1 550 euros, ses droits s’élèvent à 965,96 euros par mois.

aDans le second cas, le salarié a enchaîné sur les six derniers mois une période de chômage de trois mois suivie d’une période de trois mois en emploi. Ces droits se trouvent, dès lors, réduits de près d’un tiers puisqu’il ne percevrait que 678,90 euros contre 965,96 euros pour le salarié à l’emploi continu.

Source : Unédic, Impact de la réforme de l’assurance chômage 2019, septembre 2019.

Les estimations de l’Unédic sont claires : pour les 400 000 personnes les plus impactées, l’allocation mensuelle nette sera en moyenne de 535 euros contre 890 euros sans changement de calcul du salaire journalier de référence, soit une baisse de 40 % ([29]). Or, parmi ces 400 000 allocataires les plus impactés, 80 % ouvrent un droit après une fin de contrat à durée déterminée ou d’intérim. L’Unédic précise que 70 % des intérimaires seraient modérément ou fortement impactés par la réforme de l’assurance chômage.

II. LA SPÉCIFICITÉ DES CONTRATS COURTS JUSTIFIE l’EXISTENCE DE RÈGLES PARTICULIÈRES

Le présent article vise à rétablir un régime d’assurance chômage propre aux intermittents de l’emploi et aux intérimaires sur le modèle du régime dont bénéficient les intermittents du spectacle. Il introduit une nouvelle section 5 relative aux « intermittents de l’emploi » au sein du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail.

● Le nouvel article L. 5424-29 du code du travail définit les principes de cette nouvelle annexe au règlement général.

D’abord, aux termes du I, les accords relatifs au régime d’assurance chômage conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés édicteraient des règles spécifiques d’indemnisation pour les salariés bénéficiant d’un contrat de mission aux termes du 3° de l’article L. 1251-6 du code du travail, c’est‑à‑dire une mission intérimaire à caractère saisonnier. Ces règles vaudraient également pour tout emploi à caractère saisonnier ou tout emploi pour lequel, dans certains secteurs définis réglementairement, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature temporaire de cet emploi.

La spécificité de ces contrats, et notamment leur durée très brève, justifie la mise en place d’une annexe spécifique au règlement général comme le prévoyait l’annexe IV avant sa suppression en 2017 alors qu’elle se serait avérée particulièrement protectrice en temps de crise économique.

Le II reprend les règles spécifiques en matière de négociation des accords relations à l’assurance chômage déjà édictées au II de l’article L. 5424-22 concernant les intermittents du spectacle. Conformément aux dispositions introduites par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les organisations d’employeurs et de salariés représentatives de l’ensemble des professions mentionnées au I se verront transmettre un document de cadrage qui précisera les objectifs de la négociation en ce qui concerne le respect des principes applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage et le délai dans lequel la négociation devra aboutir.

Le III précise que les règles spécifiques prévues par l’accord respectant les objectifs définis par le document de cadrage sont reprises dans les accords relatifs au régime d’assurance chômage. Si jamais un tel accord ne parvenait pas à être conclu, les organisations d’employeurs et syndicales fixeraient les règles d’indemnisation applicables aux intermittents de l’emploi dans le respect des conditions précisées à l’article L. 5422-22 du code du travail. Plus précisément, ces accords devraient être conformes aux dispositions légales et règlementaires en vigueur et compatibles avec la trajectoire financière définie dans le document de cadrage.

● L’article L.5424-30 du code du travail détermine les modalités de financement de l’allocation d’assurance versée aux travailleurs à l’emploi discontinu.

Au-delà du financement de l’allocation d’assurance prévu à l’article L. 5422‑9 qui vaut pour l’allocation d’assurance et l’allocation des travailleurs indépendants, le nouvel article L. 5424-30 prévoit que le régime propre aux intermittents de l’emploi puisse être financé par une contribution spécifique à la charge des employeurs, y compris les employeurs adhérant au régime d’assurance pour les salariés engagés à titre temporaire dans les professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle et des salariés de ces mêmes professions.

Cette contribution spécifique serait recouvrée et contrôlée par les organismes de droit privé gestionnaires du régime d’assurance chômage, en l’occurrence les unions pour le recouvrement des cotisations sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF). Les éventuels différends relatifs au recouvrement de cette contribution relèveraient du contentieux de la sécurité sociale.

Il est précisé que les fins de contrat de travail des travailleurs intermittents de l’emploi sont exclues du mécanisme de bonus-malus permettant le calcul du taux de contribution de chaque employeur. Introduites par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([30]), la minoration ou la majoration du taux de contribution de l’employeur en fonction du nombre de fins de contrat donnant lieu à indemnisation ont vocation à limiter la multiplication des contrats courts en ce qu’apparaissent préjudiciables à l’assurance chômage.

Compte tenu de la spécificité intrinsèque des emplois visés par le présent dispositif, il serait illogique de les inclure dans le champ d’application de l’article L. 5422-12 du code du travail.

● De la même manière que pour les intermittents du spectacle, le nouvel article L. 5424-31 du code du travail détermine les conditions dans lesquelles les intermittents de l’emploi peuvent bénéficier d’allocations spécifiques d’indemnisation du chômage au titre de la solidarité nationale.

Lorsque les travailleurs privés d’emploi auront épuisé leurs droits à l’assurance chômage, ils pourront bénéficier d’allocations spécifiques au titre de la solidarité nationale sous certaines conditions :

– ne pas satisfaire aux conditions pour bénéficier de l’allocation des travailleurs indépendants prévue à l’article L. 5424-25 du code du travail, ni aux conditions pour bénéficier de l’allocation spécifique déjà prévue à l’article L. 5423-1 ;

– satisfaire à des conditions d’activité professionnelle antérieure et de prise en charge au titre d’un revenu de remplacement.

Contrairement à l’allocation d’assurance chômage gérée par l’URSSAF, ces allocations seraient à la charge de l’État et gérées par Pôle emploi.

L’article L. 5424-32 prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État pour déterminer les modalités d’application de cette nouvelle section.

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Article 3
Adhésion des employeurs au régime d’assurance pour les salariés engagés à titre temporaire

Rejeté par la commission

L’article 3 prévoit l’adhésion des employeurs des secteurs concernés par le dispositif au régime d’assurance chômage spécifique des intermittents de l’emploi.

L’article 3 précise que les employeurs des salariés occupant les emplois visés par la présente proposition de loi adhèrent au régime d’assurance chômage de la même manière que les employeurs des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle.

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Article 4
Restauration d’une annexe spécifique au règlement général

Rejeté par la commission

L’article 4 acte la création d’une nouvelle annexe au règlement général annexé à la convention relative à l’assurance chômage.

Tirant les conclusions du rétablissement d’un régime spécifique pour les intermittents de l’emploi, le présent article précise que ces règles auront vocation à figurer dans une annexe au règlement général annexé à la première convention relative à l’indemnisation du chômage qui prendrait effet à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

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Article 5
Gages financiers

Rejeté par la commission

L’article 5 prévoit un mécanisme de compensation des charges qui résulteraient, pour l’État et les organismes de sécurité sociale, de l’adoption de la présente proposition de loi.

Les dispositions de la présente proposition de loi sont de nature à créer une charge pour l’État et les organismes de sécurité sociale. Le présent article prévoit donc de compenser ces charges à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle sur les droits perçus sur les produits du tabac.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 9 juin 2021 ([31]), la commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi (n° 4138) (Mme Elsa Faucillon, rapporteure).

Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Merci de m’accueillir dans votre commission des affaires sociales cet après-midi.

La proposition de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi que j’ai l’honneur de défendre devant vous est le fruit d’un travail au long cours, mené par le comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage que nous avons institué à l’automne 2020 avec des parlementaires et des responsables syndicaux pour faire front contre cette réforme inique qui va fragiliser nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

La crise sanitaire et économique que nous traversons n’épargne personne, mais certains secteurs clés de notre économie – l’hébergement, la restauration, l’événementiel, le tourisme, la culture – se trouvent, par leur nature même, plus affectés que d’autres. Permettez‑moi de vous rappeler quelques chiffres alarmants pour vous en convaincre. En avril 2020, au plus fort du premier confinement, le chiffre d’affaires du secteur de l’hébergement était inférieur de 89,5 % à son niveau d’avril 2019, quand celui de la restauration l’était de 90 %. Au même moment, le secteur de l’événementiel subissait une perte estimée à 15 milliards d’euros, du fait de l’annulation de milliers de salons, foires ou festivals. Enfin, entre 2019 et 2020, la branche professionnelle du spectacle vivant privé a chuté de 50 %.

Derrière ces chiffres, il y a près de 2 300 000 travailleurs et travailleuses, dont la plupart sont précaires, et qui sont les grands oubliés des mesures de soutien décidées par le Gouvernement. En effet, si les salariés en emploi stable ont bénéficié de mesures de soutien pérennes, avec l’activité partielle, les salariés en emploi discontinu restent pour la plupart sans mesure d’accompagnement.

Je peux vous parler de Xavier, un maître d’hôtel qui était employé en contrat à durée déterminée (CDD) d’usage : alors qu’il gagnait 33 000 euros en 2019, il n’a plus assez de ressources pour vivre et est menacé d’expulsion. Je peux vous parler de Yolanda, une guide‑conférencière qui avait un CDD d’usage et qui gagnait 18 000 euros en 2019 : elle a fini ses allocations et ne gagne plus rien depuis le mois de juin 2020. Aucun n’a pu bénéficier de la prime exceptionnelle, qui est arrivée trop tardivement et dont les critères d’éligibilité sont inadaptés et le montant insuffisant.

D’après les informations que nous avons pu obtenir, 600 000 intermittents privés de travail à un moment ou à un autre entre novembre 2020 et août 2021 auraient, à ce jour, perçu au moins une fois cette prime exceptionnelle, dont le montant mensuel moyen se serait élevé à 350 euros. Au-delà du fait que ce montant est très faible, un nombre significatif d’intermittents de l’emploi ont été exclus de l’aide, soit parce que le niveau de leurs revenus était considéré comme trop élevé – c’est-à-dire supérieur à 900 euros par mois ! – soit parce qu’ils n’ont pu satisfaire aux multiples conditions établies pour en bénéficier. Par exemple, la durée d’activité requise étant calculée en jours travaillés et non en heures, un certain nombre d’intermittents de l’emploi ont été pénalisés. La guide-conférencière que j’ai évoquée a travaillé 1 352 heures sur 112 jours. Or, pour toucher cette aide, elle aurait dû travailler 138 jours. Elle a donc dû rendre son appartement et retourner vivre chez ses parents.

Des millions de Françaises et de Français ont été violemment touchés par cette crise économique. La multiplication des plans de licenciement entraîne une importante augmentation du nombre de chômeurs et le nombre de demandeurs d’une aide alimentaire a augmenté de 45 %.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a choisi de mettre en application une réforme profondément injuste de l’assurance chômage qui va pénaliser l’ensemble de nos concitoyens, et particulièrement ces intermittents de l’emploi, dont une majorité se trouve désormais en fin de droits. Les études d’impact réalisées par l’UNEDIC sont alarmantes : lors de la première année d’application de la réforme, plus d’un million de demandeurs d’emploi subiront une baisse du montant de leurs allocations. Près de 80 % des chômeurs concernés par le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence auront perdu un emploi à caractère temporaire lors de l’ouverture de leurs droits.

Pour justifier cette réforme aberrante en pleine crise, le Gouvernement invoque sa volonté de lutter contre l’explosion des contrats courts constatée depuis une dizaine d’années. C’est encore ce qu’a fait la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion devant vous tout à l’heure : nous en débattrons ensemble le 17 juin, mais je veux déjà vous dire que cet argument ne tient pas la route. Prétendre qu’une assurance chômage trop protectrice serait à l’origine de la multiplication de ces contrats est un leurre. Selon l’UNEDIC, c’est plutôt la structure du marché du travail, la tertiarisation croissante de l’économie ou encore les exonérations fiscales sur les bas salaires qui contribuent à la multiplication des contrats courts – des mesures auxquelles mon groupe s’est toujours opposé.

Le diagnostic selon lequel l’assurance chômage serait devenue une machine à fabriquer de la précarité et serait responsable d’une explosion des contrats courts est totalement faux. Si l’on tient absolument à établir un lien de causalité entre les deux phénomènes, il faut plutôt l’inverser : en réalité, les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) montrent que la part des contrats courts de moins d’un mois dans les embauches a surtout augmenté dans les années 2000, au moment où les règles d’éligibilité étaient les plus strictes.

Les réformes de l’assurance chômage de 2014 et surtout de 2017 se sont appliquées à supprimer progressivement les règles spécifiques pour ces salariés intermittents de l’emploi. Indépendamment des raisons qui ont pu être invoquées à l’époque – absence de lisibilité du système antérieur ou promotion des droits rechargeables – le constat est sans appel : les intermittents de l’emploi subissent une double peine. Outre le fait qu’ils occupent des emplois précaires aux horaires atypiques et souvent mal rémunérés, ils subissent, et subiront à nouveau avec la réforme régressive qui s’annonce, une réduction de leurs droits au chômage. La représentante de Pôle emploi que nous avons auditionnée a bien parlé d’une réduction des droits au chômage.

Mon groupe politique s’est battu contre la « loi travail » parce qu’elle flexibilise le marché du travail et insécurise les travailleurs. Nous avons déposé, à l’occasion d’une précédente niche parlementaire, une proposition de loi contre les temps partiels subis, que votre majorité a allégrement rejetée. Nous nous sommes battus contre l’imposition des contrats à durée indéterminée (CDI) de mission ou des CDI de chantier. Je refuse donc que l’on me fasse la leçon sur l’utilisation abusive des contrats courts.

Nous parlons de salariés pour lesquels l’emploi discontinu est la norme. Dans leur secteur, le CDI n’est pas envisageable, par nature. Il nous faut donc les protéger davantage, et non leur faire payer la spécificité de leur statut ou les abus de leurs employeurs. Nous ne pouvons pas prendre le risque de les laisser sombrer dans l’ubérisation et la pauvreté. C’est d’ailleurs vrai de toutes celles et de tous ceux qui subissent les contrats courts, que ce soit ou non dans la nature de leur emploi : ce n’est pas aux salariés de payer l’utilisation massive des contrats courts. Et ce n’est pas votre réforme qui dissuadera les employeurs d’y recourir.

Je sais que cet objectif de reconnaissance de l’activité des intermittents dans les emplois de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel est assez largement partagé puisque la proposition de loi que je vous présente s’inspire en grande partie de celle de notre collègue Jean-François Mbaye, qui a été cosignée par des députés siégeant sur tous les bancs de notre assemblée, dont quatre‑vingts membres de la majorité. Malheureusement, cette dernière n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ; avec la mienne, c’est désormais chose faite. Les propos de Mme Borne tout à l’heure montrent qu’elle suscite l’intérêt du Gouvernement, et il me tarde d’en débattre en séance.

Notre proposition de loi comporte deux volets : l’un, conjoncturel, vise à ouvrir la prime exceptionnelle à tous les intermittents de l’emploi afin de compenser intégralement les pertes de revenus qu’ils ont subies en 2020, un peu comme l’a fait le chômage partiel pour les emplois stables ; l’autre, de nature plus structurelle, entend rétablir un régime d’assurance chômage spécifique pour ces travailleurs à l’emploi discontinu.

L’article 1er instaure une aide financière de l’État au profit de l’ensemble des intermittents de l’emploi inscrits comme demandeur d’emploi au moins une fois entre mars 2020 et avril 2021. Le dispositif vise précisément les emplois saisonniers, qu’ils relèvent d’un contrat de mission ou d’un contrat à durée déterminée, occupés par les salariés au cours des années 2017, 2018 et 2019. Au titre de l’année 2020, les salariés éligibles devraient avoir tiré de leurs activités professionnelles salariées, exercées en France ou à l’étranger, des salaires bruts calculés sur les seuls jours d’emploi ou assimilés, inférieurs à la moyenne de ceux perçus au titre des trois années précédentes. L’ambition de cette prime est bien de compenser les pertes exceptionnellement engendrées par la crise sanitaire et par l’arrêt de leur activité, qu’ils n’ont évidemment pas choisi.

Les articles 2 à 4 reviennent sur la suppression de l’annexe IV de l’UNEDIC, qui était propre aux intermittents de l’emploi. Ils rétablissent un régime d’assurance chômage spécifique, sur le modèle de celui qui existe pour les intermittents du spectacle. Je rappelle qu’environ 1 200 000 salariés occupent un emploi d’une durée inférieure à trois mois, dont la moitié dure moins d’un mois. La durée très brève de ces contrats justifie l’existence de règles distinctes, qu’il reviendra aux partenaires sociaux et aux organisations représentatives d’employeurs de déterminer lors de la prochaine convention relative à l’indemnisation du chômage. Nous avons bien conscience que la restauration d’annexes spécifiques au règlement général va à contre-courant des politiques menées au cours des dix dernières années, mais notre constat est simple : l’existence de règles d’indemnisation spécifiques aurait, sans conteste, permis aux intermittents de l’emploi de mieux affronter la crise économique et sociale.

Depuis mars 2020, plusieurs parlementaires ont cherché, par voie d’amendement, à créer des aides pour ces oubliés que sont les intermittents de l’emploi, mais l’absence d’annexe spécifique a constitué un frein à leur action. Réintroduire cette annexe serait une manière de reconnaître la spécificité du statut d’intermittent de l’emploi et l’inadaptation du régime général à leur situation ; si cette annexe avait existé pendant la crise, elle aurait évité que ces personnes, qui n’ont pas choisi d’arrêter de travailler mais qui y ont été contraintes, soient pénalisées. Il y a d’ailleurs fort à parier que le déploiement en urgence d’une prime exceptionnelle n’aurait pas été nécessaire avec une couverture sociale suffisamment protectrice des travailleurs et travailleuses en emploi discontinu.

Mes chers collègues, entendons les cris d’alerte des intermittents de l’emploi, qui sombrent un peu plus chaque jour dans la précarité depuis le début de cette crise. Nombre d’entre eux ne vont pas reprendre leur activité tout de suite : dans le secteur de la restauration, du fait des demi-jauges, certains n’ont pas été rappelés. Apportons-leur une aide financière exceptionnelle pour qu’ils sortent la tête de l’eau, mais surtout garantissons-leur un régime protecteur pérenne. Aidons-les à conserver leurs compétences pour éviter qu’ils ne partent vers d’autres secteurs d’activité. Nous nous sommes tous réjouis de pouvoir retourner boire un verre sur les terrasses de nos cafés préférés, de retrouver les salles obscures en famille ou entre amis. Ces secteurs d’activité ne seraient rien sans les femmes et les hommes qui contribuent à les faire vivre : ne les oublions pas.

M. Dominique Da Silva. Le Gouvernement et notre majorité n’ont pas attendu cette proposition de loi pour répondre au constat partagé que la crise sanitaire a pu aggraver la situation des personnes qui travaillent par intermittence. Depuis novembre 2020, la garantie de revenus mensuels de 900 euros, qui bénéficie à l’ensemble des travailleurs enchaînant les contrats courts, aide bien ces salariés modestes, dont je rappelle que le revenu moyen est de 778 euros par mois, financés pour moitié par l’assurance chômage.

Alors que nous sortons de l’état d’urgence et que l’activité des employeurs qui embauchent redémarre fortement, le Gouvernement a tout de même pris le soin de prolonger cette garantie jusqu’au mois d’août, afin, justement, de ne pas fragiliser ces personnes durant l’été. Au total, ce sont 1,3 milliard d’euros, sur une durée de dix mois, qui auront été consacrés à soutenir ces travailleurs précaires en activité réduite.

Cela étant, cette crise montre aussi la perversité qu’il y aurait à encourager la permittence : c’est un système qui ne protège pas assez et qui, en temps de crise, enferme les travailleurs – en majorité des femmes et des jeunes – dans la précarité de leur contrat de travail. Par ailleurs, les chiffres prouvent que, pour certains permittents, les contrats courts constituent un état durable, apprécié car il s’avère plus rémunérateur qu’un emploi durable en proportion du temps de travail effectif. Le groupe La République en Marche veut éviter la confusion entre emploi et Pôle emploi ; nous ne voulons pas entretenir une forme de chômage partiel qui serait indemnisé aisément et durablement par l’assurance chômage.

Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de loi, qui contrevient à la progression de l’emploi durable et à la montée en compétences que nous continuons de défendre.

M. Gérard Cherpion. Je partage les inquiétudes qu’a exprimées Mme la rapporteure. Il est vrai que certaines personnes sont dans une situation de grande précarité et restent au bord du chemin. Cela étant, on ne peut pas nier que l’État a distribué des aides et des primes. Elles ont peut-être été insuffisantes, mais des solutions ont été proposées.

Il est vrai que la réforme de l’assurance chômage pose un certain nombre de difficultés, dont nous venons de débattre avec la ministre. Mais pour vivre dans une région touristique, je sais aussi que nombre de restaurateurs et d’hôteliers ne trouvent pas de personnel : dans mon secteur, près de 400 offres d’emploi ne trouvent pas preneur. Certaines d’entre elles exigent un certain niveau de compétences et ne correspondent peut-être pas à la formation des travailleurs intermittents dont vous parlez, mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de solution.

Notre groupe n’est pas favorable à ce que des aides viennent s’ajouter aux aides : nous pensons que c’est le travail qui permet de se tenir debout dans la société. Nous préférons donc tout faire pour favoriser la formation et orienter les personnes qui n’ont pas d’emploi stable vers des métiers où elles trouveront à s’employer. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

Mme Pascale Fontenel-Personne. La crise sanitaire a eu un effet de révélateur : dans le domaine de l’économie touristique, elle a mis en lumière nos points faibles et nos points forts. Pour bien connaître le secteur, je n’ai pas été surprise et je ne partage pas l’avis de Mme la rapporteure au sujet des contrats courts : dans le secteur du tourisme, les salariés préfèrent souvent signer un CDD plutôt qu’un CDI, pour être libres de bouger et de vivre autrement. L’intermittence n’est pas toujours subie, elle peut être choisie.

La majorité s’est saisie de cette question, au côté du Gouvernement, puisque dès le mois de novembre 2020, une garantie de revenus mensuels de 900 euros pour l’ensemble des travailleurs enchaînant les contrats courts a été instaurée. J’ai reçu les guides-conférenciers, qui n’avaient pas été inclus dans le système, et le ministre Alain Griset a trouvé une solution. Cette garantie semble plus favorable que ce que vous proposez, puisqu’elle s’adresse à tous les travailleurs précaires, et pas seulement aux titulaires de contrats temporaires. Elle va d’ailleurs être prolongée jusqu’en août pour tenir compte de la reprise fractionnée et partielle de certains secteurs. Mais les demi-jauges ne devraient pas durer au-delà du 30 juin : elles ne sauraient donc justifier des décisions pour les six prochains mois.

Vous proposez par ailleurs de créer un régime d’assurance chômage spécifique pour les intermittents de l’emploi et les intérimaires, par l’ajout d’une annexe spécifique à la convention UNEDIC. Je pense que cela ne ferait qu’encourager le recours aux contrats courts et pérenniser la précarité de ces travailleurs. Vous l’avez vous-même rappelé : cette annexe, qui a existé, a été supprimée par les syndicats.

Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ne pourra pas soutenir cette proposition de loi.

Mme Michèle Victory. Au 1er juillet, la réforme de l’assurance chômage va entrer en vigueur. Elle va se traduire par une baisse moyenne de 17 % des sommes versées pour 1 150 000 demandeurs d’emploi, et frapper en particulier les jeunes et certains départements où le taux de chômage est très élevé. Nous souhaitons l’abandon de cette réforme, qui intervient en pleine crise économique, et continuons de demander l’instauration d’un « revenu jeunes ».

Des femmes et des hommes dont le nombre est estimé à environ 40 % des demandeurs d’emploi, durement touchés par la précarité du fait d’une crise sanitaire sans précédent, vont ainsi voir leurs droits baisser, au nom d’une logique purement comptable qui n’est pas la nôtre.

La présente proposition de loi a vocation à redonner un peu d’espoir aux intermittents de l’emploi, celles et ceux qui travaillent dans l’événementiel et la restauration, les extras, les hommes et les femmes dont les parcours de vie ne sont pas forcément conformes aux attentes du Gouvernement, les personnes éprouvées par la crise et qui vont subir de plein fouet, avec l’introduction d’un salaire journalier de référence, cette réforme injuste. Issue d’un travail collectif, celui du comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage, elle est une réponse à la violence économique et sociale que vivent les intermittents de l’emploi au quotidien, du fait de leurs horaires, de leurs salaires et de leurs conditions de travail difficiles. Ce ne sont pas les 375 euros versés en moyenne pour atteindre le seuil de 900 euros qui sont de nature à mettre fin à la précarité qui touche ces professions.

Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je voterai cette proposition de loi, pour que l’État accompagne les intermittents de l’emploi et les intérimaires, pour qu’ils bénéficient d’un régime spécifique d’assurance chômage, à l’instar de celui qui existe pour les intermittents du spectacle, et pour le rétablissement de la fameuse annexe IV.

Mme Valérie Six. Je remercie Mme la rapporteure d’ouvrir le débat sur la précarité des intermittents de l’emploi, et je comprends ses inquiétudes. Nous faisons le même constat : la perspective d’un CDI pour tous est illusoire. Certains secteurs d’activité, comme l’événementiel, le tourisme et la restauration, ainsi que les saisonniers, ont besoin de ces contrats. D’autres entreprises manquent encore de visibilité pour embaucher à long terme. La crise sanitaire, avec les confinements successifs et les fermetures administratives, a eu un impact fort sur notre économie.

Je suis évidemment contre la précarité de l’emploi et la succession des contrats courts dans les métiers en tension, notamment ceux de l’industrie, de l’aide à la personne ou encore des nouvelles technologies.

L’article 1er du texte prévoit une aide spécifique pour les intermittents de l’emploi et pour les intérimaires demandeurs d’emploi. Cette indemnisation vise à compenser la totalité des pertes de revenus subies depuis le début de la crise sanitaire. Quant à l’article 2, il tend à créer un régime d’assurance chômage spécifique pour les intermittents de l’emploi.

Le débat est posé. L’État doit accompagner de manière globale les personnes qui occupent des emplois précaires et cumulent des difficultés, afin de les en sortir. Toutefois, les dispositifs que vous présentez ne paraissent pas réalisables, dans un contexte inédit de dégradation des comptes publics. Nous comprenons qu’il est nécessaire de prévoir un accompagnement de ces travailleurs ; cependant, le groupe UDI & Indépendants ne votera pas, en l’état, la proposition de loi.

Mme Martine Wonner. Les travailleurs intermittents et les saisonniers ont le sentiment, justifié, de se trouver dans les angles morts des aides instituées pour faire face à la crise sanitaire et économique. Très souvent, les titulaires de CDD d’usage ne peuvent pas bénéficier des dispositifs de soutien destinés aux différents secteurs et entreprises. Au contraire, les intermittents du spectacle, qui relèvent d’un statut particulier, ont obtenu une année blanche, au moins jusqu’en août 2021.

Pourtant, la nature même de l’activité de ces salariés les a rendus très vulnérables face à la crise et les secteurs dans lesquels ils sont le plus souvent employés sont les premiers pénalisés. La garantie de revenu de 900 euros par mois, tout comme la prolongation des droits au chômage pour les personnes arrivant en fin de droits lors du deuxième confinement, ne sont que des réponses partielles à leur situation.

Dès lors, le groupe Libertés et Territoires soutiendra la présente proposition de loi, qui répond à des préoccupations d’urgence mais aussi de plus long terme. En effet, ces intermittents de l’emploi ont besoin d’une aide d’urgence adaptée à la longueur de la crise, car ils sont depuis plusieurs mois en grande difficulté financière. Surtout, ils n’ont aucune visibilité, dans un contexte de reprise très incertain.

Dans de telles circonstances, notre groupe continue de s’interroger sur le maintien de la réforme de l’assurance chômage, qui a certes connu des ajustements. D’après l’UNEDIC et les syndicats, elle pénalisera les plus précaires, précisément ceux qui subissent déjà la crise de plein fouet. La crainte est également celle d’un désintérêt pour ces professions, en particulier, vous l’avez dit, dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration et de l’événementiel, qui entraînerait la perte d’un savoir-faire indispensable au dynamisme de nos territoires. Du fait de la crise, le rétablissement, au sein du régime de l’assurance chômage, du statut particulier de ces professions tel qu’il existait avant la réforme de 2014 s’impose à nous, avec force.

M. Pierre Dharréville. On peut à la fois agir pour une meilleure protection sociale et lutter véritablement contre la précarité. Or on ne fait ni l’un ni l’autre en rendant les chômeurs coupables de leur situation. La proposition de loi que présente notre groupe fait directement écho à la réforme de l’assurance chômage soutenue par le Gouvernement, une réforme que nous dénonçons avec vigueur tant elle va pénaliser les privés d’emploi. Avec la baisse massive des allocations qui est prévue, l’étude d’impact réalisée par l’UNEDIC montre que l’indemnisation de plus d’un million d’assurés diminuera de 17 % en moyenne.

La crise économique que nous subissons appelle au contraire une réforme progressiste de l’assurance chômage, garantissant aux privés d’emploi une continuité de leurs revenus, un meilleur taux de remplacement et une sécurisation des parcours. L’assurance chômage a toujours joué un rôle d’amortisseur social en période de crise. Telle est également l’ambition de ce texte, qui vise à rehausser les droits au chômage des intermittents de l’emploi, particulièrement touchés par la crise sanitaire puisque travaillant dans les secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la culture ou de la restauration.

De manière incompréhensible, ces abonnés aux contrats courts, aux missions d’intérim ou aux emplois saisonniers sont les oubliés du « quoi qu’il en coûte ». Alors que des milliards d’euros ont été déversés pour soutenir les entreprises et l’activité partielle, beaucoup d’entre elles et d’entre eux se sont retrouvés dans des situations de précarité du jour au lendemain, faute de pouvoir travailler et de satisfaire les conditions d’activité permettant de bénéficier de l’assurance chômage.

Par ce texte, nous entendons agir à deux niveaux : d’une part, fournir une aide financière d’urgence pour compenser les pertes de salaires subies par les intermittents et intermittentes de l’emploi ; d’autre part, leur ouvrir un régime d’assurance chômage spécifique, à travers une nouvelle annexe qui tiendrait compte des spécificités de leur situation professionnelle, sur le modèle du régime des intermittents du spectacle. Il s’agit d’un progrès nécessaire pour répondre à la situation de ces millions de travailleurs et travailleuses précaires. Manifestement, plusieurs collègues sont sensibles à nos propositions, jusque dans les rangs de la majorité.

Mme la rapporteure. Je vous remercie, chers collègues, de vos interventions. Je tiens à préciser quelques points.

Madame Fontenel-Personne, la prime instaurée en novembre 2020 concernait bel et bien les personnes occupant un emploi temporaire. Quant à l’explosion des contrats courts, c’est effectivement une réalité, puisque leur nombre a été multiplié par 2,5 – ce qui, au passage, équivaut à une augmentation de 150 % et non de 250 %, chiffre pourtant asséné régulièrement y compris par la ministre du travail elle-même, devant les médias ou devant nous par exemple cet après-midi ; mais cela n’enlève rien à notre volonté de combattre cette explosion des contrats courts.

Les personnes dont nous parlons enchaînaient des contrats courts et ont été inscrites comme demandeur d’emploi entre mars 2020 et avril 2021, mais elles n’étaient pas nécessairement indemnisées par Pôle emploi. Elles se retrouvent désormais dans une situation de grande détresse, et ne sont pas forcément à même de reprendre une activité immédiatement.

M. Cherpion a évoqué à juste titre le fait que l’hôtellerie-restauration a du mal à retrouver des salariés. Il est vrai que, faute de pouvoir travailler dans ce type de secteurs, certains salariés ont cherché des emplois dans ceux où l’activité se poursuivait. Ils ont donc quitté leur secteur d’origine, en acceptant d’ailleurs bien souvent des emplois moins qualifiés que ceux qu’ils exerçaient et requérant des compétences inférieures – ce qui fait craindre par conséquent pour les personnes les moins qualifiées, à qui ces emplois correspondaient.

L’objectif de cette proposition de loi, dans son article 1er, est de venir en aide à toutes celles et tous ceux qui ont été oubliés par les différentes mesures ou en tout cas dont la situation n’a pas été suffisamment prise en considération. Il s’agit des intérimaires, des saisonniers et de ceux qui enchaînent des CDD. Personne ici n’a nié la grande détresse dans laquelle ils se trouvent.

Certes, une prime exceptionnelle a été instituée, mais elle l’a été tardivement et n’était pas adaptée à l’ensemble de ces situations. Lorsqu’elle l’était, les montants servis sont demeurés très faibles. Ces personnes restent donc en grande difficulté. Il convient en outre de distinguer plusieurs types de situations parmi les bénéficiaires de la prime.

Le marché du travail est désormais particulièrement flexible. Cela résulte d’une volonté politique et de mesures précises. Or ces salariés continueront à enchaîner des contrats courts tant que nous les mettrons à la merci d’un marché du travail à ce point flexibilisé et insécurisant. Ce n’est qu’en protégeant correctement les salariés que nous les mettrons à l’abri de cette flexibilisation. Nous essayons donc ici d’inverser la logique actuelle.

Rappelons que ces salariés en emploi discontinu travaillent. Vous ne pouvez donc pas prétendre qu’ils sont fainéants ou qu’ils n’ont pas « traversé la rue » pour trouver un emploi !

Les libéraux mettent régulièrement en avant un second argument : si l’on rémunérait moins le chômage, si les droits garantis par le système assurantiel étaient moindres, le marché du travail offrirait davantage d’emplois stables. Or toutes les recherches et études réalisées démontrent le contraire. La prix Nobel d’économie Esther Duflo, par exemple, explique que tout cela ne repose sur rien. Si l’on s’intéresse aux liens de causalité, on se rend compte que c’est au moment où les règles d’accès à l’assurance chômage ont été les plus strictes que les contrats courts ont explosé. Tel est le cas sur un marché du travail qui flexibilise et insécurise ces salariés.

Collègues de la majorité, vous trouvez souvent les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en travers de votre chemin afin de lutter contre cette flexibilisation et contre le détricotage du code du travail, qui déstabilisent les parcours de vie.

Quand nous proposons le rétablissement d’une annexe spécifique, de qui parlons‑nous ? De salariés pour qui l’emploi discontinu est la norme.

Prenons la situation des guides-conférenciers et guides-conférencières. Comment entendez-vous lutter contre les contrats courts en ce qui les concerne ? Qui donc est prêt à embaucher en CDI une personne pour assurer un jour une visite de Montmartre en anglais, deux semaines plus tard un circuit des châteaux de la Loire sur trois jours, la semaine suivante un tour des caves de Bourgogne ? Seul un très petit nombre d’entre eux le sont, généralement par des offices de tourisme. Pour les autres, je ne vois pas comment ils pourraient éviter les contrats courts. Notons d’ailleurs qu’ils se forment sur leur temps chômé, qui n’est pas rémunéré puisqu’ils ne sont généralement pas indemnisés par l’assurance chômage : ils font suffisamment d’heures. En tout cas, ils ne peuvent pas relever du régime général, puisqu’ils ne répondent pas aux critères. Et ce sera encore moins le cas demain.

Vous avez d’ailleurs déjà pu le constater avec la prime exceptionnelle : la durée d’activité requise était exprimée en jours travaillés, alors même que ces salariés, à l’image des intermittents du spectacle, calculent leur durée de travail en heures. Demain, la réforme de l’assurance chômage aggravera encore les choses, puisque la référence sera le mois et non plus la journée de travail. Bref, leur situation est bel et bien spécifique.

Vous prétendez vouloir lutter contre les contrats courts. Au bout de quatre ans de mandat passés à vos côtés, permettez-moi d’en douter, quelle que soit votre bonne volonté. Mais de toute façon, la perspective d’un emploi stable est un leurre pour toute une partie de ces salariés, dont les gouvernements successifs ont d’ailleurs reconnu que pour eux l’emploi discontinu était la norme. Bref, on ne répond pas à leur situation, en raison d’une profonde incompréhension ou d’un désintérêt.

J’en viens au système de bonus-malus, argument suprême brandi par le Gouvernement pour prouver qu’il veut réellement s’attaquer aux contrats courts. D’une part, pourquoi n’a-t-on pas, dans le plan de relance, subordonné le versement des milliards qui ont été accordés aux entreprises, y compris aux plus grandes, à l’absence de recours massif aux contrats courts ? Cela aurait été une manière de passer de la parole aux actes. Et on aurait pu ajouter une autre condition : l’interdiction des licenciements – qui se succèdent en ce moment.

D’autre part, pourquoi le système de bonus-malus n’interviendra-t-il que dans un second temps ? La ministre du travail tente d’expliquer qu’il sera mis en place en même temps que la réforme de l’assurance chômage, mais en précisant qu’il n’entrerait en vigueur qu’en septembre 2022... Il y a donc un décalage, et ce sont d’abord les salariés qui paieront ; c’est incontestable.

Enfin, certains d’entre vous ont soulevé la question du coût des mesures que nous vous soumettons. Aucune étude d’impact n’a pu être réalisée, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi. En 2020, le dispositif de chômage partiel et le fonds de solidarité ont coûté respectivement 27 milliards et 12 milliards d’euros : les mesures dont nous parlons concernant un nombre de salariés bien moindre, il faut peut-être compter une dépense supplémentaire de 3 à 4 milliards. Mais, à mon sens, l’argument financier n’est pas recevable. En tout cas, je le trouve profondément injuste, car il s’agit de venir en aide à des salariés en grande détresse, qui n’ont pas pu bénéficier des milliards débloqués et qui travaillent dans des secteurs d’activité dont nous aurons bien besoin pour la reprise.

Il y a quelques mois, plusieurs membres de la majorité ont cosigné une proposition de loi similaire. Certains d’entre eux se sont exprimés ici et trouvent désormais à ces mesures tous les travers du monde. J’ai beau faire de la politique depuis quelque temps, cela continue de me surprendre, voire de me choquer. En tout cas, merci pour votre écoute.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Octroi d’une aide financière de l’État aux intermittents de l’emploi inscrits comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021

La commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Rétablissement d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les intermittents de l’emploi

La commission rejette l’article 2.

Article 3 : Adhésion des employeurs au régime d’assurance pour les salariés engagés à titre temporaire

La commission rejette l’article 3.

Article 4 : Restauration d’une annexe spécifique au règlement général

La commission rejette l’article 4.

Article 5 : Gage financier

La commission rejette l’article 5.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, celle-ci est considérée comme rejetée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, de tout le travail que vous avez réalisé pour nous présenter cette proposition de loi. Nous nous retrouverons pour son examen en séance publique.

*

* *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

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ANNEXE n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

M. Mathieu Grégoire, enseignant-chercheur au sein du département de sociologie de l’Université Paris Nanterre, et Mme Claire Vivès, ingénieure de recherche au Conservatoire national des arts et métiers

Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC) – Mme Sophie Bigogne, secrétaire générale

Pôle emploi – Mme Misoo Yoon, directrice générale adjointe, en charge de l’offre de services

Unédic – M. Rémy Mazzocchi, directeur général adjoint, et Mme Lara Muller, directrice des études et analyses

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Annexe n° 2 :
liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

2

Code du travail

Section 5 du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie [articles L. 5424‑29 à L. 5424-32 nouveaux]

3

Code du travail

L. 5424-3

([1]) Ces données sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4997217.

([2]) https://solutions.lesechos.fr/ils-en-parlent/c/quelles-sont-les-incidences-du-covid-19-sur-le-secteur-de-levenementiel-20966/.

([3]) Unédic, Impact de la crise sanitaire sur l’emploi intermittent dans le spectacle en 2020, mars 2021.

([4]) Idem.

([5]) Près de 40 millions de contrats courts sont conclus chaque année en France, d’après l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) (voir le rapport Pour une régulation économique des contrats courts sans contraindre les entreprises, en préservant l’Assurance chômage, réalisé à la demande de la Délégation sénatoriale aux entreprises, décembre 2018).

([6]) DARES indicateurs, n° 18, juin 2020.

([7]) Unédic, Réforme de l’assurance chômage, Effets au 1er juillet 2021 du décret du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage, avril 2021.

([8]) Idem.

([9]) Idem.

([10]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3552_proposition-loi#D_Article_2.

([11]) La proposition de loi a également été déposée au Sénat : https://www.senat.fr/leg/ppl20-096.html.

([12]) Décret n° 2020-1785 du 30 décembre 2020 instituant une prime exceptionnelle à destination de certains demandeurs d’emploi.

([13]) Le versement de la prime, initialement envisagé jusqu’au mois de février 2021, a été prorogé à deux reprises : une première fois par le décret n° 2021-222 du 26 février 2021, une seconde fois par le décret n° 2021-673 du 28 mai 2021.

([14]) 33 euros s’agissant du montant du revenu journalier, 900 euros s’agissant du montant du revenu mensuel.

([15]) La durée d’activité salariée ouvrant droit au bénéfice de la prime doit être composée d’au moins 70 % de périodes couvertes par des contrats de travail à durée déterminée ou des contrats de mission.

([16]) Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.

([17]) À l’exception des primes dues au titre des mois de novembre et décembre 2020, versées en une seule fois pour leur totalité à compter du 15 janvier 2021.

([18]) Audition de Mme Misoo Yoon, directrice générale adjointe de Pôle emploi, en charge de l’offre de services.

([19]) Audition de Mme Sophie Bigogne, secrétaire générale du Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC).

([20]) Cette précision figure au 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail.

([21]) 3° de l’article L. 1251-6 du code du travail.

([22]) Protocole d’accord du 28 mars 2017 relatif à l’assurance chômage.

([23]) Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo et François Fontaine, « La réforme de l’assurance-chômage va clairement dans le bon sens », Le Monde, 9 mai 2021.

([24]) Mathieu Grégoire, « Aucune étude n’a jamais établi de lien de causalité entre assurance-chômage et explosion des contrats courts », Le Monde, 25 mai 2021.

([25]) Mathieu Grégoire, Claire Vivès, Jérôme Deyris, « Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? 1979‑2020 », Institut de recherches économiques et sociales (IRES), mai 2020.

([26]) Mathieu Grégoire, « Emploi discontinu et indemnisation du chômage : Quels usages des contrats courts ? », rapport d’études DARES, n°004, mai 2021.

([27]) Yves Jauneau et Joëlle Vidalenc, « Les salariés en contrat court : des allers-retours plus fréquents entre emploi, chômage et inactivité », Insee Première, n° 1736, février 2019.

([28]) Mathieu Grégoire, Claire Vivès, Jérôme Deyris, « Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? », op. cit.

([29]) Unédic, Étude d’impact de l’évolution des règles d’assurance chômage au 1er avril 2021, novembre 2020.

([30]) Article 52.

([31]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10907301_60c0b9a95f58a.commission-des-affaires-sociales--mme-elisabeth-borne-ministre-du-travail-de-l-emploi-et-de-l-ins-9-juin-2021

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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le texte de la proposition

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