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Motions de censure

Motion de censure - PLF pour 2024 - Nlle lect - 2ème partie et ens du texte

Avec ce gouvernement, la discussion du projet de loi de finances n’est plus ce moment solennel où l’on débat du budget à venir de notre nation. C’est devenu un champ de ruines où s’exhibe le blocage complet du pouvoir législatif.

Pour la vingt-deuxième fois, vous avez déposé un 49.3 ; pour la vingt-deuxième fois, nous constatons que la Ve République est dépassée et épuisée.
Pour la vingt-deuxième fois, nous constatons que vous êtes comme la Ve République.

Vous nous empêchez de débattre du fond dans cet hémicycle. Pourtant, les vrais sujets sont là, dans le projet de loi de finances pour 2024. Qu’y trouve-t-on ? Que le pouvoir d’achat, la première inquiétude des Français, n’est pas le pilier du mandat ! Que l’environnement n’est pas le pilier du mandat ! Que la santé et l’éducation ne sont pas des piliers du mandat ! Que le mal-logement n’est pas le pilier du mandat !

Finalement, ce qu’on constate, c’est que votre priorité est l’immigration : accuser ceux qui fuient la misère et la guerre est tellement plus simple que de pointer les responsables du marasme économique dans lequel nous nous trouvons. Pourtant, vous avez reçu une gifle historique la semaine dernière à ce sujet. Avec le projet de loi visant prétendument à contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, vous avez rêvé d’une loi d’extrême droite qui mette en péril les droits fondamentaux des étrangers et qui bafoue leur dignité.

Bienvenue dans le pays des droits de l’homme, ce pays où la plus grande menace est l’immigration et non l’appauvrissement de nos services publics ! Si le président des riches a mis le paquet sur l’immigration en jouant sur les divisions des Français à ce sujet, c’est pour mieux faire oublier son objectif politique. Car n’oublions pas que depuis six ans, il rend les riches toujours plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres et plus nombreux ! Mais à force de jouer à cela, il est en train de faire vaciller le pacte social français qui repose sur le consentement à l’impôt, et qui garantit une forte protection des travailleurs et des services publics forts et présents partout sur le territoire.

Favoriser les riches, c’est d’ailleurs l’essence de la politique fiscale menée depuis 2017 avec ce président. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de la
flat tax étaient annonciatrices du reste : plus de 30 milliards d’euros de baisses d’impôts pour les entreprises, ainsi que la suppression de la taxe d’habitation qui a profité aux plus riches.

Le très bon rapport sur la fiscalité du patrimoine de mes collègues Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu a montré, s’il en était besoin, que notre pays est en train de basculer progressivement dans une société de rente et d’héritage. Les patrimoines se concentrent, se transmettent et décuplent de génération en génération. Cette concentration de richesse dans les mains de quelques-uns remet en cause notre pacte social, celui du consentement à l’impôt qui doit, selon les termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, respecter la capacité contributive de chacun. De cette attaque contre notre pacte social découle donc votre volonté d’affaiblir notre sécurité sociale.

En 2023, vous vous êtes attaqués au droit au chômage et, par là même, aux chômeurs : accuser les personnes privées d’emplois est tellement plus efficace pour mettre en concurrence les plus pauvres ! En 2023, vous vous êtes attaqués au droit à la retraite, en augmentant l’âge de départ : culpabiliser les salariés sur le sort de la sécurité sociale est tellement plus simple que de faire des choix budgétaires courageux qui permettraient que les salariés partent à 60 ans ! En 2023, vous avez refusé de vous attaquer aux déserts médicaux et d’améliorer notre système de soin, avec des riches qui peuvent se soigner et des pauvres qui y renoncent. En 2024, vous poursuivez votre travail en affichant fièrement 16 milliards d’euros d’économie, afin de satisfaire la Commission européenne et les agences de notation que Bruno Le Maire chouchoute tant.

Pour y arriver, il va falloir continuer à rogner, quitte à dégrader encore un peu plus les services publics. Ce n’est pas anodin, car vous dégradez la troisième pièce de notre pacte social. L’Insee l’a démontré : en France, la moitié de la redistribution se fait en nature, c’est-à-dire via l’accès et l’usage des services publics. Les dégrader, réduire leur maillage territorial, c’est appauvrir encore plus ceux qui n’ont pour seul patrimoine que les services publics. Lorsque vous refusez d’accroître significativement le budget consacré à l’éducation nationale, tant pour améliorer les conditions d’enseignement que la rémunération des professeurs, vous augmentez les inégalités sociales entre les jeunes, et vous faites un pont d’or aux écoles privées.

Lorsque vous refusez d’accroître les moyens pour l’hébergement d’urgence, alors que le nombre de places stagne depuis cinq ans, et que vous savez pertinemment que les crédits alloués ne permettent même pas d’atteindre le nombre de places budgétées, vous augmentez la fracture sociale. Vous n’avez même pas voulu conserver un modeste amendement du Sénat qui proposait à peine 6 000 places supplémentaires. 6 000 places, alors que partout, dans les grandes villes, la crise sociale est visible, sous nos yeux ! En France, combien d’enfants vivent dans la rue ? Ils sont soixante-cinq au Havre.

Vous refusez d’améliorer le pouvoir d’achat, alors que l’inflation alimentaire atteint 20 %, et que, comme je l’ai constaté ce week-end, les dons aux associations de solidarité avant Noël sont plus faibles que les années précédentes ! Je ne parle même pas de l’inflation et de l’état des services publics dans nos outre-mer qui sont complètement laissés pour compte – nos collègues n’ont de cesse de vous le répéter mais vous n’entendez rien. Et que dire du sort de nos collectivités territoriales, qui sont pourtant, dans beaucoup de territoires, la dernière présence des services publics ?

Ces espaces démocratiques vivants, qui créent avec les citoyens des relations quotidiennes et durables, et qui sont en première ligne pour gérer les crises, subissent aujourd’hui une perte d’autonomie fiscale et donc une atteinte à leur libre administration, des dotations qui ne suivent pas, l’exonération des bases de la taxe foncière des établissements industriels qui va peser lourd sur les budgets des communes et l’application d’une contribution forcée au déficit de l’État : quand les communes financent l’État, c’est le monde à l’envers !
Depuis 2010, les collectivités locales ont perdu 70 milliards d’euros. Jeudi dernier, le conseil communautaire de la Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, qui regroupe cinquante-quatre communes, a adopté un vœu présenté par la maire communiste de la commune d’Harfleur, qui a mis son président, ancien Premier ministre, en minorité pour la première fois. Ce vœu avait pour objectif de vous saisir, madame la Première Ministre, pour prendre réellement en considération les besoins des communes et de leurs intercommunalités, notamment décider des mesures fiscales qui leur permettent d’assurer pleinement leurs missions ; réviser les conditions budgétaires qui président aux finances des collectivités locales et intégrer davantage leurs représentants dans les décisions qui les concernent directement. Votre mépris des mairies, des collectivités et des départements démontre votre déconnexion complète avec les besoins des Français.

Passons du local au global : votre échec est visible partout. En Palestine, le Président de la République n’a jamais osé proposer des sanctions à la hauteur des atrocités commises par l’armée israélienne contre les civils de Gaza. Pourtant, rien n’est fait pour faire taire les armes et pour sanctionner les responsables de ces massacres. Dois-je vous rappeler que ce sont les contribuables français qui vont payer le bâtiment de l’Institut français détruit par les missiles israéliens le 3 novembre dernier à Gaza ? Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à Ahmed Abu Shamla, agent du Quai d’Orsay mort ce week-end dans un bombardement israélien à Rafah.

Sans nier l’aide financière et humanitaire accordée à la Palestine par la France, on constate tout de même une politique de « deux poids deux mesures » de notre pays face aux sanctions infligées aux agresseurs russes et israéliens et face à l’aide accordée à ces deux pays. Et que dire de l’indécence française au Sahel, où nous maintenons coûte que coûte le franc CFA et nos casernes contre la volonté des peuples ?

La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ne peut pas traiter avec autant de légèreté cette asymétrie dans l’application du droit international. Il faut pouvoir écouter les peuples du monde. Mais pour écouter les peuples du monde, il faut plus de diplomates, et des diplomates qui ne soient pas accaparés par l’Élysée pour vendre des armes. Avec un budget du Quai d’Orsay qui remonte certes, mais qui reste toujours aussi faible, il est évident que nous ne ferons pas de miracles. En revanche, le budget du nucléaire militaire, quant à lui, va à l’encontre du droit international en remontant en puissance, coûtant aux Français plus de 20 millions d’euros par jour. Moderniser la bombe atomique, est-ce essentiel ?

Madame la Première ministre, agir ainsi mérite la censure. Le groupe GDR votera cette motion.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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