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Budget pour 2024 : un gouvernement irresponsable, cynique et brutal

Même une discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2024 était de trop pour vous ! Nous n’avons jamais discuté de la première partie du texte dans cet hémicycle et à peine examiné quelques missions budgétaires de la seconde partie. Lorsque l’examen du PLF en nouvelle lecture a commencé jeudi dernier en commission des finances, il y avait très peu de suspense sur son issue.

Lorsque vous vous êtes avancée à cette tribune, madame la Première ministre, pour annoncer votre vingt et unième 49.3, les représentants des différents groupes n’avaient même pas eu le temps de s’exprimer ! Même écouter les critiques des oppositions sur votre texte, vous l’avez refusé !

Malgré les éléments de langage distillés depuis quelques jours et le rejet du projet de loi inique sur l’immigration, tout le monde sait ici et dans le pays que ceux qui n’aiment pas le débat parlementaire, ce sont bien le Gouvernement et les députés de la majorité. Vous ne supportez pas d’être mis en minorité, vous réagissez à la moindre parole contradictoire, vous étouffez la moindre opposition et, chaque jour, par vos manœuvres, par vos coups de boutoir procéduraux, vous affaiblissez un peu plus la démocratie parlementaire, mais aussi la confiance que les citoyens placent en nos institutions.

Pour vous dépêtrer de votre mise en minorité la semaine dernière, vous avez osé dire que les Français étaient favorables au projet de loi sur l’immigration et qu’il fallait voter en sa faveur. Mais que faites-vous des 93 % de Françaises et de Français qui refusaient haut et fort la réforme des retraites, qui l’ont crié des semaines entières dans les rues et que vous avez écartés d’un revers de main par la brutalité d’un 49.3 ?

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Antoine Léaument applaudit également.)

Vous nous avez aussi accusés d’avoir mêlé nos voix à celles du Rassemblement national, mais n’est-ce pas sur leurs bancs que vous avez trouvé le soutien nécessaire pour adopter la Lopmi, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, ainsi que la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ou encore pour repousser l’augmentation du Smic ? Les irresponsables, c’est vous ! Les cyniques, c’est vous ! Les brutaux, c’est vous !

Une nouvelle fois, les représentants du peuple français n’auront pas l’occasion de débattre du texte le plus important de l’année : le budget de la nation. Pourtant, la situation sociale de notre pays est d’une violence palpable.

L’actualité récente nous rappelle la situation désastreuse de l’hébergement d’urgence, dont les dispositifs sont aujourd’hui embolisés : depuis 2019, le nombre officiel de places d’hébergement d’urgence n’a pas augmenté et plafonne à 203 000 – une anomalie alors que les besoins augmentent. Pire encore, le nombre de places effectives est en chute libre, par la faute, tout d’abord, de la sous-budgétisation, les crédits inscrits ne permettant pas, dans les faits, de financer 203 000 places. En ayant fait le choix de la facilité et du court terme, mais aussi en refusant toute augmentation de crédits, vous laissez notre pays faire face à une situation sociale désastreuse et 6 000 personnes doivent dormir dans la rue car les services du 115 sont saturés. Or ce PLF ne prévoit aucune réponse à cette situation.

Le deuxième enjeu majeur de l’actualité est bien entendu le pouvoir d’achat. La cherté de la vie accule chaque jour un peu plus nos concitoyens : en deux ans, l’inflation cumulée a atteint 20 % dans l’Hexagone et elle est pire encore dans les outre-mer. Les salaires ne suivent pas, ce qui met chaque jour un peu plus en difficulté beaucoup de nos concitoyens. Dans de nombreux cas, on ne vit plus de son travail en France, comme le montrent les deux millions de travailleurs pauvres ! Il n’est plus acceptable que le salaire minimum de nombreuses branches demeure inférieur au Smic. Ce PLF, et plus généralement les textes budgétaires, constituent une nouvelle occasion manquée d’agir de manière contraignante sur les salaires. Nous le regrettons.

Une telle situation conduit à accentuer les inégalités économiques, inégalités que les réformes fiscales ont largement contribué à accroître. Comme l’ont montré nos collègues Mattei et Sansu, ces inégalités gangrènent aujourd’hui la société, qui, petit à petit, redevient une société de rentiers et d’héritiers, une société figée qui ne permet plus la mobilité sociale. Cette situation s’aggrave en raison de la dégradation des services publics : 50 % des Français les plus modestes ne possèdent que 8 % du patrimoine privé. Pour eux, le seul patrimoine, c’est souvent les services publics : l’hôpital public, l’école ou le logement. L’Insee a montré que la moitié de la redistribution au titre du modèle social français passe par les services publics. Or, en continuant de les détériorer, en particulier les services publics de proximité, vous accentuez un peu plus la fracture entre les Français.

Que dire également de la fracture entre le territoire hexagonal et les territoires d’outre-mer ? Les crédits supplémentaires que vous avez accordés à ces territoires sont loin d’être suffisants pour pallier les retards de développement qu’ils subissent depuis trop longtemps : précarité du logement, habitat indigne, infrastructures, notamment routières, en mauvais état, accès difficile à l’eau potable. Loin d’être de simples statistiques, ces carences profondes affectent le quotidien de centaines de milliers de nos concitoyens ultramarins. La crise du logement est particulièrement criante : alors que l’offre est dramatiquement insuffisante, des milliers d’habitants attendent un logement social. Et que dire de l’eau, cette ressource fondamentale, qui leur est encore inaccessible ? Où sont les investissements massifs pour garantir l’accès à l’eau potable pour tous ? Pensez-vous vraiment que 50 millions d’euros suffiront à régler la crise de l’eau à Mayotte ? Pas plus que les précédents ce budget ne permettra de mettre fin à l’absence de développement qui ronge les territoires ultramarins.

La fracture sociale de notre pays nous inquiète au plus haut point. C’est à celle-ci que vous devriez vous attaquer et non à celle créée de toutes pièces par des théoriciens du grand remplacement ou du choc des civilisations. Mais vous foncez droit dans cette direction, en créant en outre, par vos coups de force antidémocratiques, une fracture démocratique entre nos concitoyens et les institutions. En toute logique, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera en faveur de la censure du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Jean-Marc
Tellier

Député de Pas-de-Calais (3ème circonscription)

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